L’immeuble donne sur un grand boulevard clermontois. En bas,Fatima vient me chercher. Elle est au téléphone, à tenter de trouver des solutions. Deux étages plus haut, 2 policiers, un serrurier et un huissier attendent devant une porte ouverte.
Pas vraiment le temps de se présenter. Les hommes me regardent intrigués. Mais je m’engouffre dans le coquet appartement. Une femme est en larmes, assise à la table de la cuisine. Un bébé de 5 mois gazouille dans son transat.
Le père me propose de m’asseoir et me raconte. « Nous n’avons aucun impayé. Mais, je suis allé râler à Assemblia, car on nous fait payer 54 euros d’entretien de jardin auquel nous n’avons pas accès. C’est vrai que le ton est monté ce jour-là…Mais je n’ai proféré aucune menace ni insulte. » Dit l’homme avec calme tout en remplissant ses valises.
Pourtant, il sera convoqué en justice. Assemblia porte plainte. Le bailleur social dénonce un mauvais comportement de son locataire. Mais, l’agence HLM sera déboutée. L’avocat de la famille obtient gain de cause.
Pourtant, Assemblia fait appel. L’avocat de la famille, cette fois, bizarrement, ne se présente pas au procès et demeure injoignable. Un avis d’expulsion est alors décidé.
La famille demande un délai, en attendant de trouver un autre logement.
Mais, ce matin, sans crier gare, alors que le papa accompagne ses deux petites filles à l’école avant de rejoindre son travail de chauffeur poids-lourds, l’huissier tape à la porte de l’appartement.
La maman, paniquée, explique que les clefs sont dans la voiture et appelle son mari, qui revient en urgence.
« On doit partir. Tout laisser. On a 2 mois pour récupérer nos affaires. Mais, ce soir, je vais dire quoi à mes petites filles quand je vais les récupérer ? Et nous dormons où ce soir ? »
Le bébé tend les bras, sourit à tous ces gens devant la porte de son appartement. Il apporte un peu de joie venue contrecarrer les larmes continues de sa mère.
L’huissier me regarde : « On voit bien que ce ne sont pas des gens malintentionnés. Qu’ils sont sérieux et droits. Mais je dois faire appliquer la loi. Je ne suis pas toujours en accord avec cette loi. Il faut s’en prendre aux politiques qui les écrivent. »
Derrière, les policiers se taisent ou parlent d’autre chose. Le serrurier prend le bébé dans ses bras. « Je ne suis pas à l’aise avec cette situation. J’ai été sans logement et hébergé par l’ANEF à mon arrivée ici. »
La famille fait des aller-retours pour remplir la voiture. « J’ai essayé de prendre quelques jouets pour les filles… »
Fatima s’éloigne pour pleurer. J’en fais autant.

Le serrurier fait le job, sous l’oeil de l’huissier et de la police. Un voisin sort, sans un mot.
En face, la locataire reçoit les denrées périssables que la famille ne peut pas apporter. Des oeufs. Des fruits.
Puis, la famille s’échappe par les escaliers. Le bébé sourit toujours. Il éclate même de rire en nous regardant. Le paysage pourrait être, il est vrai, drôle si ce n’était pas tragique.
L’huissier part, entouré des policiers.
Sur le trottoir, ils croisent la famille, déjà entassée dans sa voiture pleine de bagages.
Elle ne sait pas où aller.
Elle n’a pas d’adresse. Pas de solution.
« Ils auraient pu nous avertir de leur venue. Il faut qu’à 16 heures, au retour de l’école, on ait une solution. »
Alors, on appelle tous les gens susceptibles de nous aider. Avocats, propriétaires, salariés des bailleurs sociaux, politiques.
Personne n’a de solution.
A 13 heures, le bébé s’endort enfin après avoir bu le biberon. Son sourire commence déjà à manquer. « On lui dit d’arrêter de sourire à tout le monde » tente de plaisanter le patriarche.

Il reste 3 heures pour inventer une réalité aux deux petites écolières qui, ce soir, ne retrouveront pas leur chambre, leur lit, leurs peluches et leurs jouets…
Et après, on ose parler d’humanité…
Puis, la voiture a démarré…
1 réflexion sur “« En revenant de l’école, l’huissier était chez moi… »”
C’est honteux, horrible et dégoûtant. Vive la France qui soit disant protège ses citoyens. Des enfants aussi petits se trouvent à rue juste pour des explications sur une facturation de loyer c’est juste incroyablement honteux. J’en ai les larmes aux yeux en lisant ce texte.