La France au travail, mais à quel prix ?

Le 14 novembre, le projet de loi « pour le plein-emploi » a été adopté à l’Assemblée Nationale permettant à « France Travail » de remplacer l’actuel Pôle Emploi. Le texte risque de stigmatiser fortement les bénéficiaires du RSA entre surveillance accrue, activités obligatoires et sanctions financières.

C’est fait. La loi « plein-emploi » est définitivement adoptée par le Parlement après un ultime vote à l’Assemblée nationale. C’était le 14 novembre. Le 1er janvier 2024, se concrétiseront donc la création de France Travail et par la même occasion, la mise en place de restrictions à l’encontre des bénéficiaires du RSA.

Dans cette même période, le gouvernement devait aussi se prononcer sur l’assurance-chômage. En effet, syndicats et patronat négociaient depuis fin septembre ses futures règles et les conditions pour toucher une allocation. Une valse classique qui s’est vite changée en valse à trois temps avec l’incursion du gouvernement par le biais d’une lettre de cadrage indiquant le refus de tout retour sur la réforme de 2019 (qui a durci les conditions d’accès à l’indemnisation des chômeurs), ni sur celle de 2023 (qui calque les conditions de l’assurance-chômage selon la situation du marché du travail et a réduit la durée d’indemnisation de 25 %).

Les acteurs de la négociation sont parvenus à un accord vendredi 10 novembre. Du côté des patrons, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) signent. Mais côté syndicat, si la CFTC et la CFDT devraient suivre, la CFE-CGC et la CGT ont d’ores et déjà indiqué qu’elles ne signeront pas.

En tous les cas, le 27 novembre 2023, le gouvernement a annoncé aux partenaires sociaux qu’il n’allait finalement pas agréer la nouvelle convention. Un décret va prolonger les règles actuelles jusqu’au 30 juin 2024. L’exécutif veut attendre et continuer à discuter sur l’emploi et les allocations des seniors notamment.

En revanche, la loi « plein-emploi », elle, a bien été adoptée. 190 voix pour et 147 contre. C’était le mardi 14 novembre après une validation par le sénat le 9. Elle traine avec elle son lot de galères pour les plus précaires. On vous explique.

Les bénéficiaires à la loupe

La loi instaure la création, au 1er janvier 2024, d’un « réseau pour l’emploi » piloté par France Travail, nouvel opérateur remplaçant Pôle emploi. La naissance de cet organisme s’accompagne d’une première forme de stigmatisation : l’obligation pour les bénéficiaires du RSA de s’inscrire à France Travail. Doivent également le faire les personnes en situation de handicap sollicitant un accompagnement de Cap emploi et les jeunes suivis par une mission locale. En effet, ces deux dernières structures seront avalées par le « réseau » France Travail.

Cette inscription, sorte de passage en revue des effectifs marque le tournant entre une approche passive où le bénéficiaire venait vers Pôle Emploi et une approche beaucoup plus agressive. Sans oublier que France Travail souhaite également l’inscription des conjoints de la personne bénéficiaire du RSA. Une atteinte stigmatisante et à peine cachée à la vie privée.

Signez ici !

S’enregistrer ne suffit pas. En plus de cela, le bénéficiaire doit signer un « contrat d’engagement » intégrant les 15 heures d’activité hebdomadaires imposées. 15 heures encore un peu floues. Qui devra réaliser ces travaux ? Tous les inscrits à France Travail ? La Macronie se voulait de prime abord souple sur les concernés a dû céder du terrain aux Républicains qui voulaient de leur côté entériner à tout prix ces heures de travail non rémunérées pour tous. Les individualités et cas particuliers, on verra plus tard. « Si on conditionne le RSA, y’a plein de gens qui vont avoir peur des contrôles et cela va accroitre le non recours au RSA qui est déjà très important. », pense Thierry Viard de l’association contre la pauvreté ATD Quart Monde.

Et les sanctions ?

En cas de non-respect des « engagements » des bénéficiaires, la loi se laisse la liberté de suspendre le versement du RSA tout ou partie. Si la personne concernée par cette coupe rétablit l’activité obligatoire, les sommes lui seront reversées dans la limite de trois mois de RSA rétrocédés.

Au boulot les paresseux

La loi « plein-emploi » ne cache pas son objectif : atteindre 5% de taux de chômage d’ici 2027 contre 7.2% actuellement. D’accord, mais à quel prix ? La méthode employée est-elle la bonne ? Pas pour la gauche en tous cas. Lors des débats parlementaires, celle-ci a fustigé des mesures de « stigmatisation » et « d’infantilisation ». Du côté des syndicats et des associations de défense des droits à l’emploi ou des personnes précaires, on monte aussi au créneau.

Lien vers le communiqué de presse d’ATD Quart Monde dénonçant la loi « plein-emploi » le 26 septembre 2023.

Cette loi et sa sévérité envers les bénéficiaires du RSA entérine l’image des chômeurs et chômeuses paresseux. « Les bénéficiaires ont besoin d’un accompagnement qui leur permet de retrouver un parcours d’insertion. Là, c’est encore l’image du chômeur qui ne veut pas travailler. », explique Thierry Viard.  

 Conditionner une prestation sociale à des heures d’activités obligatoires, qu’est-ce que cela dit de l’approche politique de la pauvreté aujourd’hui ? « On n’est pas contents. On trouve que développer l’expérimentation Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, c’est ça qui tient debout. », termine le membre d’ATD Quart Monde. Rappelons qu’en France, actuellement, près de 2 millions de personnes touchent le RSA.

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