Réflexions démocratiques de haute voltige au spectacle des Urbaindigenes

Alors que le festival des Contre-Plongées continue d’animer l’été des Clermontois et des visiteurs de passage, ce soir le rendez vous était donné à 19h place du 1er Mai pour un spectacle de rue de la compagnie Urbaindigenes. Une expérience participative et artistique qui a su cueillir son public.

Du haut de ses 7 ans, une jeune spectatrice s’interroge. « Maman, ils vont faire quoi ? … Je ne sais pas ma chérie. Je n’ai pas tout compris, mais regarde, ça va commencer. »
Dans le public qui prend place, la curiosité est palpable. Il faut dire que, face aux quelque 500 personnes en train de s’installer dans le vaste demi-cercle de chaises en plastique bleu, les traditionnelles planches de théâtre ont été remplacées par un décor déroutant.

Quelques minutes avant le spectacle, la scène laisse perplexes les spectateurs. Crédit Photo L.B
Une scène pas comme les autres

Une ossature de bois verticale de plusieurs mètres se dresse au milieu de ce qui ressemble à un chantier à la pause de midi. Un Algeco, des sacs de sables, des câbles d’acier tendus depuis le haut de la structure. Des morceaux de charpentes sont couchés au sol, si bien que de loin, on ne devine qu’un enchevêtrement étrange.
C’est pourtant bien dans ces décors que les 7 comédiens de la compagnie Urbaindigenes font leur entrée. Cette troupe de gymnastes adeptes du théâtre de rue est venue du Jura. Elle présente ce soir son spectacle intitulé « Chantier, la tournée du Coq ».

Voyage dans le temps
Après une première partie très actuelle, les comédiens remontent le temps jusqu’en Grèce Antique. Crédit Photo L.B

Pendant 1 h 30, le public est embarqué dans une folle histoire à travers les siècles. On voyage alors de la Grèce Antique aux bâtisseurs des cathédrales en passant par de très nombreux clins d’œil à une actualité bien plus contemporaine. Mais sous couvert d’humour, de scènes de combat suspendu dans les airs et de blagues pour tous les publiques, le spectacle veut aussi apporter des pistes de réflexions plus profondes.

Le préau des possibles

« Nous sommes ici pour recréer du lien social » entame une comédienne, « pour l’aventure du vivre ensemble sur les ruines de l’ancien monde. Nous sommes aujourd’hui réunis pour une action inédite, la création participative d’un lieu qui vous appartient : le préau des possibles ! »
Dans leur polo vert, une autre partie de l’équipe se présente comme les membres d’une entreprise de charpente : « Nous allons lever une structure de grange traditionnelle, une ossature triangulaire !! » s’enthousiasme l’un d’eux.  
Dans le public, les regards sont de plus en plus perplexes. « On va construire des trucs ? » s’inquiète un retraité penché sur l’épaule de sa femme.

La force du collectif
Le public est mis à contribution pour faire peu à peu évoluer le décor. Crédit Photo L.B

Qu’il se rassure, tout cela est en partie symbolique. Mais… en partie seulement. Car au fil du spectacle et donc de l’histoire, des parties du public sont appelées à se lever pour hisser un à un les pans du décor, « à la force du collectif ». Une démonstration habillement rattachée à des considérations plus politiques. « Tout changement ne peut venir que de la base. Les associations sont l’unique moteur de la vie citoyenne » explique une comédienne au début de la pièce.

Réfléchir au sens de notre démocratie

Mais si l’histoire qui se joue sous leurs yeux interroge les spectateurs sur le sens de la démocratie et la force du plus grand nombre, le texte ne manque pas d’autocritique et de pistes laissées à leur réflexion. « Les militants du dimanche ne font-ils pas que reproduire un entre soi ? Que fait-on de l’élan individuel dans une démarche si collective ? Et puis la démocratie participative, moi, je veux bien, mais je n’ai pas le temps. Quand je rentre du boulot, j’ai d’autres choses à penser ! C’est un truc de bobo ou de chômeurs qui n’ont que ça à faire. » Et une autre en toge romaine de lui répondre « Et bien, on n’a qu’à réduire le temps de travail. Comme ça il y en aura pour tout le monde déjà, et puis ça laissera du temps à chacun pour les affaires de la cité. »  

Référence au célèbre cliché « Lunch atop a Skyscraper » des ouvriers New-yorkais sur leur building ? Crédit Photo L.B

Mais le public n’a guère le temps de méditer sa réponse, que déjà les comédiens déploient leur talent de gymnastes et d’acrobates pour jouer avec la structure qui prend forme. Entre deux acrobaties, l’histoire ne se prive pas de quelques considérations pour l’étiolement des savoir-faire manuels comme ceux de la charpente au profit de l’industrie qui rachète, modernise, robotise et coule de petites entreprises.

Le clou du spectacle

« En faillite ou pas, un chantier ça se termine ! » clame l’un d’eux pour remobiliser les troupes ! On est tous dans le même bateau ! » Il n’en fallait pas plus pour basculer cette fois en pleine mer. Alors que le fameux préau des possibles prend forme, le clou du spectacle rassemble tout le public sous une voilure devenue celle d’un bateau imaginaire.

Le public est invité à prendre possession de son préau des possibles. Crédit Photo L.B

Dans la lumière rasante du soleil couchant, les artistes accrochés à la structure tournoient au-dessus des têtes. Le rouge vif des voiles mêlés au bois offre à toutes ces réflexions un final poétique qui laisse le public émerveillé.  Françoise est venue avec ses petits-enfants « Vraiment, c’est très original ! Les enfants ont adoré aller tirer les cordes. Mais moi, ils me font quand même peur quand ils se baladent au sommet du toit tout en jouant »

Ce décor atypique pensé et créé par la troupe doit la suivre encore sur leurs prochaines dates, à retrouver sur leur site internet. Quant aux Contre-Plongées, la programmation continue jusqu’au 12 aout.

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