Toujours pas de sortie de crise au CDEF

Rejeté suite à la mobilisation du personnel en octobre dernier, le budget de centre de l’enfance a été adopté jeudi dernier lors d’un conseil d’administration dématérialisé. Les représentants syndicaux dénoncent un document qui entretient la situation de sureffectif dans l’établissement, et les conséquences parfois désastreuses qui vont avec.

« On nous prend clairement pour des andouilles ! » Ce jeudi 18 juin, la pilule a du mal à passer auprès du personnel du centre de l’enfance (CDEF) : une nouvelle fois, le conseil d’administration a validé un budget ne tenant pas compte de leurs revendications. Voilà pourtant plus d’un an que les agents se battent pour obtenir de meilleures conditions d’accueil pour les enfants et des conditions de travail dignes pour eux-mêmes. À force de grèves et de rassemblements, ils avaient réussi, en octobre dernier, à faire rejeter le budget présenté par la direction. Huit mois après, le vote du conseil d’administration sonne comme une trahison pour celles et ceux qui ont été en première ligne pendant le confinement.

Des enfants et des éducateurs en danger

Car COVID ou non, les professionnels de la protection de l’enfance ont continué le travail dans des conditions désastreuses : 40 enfants de moins de trois ans sont actuellement accueillis à la pouponnière, qui ne compte officiellement que 24 places. Chez les adolescents, le sureffectif a obligé les éducateurs à improviser des chambres dans les parties communes, avec des armoires en guise de cloisons ; un enfant aurait même dormi quelques temps dans une baignoire. Au delà de l’épuisement psychologique qui en résulte chez les personnels comme pour leur jeune public, c’est une mise en danger des enfants qui est dénoncée, et les exemples de catastrophes évitées de justesse se multiplient. « Un bébé a commencé à s’étouffer et à perdre connaissance pendant que j’en nourrissais un autre », raconte une éducatrice de la pouponnière. « Le temps que je réussisse à la réanimer, celui que j’avais posé a failli être blessé par les autres. Il a fallu le secourir aussi avant de pouvoir appeler le SAMU pour la première. J’étais seule pour 6 bébés, c’est à dire une situation sans sureffectif : il suffisait que je sois en train de changer une couche à ce moment là pour qu’il y ait un drame. On vient travailler chaque jour en se demandant si la catastrophe n’est pas pour aujourd’hui. La direction nous a dit que si ça arrivait, ce serait à la justice de déterminer les responsables… »

« Il y a eu une autre agression en février. Le lendemain, des représentants de la direction et du conseil départemental se sont engagés à nous donner des moyens ; en mars, les promesses étaient oubliées. »

Outre le manque criant de personnel et d’infrastructures, les longs séjours se multiplient dans cet établissement destiné à l’accueil d’urgence. Alors qu’une partie du personnel est rassemblée pour attendre le vote du conseil d’administration, une adolescente vient saluer les éducateurs : elle a treize ans, et réside au CDEF depuis un an et demi. « Normalement, l’accueil dure trois mois et peut être renouvelé une fois. Mais aujourd’hui, 65 % des enfants sont là depuis plus de 6 mois, et 15 % depuis plus d’un an. » Une réalité qui a des conséquences sur le développement de ces enfants, et qui entraîne de plus en plus régulièrement des situations de violence qui n’arrangent rien : il y a quelques temps, une éducatrice a été mordue au sang par un adolescent, et son collègue a dû laisser un groupe sans surveillance pour aller la secourir. « Il a crié qu’on ne faisait rien pour le laisser partir, qu’on ne voulait pas qu’il s’en sorte ! Il était au centre depuis un an et demi sans aucune perspective, que voulez-vous lui répondre ? Quand un autre gamin refuse de quitter la chambre de son camarade parce que ce sont des parties communes, il a raison ! Il y a eu une autre agression en février. Le lendemain, des représentants de la direction et du conseil départemental se sont engagés à nous donner des moyens ; en mars, les promesses étaient oubliées. »

Une flexibilisation à outrance

Pour le personnel, les solutions sont simples : il faut plus d’agents et d’infrastructures. « Rien de tout cela n’apparaît sur le nouveau budget, mis à part un poste supplémentaire au SEPAD alors que nous demandons une quinzaine d’embauches », s’indigne Charlie Paysac, représentant Sud santé sociaux. « Il y a bien une augmentation du budget de 2 millions d’euros, mais cet argent n’apparaît nulle part. En réalité, il servira à payer les heures supplémentaires et les contractuels en cas de sureffectif ; c’est à dire qu’au lieu de régler le problème, on en fait une situation normale. Et si par miracle il n’y a pas de sureffectif, on ne verra pas la couleur de cet argent. » Pour le syndicaliste, la politique portée par la direction de l’établissement et par le conseil départemental est claire : réduire au minimum la capacité de fonctionnement « normale » de l’établissement, et compenser la suractivité par des embauches de contractuels en dernière minute. En résumé : créer une situation de crise permanente.

Une politique d’autant plus critiquée qu’elle est mise en place de manière douteuse. « Pour la première fois, le budget a été corrigé en amont par le conseil départemental ! » dénonce le représentant syndical. Les conditions du vote, elles aussi, posent question, les administrateurs étant répartis en petits groupes dans différents bâtiments, reliés par visio-conférence. « Ceux dont le vote n’était pas connu à l’avance se sont retrouvés dans la même pièce qu’un représentant de la direction… »

Pour ne pas laisser l’affaire sans suites, les représentants syndicaux prévoient de se réunir mardi soir pour décider des actions envisageables. « On est entre autres en train de travailler pour savoir si ce CA peut être attaqué juridiquement. On se pose aussi la question de nos mandats syndicaux : dans des conditions pareilles, je ne suis pas sûr qu’on continue à siéger… » Le confinement passé, il est probable de voir se tenir des assemblées générales dans les semaines qui arrivent et, peut-être, des appels à la grève.

Photo d’illustration : archives

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