Lettre à mes enfants

Hier, j’écrivais à mon grand-père, en mettant à l’honneur le devoir de mémoire.

Aujourd’hui, j’aimerais vous écrire à vous, les filles. Pace que transmettre comme l’a fait pépé avec moi, a dessiné ma ligne de vie. Vous deviendrez celles que vous choisirez. Mais avant ça, je dois vous dire ces quelques mots.

On ne naît pas mère, on le devient. Chaque jour un peu plus. Parfois un peu moins. Respecter l’adulte en devenir et croire en ces petits êtres sur lesquels notre seul pouvoir est celui de la protection.

Faire de son mieux pour apporter la sécurité et l’amour nécessaires pour grandir confortablement dans ses valeurs, sa confiance en soi …Et un jour, vous laisser seules décider de votre vie.

Il y a les racines, il y a les ailes. Un jour, pour prendre son envol.

Je sais à quel point, certains enfants ne mesurent pas l’amour d’une mère. Je sais à quel point, le pouvoir y est mélangé à l’emprise. Il existe autour de moi, des mères accusées à tort, des mères abandonnées par leur enfant, des mères dévastées par l’absence de leur raison de vivre.

Etre mère, c’est apprendre tous les jours à n’être plus tout à fait qu’à soi. Mais c’est surtout, se rendre à soi. Pour transmettre ses valeurs, il faut les avoir touchées du doigt.

Vous regarder grandir, rire, jouer, pleurer, apprendre, comprendre, questionner, perdre, gagner, tout de vous a affiné en moi la définition de la vie :

Vivre c’est vous aimer.

On aime certainement très mal quand on est mère. Peut-être avec trop d’angoisse, avec trop de lourdeur, trop d’insécurité. Mais, on aime du mieux que l’on peut. Avec toutes ses forces.

Alors depuis bientôt 16 ans, j’aime ce monde qui vous accueille, qui vous rattrape, qui vous enjolive, qui vous pousse. Chaque jour un peu plus amusée de vous, je vous embrasse.

Il n’y aura jamais rien de plus grand dans ma vie que ma rencontre avec vous.

Alors, dimanche soir, quand j’ai vu que le monde dans lequel vous égrenez vos années allait devenir sombre et mortifère, c’est à vous que j’ai pensé.

Vous, qui n’avez pas le droit de vote mais qui ne voulez pas de cette histoire dans votre existence.

Elevées dans la tolérance, l’ouverture, les voyages, l’échange, la compréhension, vous n’avez même jamais émis de jugement sur les autres, la différence.

L’autre n’a jamais été votre enfer, il est votre paradis.

Toi, ma grande, tu as été invitée par un camarade à la fête de l’Aid et tu es rentrée avec de succulents gâteaux sucrés. « Sa maman est tellement généreuse alors qu’ils n’ont pas d’argent » m’as-tu dit ce soir-là. Cette femme voilée t’a accueillie les bras ouverts, sans te connaître, et a offert des gourmandises à toute la famille. Des fait-maisons qui ont dû lui prendre du temps, malgré ses 3 enfants qu’elle élève seule depuis que son mari est parti.

Je n’ose pas t’avouer ma grande que cette femme n’aura plus le droit de porter le voile, si le Rn passe. Un de ses candidats l’a annoncé encore hier sur Inter. La kippa, oui. Mais pas le voile. Parce que ce parti a décidé de stigmatiser une religion, parlant d’islamisme plutôt que d’islam.

Quand vous aviez 5 et 8 ans, je vous ai emmenées avec moi sur le tournage du film « Sur la route d’Exarcheia ». Nous sommes parties, toutes les 3 en fourgon dans ce quartier d’Athènes où les habitants accueillent les réfugiés et les protègent des attaques fascistes. Lors de ce voyage, vous avez sympathisé avec des enfants de votre âge, venant de Syrie, d’Afrique noire, et sans parler la même langue, vous avez fait des parties de foot, partagé des poupées, des dinettes et des cordes à sauter. Vous avez ri et tenu la main de vos nouveaux potes.

Ce voyage, du haut de vos jeunes âges, vous ont forgé des valeurs à jamais. Car, vous avez vu, vous, leurs parents inquiets, déboussolés, déracinés, fuyant la misère, la guerre, la famille. Se retrouver dans l’inconnu, sans autre choix que de faire confiance un peu à ceux et celles qui tendent la main. Vous avez pris conscience alors que naître en France aura été une chance. Et qu’on ne peut mépriser l’autre qui a manqué de chance. Que l’autre ne peut rien à ça. Et que vous non plus.

Mais, conscientes de votre chance, de votre privilège d’être née sans guerre, sans misère, vous avez décidé plutôt que de mépriser,  partager votre chance. Vous avez alors offert vos jouets, votre temps et vos souvenirs.

Je vous en remercie grandement.

Fortes de votre expérience, de vos rencontres, vous ne comprenez donc pas que l’on puisse voter pour un parti qui veut nettoyer le pays.

Vous le comprenez d’autant moins que vous aimez bien vous vos potes venus d’ailleurs, qui vous racontent leurs racines, leur culture.

Vous le comprenez d’autant moins qu’il est juste affreux de ne pas apporter assistance à des personnes en souffrance.

Et puis, vous l’avez compris, le RN a voté contre l’inscription de l’IVG, au niveau européen. Contre la loi condamnant les crimes homophobes et transphobes. Le RN a voté contre l’inégalité salariale homme-femme.

Vous le savez, vous, que ce sont les vieux qui ont voté Rn en majorité comme vous l’avez lu dans Hugo décrypte. Jusqu’à 34 ans, le vote majoritaire est le Nouveau Front populaire. De 35 à 70 ans, c’est le RN qui passe en tête. Puis après 70 ans, on vote majoritairement Macron.

Donc, vous le savez que ce vote est d’un autre temps. En déconnexion avec votre génération. Mais que vous allez en payer le prix, pendant quelques années. Vos plus belles années normalement.

Le peuple a choisi une voix qui ne vous convient pas. On ne peut rien y faire, c’est la démocratie. Avec certitude, c’est la fin du vieux monde qui s’effondrera, une fois que l’extrême-droite aura fini de piller les plus modestes. Peut-être que ça finira de façon violente. Les gens seront forcément déçus. Ils attendent beaucoup de ce vote, de ce choix, de cette extrême-droite qui promet l’impossible.

Petit à petit, ils comprendront que leur enfer n’est pas l’autre. Que la colère, ça provoque des problèmes de foie. Rien d’autre.

Je ne veux pas que vous jugiez ceux et celles qui ont fait le choix de l’extrême-droite. Ce n’est pas leur faute. On apprend si bien à leur mentir dans les médias. On apprend si bien à diviser, à faire semblant, à vendre du rêve. On arrive si bien à rémunérer des pions comme Hanouna. On arrive si bien à développer la communication sur les réseaux sociaux.

La réalité est ailleurs.

Les réfugiés, les homos, les voiles sur la tête, n’ont rien à voir avec l’appauvrissement culturel et financier de nos frères et sœurs. Au contraire.

Vous le savez, mes enfants, la haine n’a jamais sauvé le monde.

Alors, nous allons continuer à nous aimer et à accepter l’autre, tout aussi unique que vous. Nous allons continuer à éteindre notre télé et à vivre la vraie vie, nous épargnant le surplus maléfique des réseaux. Nous allons continuer à adorer le monde et les gens. Apprendre de ceux qui nous ressemblent et ceux qui ne nous ressemblent pas. Apprendre à accepter, à comprendre.

Mes filles, le monde qui s’ouvre devant vous n’est pas celui que l’amour d’une mère aurait voulu pour vous. Evidemment. Aucune mère ne peut souhaiter ce monde pour ses enfants. N’en voulez pas à ceux qui ont voté contre votre avenir écologique et humaniste. N’en voulez à personne, sinon vous devenez comme eux. Je sais que vous montrerez la voie à la tolérance. Je sais aussi que comme moi, parfois vous serez en colère. Ne vous trompez pas de cibles. Les électeurs de l’extrême-droite sont des victimes qui parfois même s’ignorent. Etre dans la colère et la haine c’est se détester soi-même.

Alors, nous, continuons dans la joie à être ébahies par un lever de soleil sur le Puy-de-Dôme, par nos balades en forêt, par nos week-ends à la mer, par nos soirées entre amis, par nos recettes de cuisine improbables, par nos rêves d’enfant. Sans oublier de ne jamais se renier, ne jamais courber l’échine, ne jamais se taire. L’amour se doit d’être entendu et crié partout.

Et un jour, le monde sera vôtre.

Avec tout l’amour du monde,

Votre maman

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

2 réflexions sur “Lettre à mes enfants”

  1. «la satisfaction que l’on a vis-à-vis [de sa] propre vie» est «le critère le plus explicatif du vote pour le Rassemblement national» : «Plus vous considérez que vous menez une vie insatisfaisante, plus vous votez RN.». Brice Teinturier, directeur général d’IPSOS.
    L’article est doublement pessimiste car ce n’est pas parce que les gens sont en colère qu’ils votent RN. IL y a 19 millions de français qui ont voté pour un autre parti que le RN. Et parmi ces millions, beaucoup étaient dans l’attente de propositions qui rendent un peu meilleure, la vie que l’on a. Les artisans, commerçants, professions libérables, les cadres veulent conserver leurs avantages, ils votent à droite ou RN car donner 200 euros de plus par mois à leur salarié, c’est impensable. La haine de l’autre commence au travail, quand on est exploité par un autre nanti, qui a presque tout.
    Ce n’est pas parce que les gens seraient racistes qu’ils votent RN, J’en connais à gauche qui vivent avec ce sentiment xénophobe.
    Le vrai problème que les gens vont rencontrer, c’est que leur condition de vie ne va pas changer du tout. ou de façon très marginale. Faire porter ces maux sociaux sur l’immigration est une manière habile pour le RN de ne pas promouvoir par des lois, une vie meilleurs chez les classes dites populaires. Mais , un jour, cette supercherie sera découverte et le RN, pris à son propre piège, ne pourra plus satisfaire les gens qui pensaient qu’ avec un gouvernement bardellien, ça irait mieux. Les gens du peuple se fichent complètement que l’on renvoie chez eux des immigrés, c’est pas ça qui va leur permettre de payer les factures et de voir, qu’au début du mois, finalement, RN ou pas, il reste toujours aussi peu pour vivre comme disait Marine Tondelier. Alors, ne prônez pas le désespoir ou l’amertume car cela nourrit le RN. Tous les partis sont plus ou moins responsables de cette précarisation sociale qui a commencé alors que la Gauche était au pouvoir. Le NFP promettait un Smic à 1600 euros net mais selon l’OFCE, c’est juste ce qu’il faut pour vivre, décemment comme il précise. Et les smicards n’en veulent pas car ça ne changera rien pour eux : une autre étude indique qu’il faut 3 fois plus d’années de salaire aujourd’hui, pour pouvoir accéder à la propriété, c’est à dire un appartement, un bien à soi. IL y a 20 ans, il fallait 12 années de travail, maintenant c’est 40 années !

  2. C EST UN TEXTE QUI DEVRAIT ETRE DISTRIBUE EN TRACT TANT IL EST PROFOND CLAIR IL DECLANCHE UNE BELLE REFLEXION.JE SUIS SI SOUVENT EN PETARD CONTRE LES TRACTS QUI NE SONT QUE DES PROSPECTUS EN COULEURS CERTES .LA COMMUNICATION C EST LA FILLE DE LA PUB C EST PAS LE TRACT MILITANT .QUI DIT UN VECU UN RESSENTI ET QUI PERMET UN PARTAGE ETC ETC ETC EN TOUT CAS BRAVO TE LIRE FAIT TELLEMENT DE BIEN. des bises a toi et tous ceux qui comme moi ont mal a la tete ont mal au ventre ont mal partout je crois meme. josette

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.