« Sourde Colère », le nouveau livre d’Arthur Nesnidal

Deuxième roman pour le jeune auteur clermontois qui a écrit en 2018 « La Purge ». Nous l’avons rencontré (avant le confinement) afin qu’il nous raconte sa vision de l’écriture comme acte politique.

Un chocolat chaud sous le nez, Arthur a envie et besoin de raconter son livre, d’en discuter, et même parfois d’en débattre. Sourde Colère rappelle aisément des faits d’actualités mêlant violences policières, VIème république, et corruption. Dans ce livre, on sent le combat, perdu d’avance de chacun des personnages : La jeune militante sur les barricades, l’inspecteur avide de vérités, ou encore le sénateur aux idées progressistes. Entremêlant ces destins, le nouveau roman d’Arthur nous emmène dans un monde sans lieu ni date. « Je voulais écrire un bouquin de gauche. C’est clairement engagé, j’y raconte la misère, l’oppression et la résistance à l’oppression. » Explique l’auteur. Dans cette fiction, teintée de réalité, l’oppression est partout, dans chacune des strates sociétales. « La violence est à chaque page, j’ai travaillé sur la violence des mots, je me suis accaparé le discours de droite pour bestialiser le syndicalisme, ou traiter les gens de nègres. Idem pour le discours médiatique, je l’ai étudié pour comprendre comment la télévision notamment relaie une manifestation. »

On croit percevoir dans cette histoire, un certain Melenchon, « Ben, ça pourrait être Jaurès ou Blum aussi. » Se défend Arthur, ancien candidat aux Législatives pour la France Insoumise. Mais, là n’est que très peu le propos. Arthur écrit avec brio une fresque sociale intemporelle, pleine d’anachronismes nous promenant dans les époques. Un train à vapeur en l’air côtoie les gaz lacrymos. « Ce sont les années 30 futuristes, le Steampunk », explique l’auteur.

Arthur a mis deux ans pour écrire ce livre, à hauteur de 8 à 12 heures de travail quotidien. « Je l’ai écrit en alexandrins. Ca m’a demandé beaucoup de temps. Et puis, j’ai eu besoin de faire des recherches sur mon histoire, mais aussi sur la grammaire, l’orthographe, la conjugaison. » Sur le bureau d’Arthur, perpétuellement trois livres : Le dictionnaire des synonymes, celui d’analogie et un outil de grammaire. « J’ai plus travaillé sur les détails que dans mon premier livre. Dans « La purge », j’avais moins travaillé l’intrigue. »

Arthur évoque assez facilement son lien à l’écriture, qu’il dit appréhender comme son véritable métier. « Ce n’est pas un talent l’écriture, c’est une méthode de travail. Il faut connaître les outils. » Comme un magicien. « Il faut user de trucs et astuces que le lecteur n’a pas à connaître. » le jeune auteur respecte profondément le lecteur mais reconnaît qu’on lui sert souvent de la soupe. « On met en avant une série de livres qui respectent les critères et les codes habituels. Mais rares sont les livres bouleversants. » Et au-dessus de tout, Victor Hugo, la référence ultime du romancier. « Pour ma part, j’ai l’intention de faire partie de mon top 10 de mes auteurs préférés » dit-il dans un sourire. « Je n’égalerai jamais Hugo, mais je peux tenter de titiller quelques autres. » Parmi eux, Flaubert, Aragon, Lafontaine ou encore Vian. Pour cela, Arthur ne compte pas ses heures. Il participe aussi à un groupe d’écriture. « Je demande conseil à mes amis, mes parents… » et Arthur s’imprègne d’autres lectures, d’autres auteurs. Arthur lit.

Mais, armé de ses petites lunettes jaunes, il cache un petit secret. « Tu croyais vraiment que ce look c’est parce que je suis fan de Polnareff ? » Arthur est malvoyant. « C’est une maladie qui m’est tombée dessus et en quelques mois, à l’adolescence. Ma vue a baissé et je suis devenu malvoyant. une tragédie pour le lecteur que je suis. Je lisais jusqu’à 100 pages par heure, désormais, l’exercice est compliqué pour moi. »

Il n’empêche, Arthur continue le combat, celui politique de porter des idées qu’il défend. « Tu as vu comme je suis fait, sur les barricades, je me fais démonter, alors ma façon à moi de participer au combat c’est d’écrire, je suis un militant, et toutes les formes de lutte sont importantes. Chacun doit utiliser ses compétences. Moi, je sais écrire et parler. »

Un autre combat tout aussi important le pousse à écrire encore. « Je pense qu’il faut se réapproprier la théorie littéraire, je suis lassé de la petite littérature, j’en ai marre des auto-fictions. C’est en se réappropriant les mots et les idées qu’on peut jouer un rôle dans la bataille culturelle. J’ai beaucoup de mal avec les auteurs qui disent que leur livre est sorti tout seul. Un livre ça se travaille, ça se réfléchit, ça se nourrit. »

Alors Arthur, dans ce deuxième opus se réapproprie les mots importants tels que « République » et puis il explique par le biais de son écriture combien l’héroïsme politique n’existe pas, qu’il vaut mieux croire en la force du nombre. « Un héros tout seul ne sert à rien. »

Arthur nous offre donc une contre-utopie, en nous décrivant la société (qui finalement est le personnage principal) dans ses mauvais travers. « Dans ce livre, je dis beaucoup de choses, chaque personnage apporte une réflexion, une posture dans une esthétique rétro-futuriste. »

Alors que Sourde Colère sortait le 1er octobre, Arthur était déjà sur son nouveau projet. « C’est ma profession, c’est différent d’une passion, parfois je n’ai pas envie et je me force 40 heures par semaine, j’écris, je cherche, j’apprends. » Ce qui lui permet de réaliser un livre parfaitement travaillé. Même le titre n’est pas là par hasard. « Il a un double sens, la colère sourde, et la colère qui surgit, car sourde est aussi le subjonctif du verbe Sourdre. »

Pour Arthur, la plus belle façon d’aimer son lecteur est de lui permettre de lire une belle écriture. « On a tenté de désintéresser les gens du classique, mais Victor Hugo, pour ne parler que de lui, n’a pas écrit pour les bourgeois, il racontait des histoires pour le peuple. les grands auteurs classiques ne sont pas la propriété des « élites ». les gens s’y refusent alors que ça leur est destiné. Moi je ne fais pas d’écriture élitiste, je veux appliquer une écriture académique qui veut montrer mon amour du lecteur. Mon premier livre « La purge » m’a permis de rencontrer un camionneur ou des ouvriers qui s’y retrouvaient. Tous ceux qui n’aiment pas lire n’ont peut-être jamais eu un bouquin entre les mains ! Mon livre ne se destine pas aux bourgeois ou à l’élite, bien au contraire. » Parce qu’écrire est un acte politique, Arthur signe là une oeuvre qui se veut lutter contre les inégalités, tout en dénonçant les oppressions aux actes de résistance nécessaires. Comme quoi même derrière un look à la Polnareff, et en buvant un chocolat chaud, on peut réécrire le monde.

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