Documentaire : « La bataille de la plaine » s’exporte à Clermont-Ferrand pour une projection-débat au Rio

Les Marseillais du média libre Primitivi, une « télé de rue », chroniquent la vie sociale de leur lieu de vie depuis plus de vingt ans. Dans ce documentaire-fiction inspiré du travail de Peter Watkins, ils donnent à voir de manière décalée la lutte contre un projet urbanistique de « requalification » d’une place populaire de leur ville. A l’occasion de leur venue a Clermont-Ferrand pour une projection-débat le 13 janvier à 20 heures au cinéma le Rio, Médiacoop s’est entretenu avec Nicolas Burlaud, l’un des réalisateurs du film.

Médiacoop : Bonjour Nicolas. Pour situer un peu, tu peux nous parler de ce qu’était la place de la Plaine pour les Marseillais avant le début des travaux ?

Nicolas Burlaud :
Ça s’appelle la Plaine mais ça a été mal traduit de l’occitan au français, ça serait plutôt « le plan ». La plaine est la plus grande place de Marseille, avec le plus grand marché de la ville, trois fois par semaine. C’est un marché très populaire. Par extension, c’est le nom qu’on donne aussi au quartier autour de la place, situé au-dessus de la Canebière,. C’est très vivant, avec une vie nocturne très animée et une forte mixité sociale. C’est un quartier historiquement très mélangé, c’est là qu’a émergé le grand hip-hop marseillais qu’on connaît tous aujourd’hui, le punk aussi… Et puis Marseille est une des rares grandes villes de France, peut-être la seule, à encore avoir un quartier populaire dans son centre-ville.

Comment vous est venue l’idée du film ?

N.B. :
Avec les deux autres réalisateurs, Sandra Arch et Thomas Hakenholz, on appartient à un collectif qui s’appelle Primitivi, une « téloche de rue ». Un média local qui existe depuis 20 ans et qui a une activité quotidienne d’informations sur la vie sociale et politique de Marseille. Et dans ce collectif, on habite pratiquement tous à la Plaine. Au quotidien, on réalise des petits films très courts. Quand les travaux de la Plaine et la mobilisation ont commencé, c’est tout naturellement qu’on s’est mis à filmer pour créer une contre-propagande au discours de la mairie et de la Métropole. Puis plus largement, on a voulu utiliser le cinéma pour se rendre acteur de cette lutte.

Médiacoop : On sent une dimension collaborative dans la création du documentaire. Par exemple, les projections
« work in progress » quand le film n’était pas encore terminé où le public pouvait faire des retours. Comment s’est organisée cette collaboration avec le public et les habitants du quartier ? Quelle influence ça a eu sur le rendu final ?

N.B. :
Très vite, on s’est demandé comment le cinéma pouvait être un vecteur de transformation sociale et un outil de lutte, donc on a organisé deux jours de réflexions autour de ça. Le premier jour on a diffusé le faux documentaire de Peter Watkins sur la commune de Paris. Puis le lendemain, on avait proposé à des gens proches du cinéma, de la presse alternative et des militants impliqués dans la lutte de la Plaine de se réunir pour se demander comment le cinéma pouvait servir la lutte.

Un des groupes de discussion est revenu d’un atelier avec une proposition : dire que la commune de la Plaine a été proclamée, que la Mairie avait rayé la Plaine de toutes les cartes de Marseille, et donc qu’il fallait qu’on s’organise nous-même. On s’est emparé de cette blague, de ce bout de fiction, et on a filmé cette scène de proclamation de la commune de la Plaine avec 200 figurants. A partir de là, on a commencé à suivre le truc, a filmer des petites scènes de fiction, qui sont vite devenues partie prenante de la lutte… Ensuite on a expérimenté avec des projections work-in-progress où on demandait à des habitants du quartier d’écrire les voix-off, de réfléchir avec nous au montage… Ce film est donc une aventure collective.

Médiacoop : Maintenant que les travaux sont finis, qu’est-ce qui a changé à la Plaine ? Voit-on les premiers signes de la gentrification poindre le bout de leur nez ?

N.B. :
La place a déjà beaucoup changé d’allure, les terrasses ont pris beaucoup d’espace. Le prix du loyer et de l’achat ont également beaucoup augmenté. En même temps, un an après la fin des travaux, on voit que les gens se réapproprient quand même l’espace et restent quand même dans le coin, Cette place redevient très active, avec beaucoup d’endroits où on peut se retrouver en dehors des endroits commerciaux et des bars… Puis nous, on se dit modestement qu’en racontant cette histoire, en ayant fait participer les gens au récit de cette lutte, qui est aussi le récit de l’histoire du quartier, ça a été important pour les habitants. Cela fait aussi partie de la réappropriation du lieu.

Propos recueillis par Elian Barascud.

« La bataille de la Plaine », du collectif Primitivi, projection-débat le 13 janvier à 20h au cinéma le Rio à Clermont-Ferrand, en compagnie des Amis du Diplo et le Temps des Cerises.

Retrouvez la tournée en Auvergne Rhône-Alpes des réalisateurs du film sur Facebook.
Plus d’infos sur https://labataille.primitivi.org/

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