Les sourires des enfants et des parents sont sincères ou un peu crispés. Devant le portail on tient une main rassurante un peu plus longtemps ou on court déjà retrouver ses camarades. Les chaussures brillent et on découvre sa nouvelle classe.
Mais tout le monde n’a pas la chance de vivre la rentrée. Comme chaque année, certains enfants atteints de troubles trouvent porte close ou sont accueillis dans des conditions pas adaptées à leur handicap, faute d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap).
Droit à l’école
Pour les familles concernées, certaines situations sont invivables. « J’ai des familles qui ne savent pas comment faire. Des mères prennent du sans solde ou un congé maladie car il faut que quelqu’un garde les enfants », déplore Éléonor Périse, de l’association Handi-Cap’ vers le droit à l’école. Sa structure regroupe plus de 500 enfants et jeunes en situation de handicap. Toute l’année, elle soutient les familles et lutte pour l’inclusion adaptée de tous les élèves.
Plusieurs cas de figures
D’abord, il y a la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). C’est elle qui a en charge d’attribuer ou renouveler les notifications nécessaires à l’affectation d’une AESH pour un élève. Problème, la MDPH subit une augmentation du nombre de cas et accuse un lourd retard. « Actuellement, elle traite les dossiers déposés fin février », explique Éléonor Périse. Ainsi, sans notification ou renouvellement, pas d’accompagnement pour les enfants.
Dans ce cas, des élèves sont parfois refusés par les écoles et non scolarisés. Au lendemain de la rentrée, l’association d’Éléonor comptait 6 cas. Une situation que les services de l’académie tentent d’éviter en invitant les établissements à cesser les refus au portail.
Autre possibilité : l’accueil sans AESH. Cela reste un accueil certes mais beaucoup d’enfants font alors face à une scolarité non adaptée sans un suivi au cas par cas. « Certains font leur rentrée quand même mais sont un peu dans la galère. Il y a des enfants qui peuvent se retrouver dans des situations compliquées et qui mettent aussi le personnel en difficulté », indique Éléonor qui précise que 9 élèves sont dans ce cas. Si 15 situations étaient connues mardi matin au total, d’autres se sont ajoutées depuis.
Cherche AESH désespérément
En quelques années, sur le site de Médiacoop, de nombreux articles détaillant les difficultés du métier d’AESH se sont accumulés. Par manque de moyens et de personnel, ces dernier.e.s doivent souvent s’occuper de plusieurs enfants et multiplier les missions. Parfois, il n’y en a tout simplement pas assez pour accueillir les élèves alors même que les établissements sont dans l’obligation d’intégrer les enfants en situation de handicap avec ou sans AESH. « Il en manque une centaine mais ça c’est pour l’instant. Et puis on n’est pas sur un manque de personnel mais sur un manque de budget car il y a des personnes qui veulent faire ce métier », explique Éléonor.
Un combat du quotidien
« Je suis seule avec trois enfants », commence par nous expliquer une maman qui a souhaité témoigner. « C’est moi qui m’occupe de tout », ajoute-t-elle. Sur ses trois enfants, deux sont atteints d’un trouble. « Le plus petit a 5 ans. La petite section a été très difficile, il n’était jamais scolarisé. 2 heures par semaine seulement. J’ai eu beau me battre, j’ai été jusqu’à l’Inspection Académique mais j’étais face à des murs », indique cette dernière.
En moyenne section, son fils est d’abord accueilli 1h30 par jour puis toute la matinée. Mais lorsque l’AESH a été absente un mois pour raisons personnelles, l’enfant a dû rester à la maison. Cette année, la grande section se passera dans une nouvelle école. On a d’abord dit à la mère de famille que l’enfant pourrait faire sa rentrée. « Et devant tout le monde lundi on me dit que mon fils est refusé car il n’y a pas d’AESH », souffle-t-elle.
La notification est en cour de traitement. En attendant, son fils peut finallement aller à l’école l’après-midi avec une AESH. La mère de famille ne se résigne pas : « Trois ans que je me bats et je vais me battre encore. C’est fatiguant d’être face à des murs ».
Mesures immédiates
Si pour les familles, la situation est ingérable, les enfants eux aussi subissent. L’exclusion scolaire est mère de l’exclusion sociale. Pour Éléonor Périse, l’Inspection Académique doit réagir. Elle et son association réclament la scolarisation immédiate de tous les enfants concernés avec ou sans AESH, le renforcement des moyens alloués aux AESH, la simplification et l’accélération des procédures de la MDPH et l’ouverture d’une enquête administrative pour déterminer les responsabilités.
Pour l’heure, « localement, depuis 10 ans que j’ai l’association, jamais je n’ai pu avoir de chiffres exacts. C’est la première année que je suis estomaquée comme ça. Les plateformes téléphoniques sont bloquées, le jour de la rentrée, on ne peut joindre aucune personne », gronde Éléonor.
Contactée, l’Inspection Académique a accusé réception de notre sollicitation et pourrait apporter quelques précisions dans les prochains jours. En attendant, L’académie a une nouvelle fois demandé au ministère la possibilité de dépasser le budget imparti pour recruter plus d’AESH.