Il faut tourner une demi-heure en voiture avant de pouvoir trouver une place pour se garer sur le parking du CHU. Ce matin, nous avons rendez-vous avec le comité représentant les 150 personnels de recherche. Demain, ils seront en grève.
A la cafétéria, au bout de la pièce, ils sont plusieurs à nous attendre. Un peu cachés. Anonymes. Dans un coin. Un peu à l’image de leur profession dans le milieu hospitalier. Eux, ce sont les chercheurs, à l’hôpital. Ceux qui travaillent sur le prochain médicament, ou le futur protocole afin d’améliorer le soin. Ce ne sont pas des médecins, mais des scientifiques.
Pourtant, ils sont indispensables à la médecine d’aujourd’hui et de demain.
Malgré cela, leur statut reste précaire. Beaucoup ne sont pas titularisés. D’autres font fonction d’ingénieur en ayant le salaire d’un technicien.
Ainsi, Laura est depuis 2016 en poste, en CDI mais pas titularisée. « Mon poste peut donc sauter à tout moment. »
Juliette, elle, travaille dans la recherche depuis 2008. Elle a passé toutes les équivalences pour le poste d’ingénieur, mais recruté en tant que technicienne, elle en garde le salaire. « Je fais exactement le boulot d’un ingénieur… Avec 600 euros nets de moins par mois. »
Ainsi, sur 220 agents dans la recherche, aucune égalité ou équité de salaire. « En fait, les Ressources humaines font ce qu’ils veulent, c’est même à nous de bien négocier lors de notre entretien d’embauche. »
Le métier n’a que 25 ans d’âge. Et tout est encore à caler. Mais quand même. « Chaque CHU fait à sa sauce » Explique Marine.
Ici, à Clermont, la direction a préféré embaucher des Bac+ 2 pour réduire les coûts. « Mais, être chercheur c’est avoir un master…Il faut des compétences et une formation. On met tout le monde en difficulté, car on demande aux Bac+2 de faire le boulot d’ingénieur. C’est impossible. Les salariés souffrent, et la recherche aussi… » Explique Julien.
Pourtant, la recherche clinique est un poste qui marche bien. Grâce aux publications et financement de protocole d’études, elle rapporte plus de 25 millions d’euros à l’hôpital chaque année. « Cet argent était réinjecté dans le soin…Et pas dans la recherche. » malgré un reversement de 33% de cette somme au budget recherche depuis cette année, la direction précarise la situation du personnel qui réalise ces recherches.
En effet, l’hôpital souffre de déficit. Une explication donnée pour justifier que 70 %c des chercheurs sont contractuels. « On nous dit que les financements sont trop précaires, puisqu’ils sont liés aux financements des études, fluctuants chaque année. Ils refusent ainsi de nous titulariser en nous signifiant qu’ils ne connaissent pas le financement qu’il y aura l’année suivante. » Encore la rentabilité du service public.
D’ailleurs le concours à la titularisation est fermé depuis cette année.
Cependant, la recherche notamment réalisée au CHU de Clermont Ferrand rayonne. « Nous sommes bien notés. »
Ainsi, demain, à 13H30 devant la direction du CHU le personnel de la recherche du CHU fera grève pour réclamer plus de titularisations, une reconnaissance de leur métier avec les qualifications adéquates.
« La recherche médicale, tout le monde y a affaire un jour. On ne peut pas laisser ça dans les mains de gens trop peu formés.» S’irrite l’un des seuls titulaires autour de la table.
Surtout, le personnel demande plus d’équité dans le traitement salarial. « Parfois, à même diplôme, et même expérience, on n’a pas le même salaire. Parfois, on fait le même métier que quelqu’un qui n’a pas du tout la même formation ou diplôme, mais on n’a pas le même salaire. C’est quand même incroyable. On a même des personnes à qui on n’a pas valorisé une décennie d’expériences dans le privé et qui recommence ici en bas de l’échelle. »
Ainsi, depuis plusieurs mois, le personnel tente d’entamer des discussions avec la direction afin d’écrire un guide clair avec une grille de salaires et de qualifications égalitaires.
Pour l’instant, le personnel n’obtient aucune réponse concrète. « Nous sommes la cinquième roue du carrosse de l’hôpital. On se fiche de nous. » Expriment-t-ils tous autour de la table, avant d’aller prendre leur pause déjeuner.
« On ne pourra pas faire la grève longtemps, on ne peut pas laisser des patients souffrant de cancer attendre la suite du protocole. La direction le sait. »
Il n’empêche, le rendez-vous est pris pour demain, 13H30 devant la direction du CHU de Clermont-Ferrand…