Territoires zéro chômeur de longue durée : une baisse de subventions comme une épée de Damoclès

Novateurs et efficaces, les territoires zéro chômeur de longue durée ne cessent de se développer depuis leurs premiers pas en 2017. Pourtant, cet été, l’État a baissé sa contribution au financement de nouveaux emplois et a alloué une enveloppe loin d’être à la hauteur dans son projet de loi de finances 2024. Si le tir n’est pas corrigé, les territoires s’attendent au pire.

En 2016, l’association « Territoire zéro chômeur de longue durée » voit le jour avec pour objectif de proposer un emploi adapté aux personnes et utile aux territoires. Si le dispositif se déploie d’abord à petite échelle, il doit se développer peu à peu. Et en presque 7 ans, c’est mission réussie. « C’est une réussite sur ses impacts envers les personnes et les territoires avec un projet qui est passé à l’échelle et qui s’est développé même au-delà de la France. », confirme Laurent Grandguillaume, Président de l’association TZCLD.

 C’est l’association ATD Quart Monde qui est à l’origine des premiers travaux autour du dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée. Dès le départ, six grands principes s’imposent : l’exhaustivité territoriale, l’embauche non sélective, la qualité de l’emploi, le temps choisi, l’emploi-formation et la création nette d’emploi. En 2016, 10 villes sont choisies afin de mener l’expérimentation. Chaque fois, une liste de demandeurs est établie et ces derniers sont consultés afin de permettre la création de l’emploi le plus adapté. Ensuite, des Entreprises à But d’Emploi (EBE) sont créées, représentant différents services et permettant l’embauche des personnes ciblées.  

Après cette première vague d’expérimentations, une deuxième loi de 2021 prolonge et étend le dispositif en l’ouvrant à 50 nouveaux territoires. C’est dans ce cadre que le Département du Puy-de-Dôme, Clermont Auvergne Métropole et les Villes de Clermont-Ferrand et Gerzat ont déposé une candidature avant d’intégrer le projet à leur tour.

Des résultats au rendez-vous

De l’emploi et de la dignité pour les personnes ainsi qu’une nouvelle dynamique économique pour les territoires : depuis sa création, le dispositif a su séduire et a peu à peu fait ses preuves. Aujourd’hui, 58 territoires dont 2 ultra-marins sont habilités dans 38 départements différents. Au total, 67 Entreprises à But d’Emploi ont été conventionnées permettant à près de 2500 personnes de sortir de la privation durable d’emploi. Parmi ces derniers, 23% sont en situation de handicap.

Dans le Puy-de-Dôme, Thiers a vu se créer 4 EBE suite à la première expérimentation de 2016. Elles emploient près de 200 salariés. « C’est une réussite. Ça vient dynamiser un territoire dans sa globalité. Sur l’aspect social aussi. Les travailleurs sont très contents, ils retrouvent une forme de dignité, de fierté. Il y a aussi un effet qu’on observe sur leurs enfants, la dynamique d’organisation de la vie familiale. », nous confiait Laure Descoubes, responsable du Comité Locale pour l’Emploi à Thiers, il y a un an lors d’un reportage sur le dispositif.

En 2022, la seconde expérimentation permettait au quartier des Vergnes et à Gerzat de se lancer dans l’aventure, notamment à travers l’EBE InserCoop organisée autour de plusieurs pôles : CULTUR’COOP (plastification de livres, mise en place d’une bibliothèque de rue, logistique évènementielle), KIDI’COOP (micro-crèche inclusive accueillant des enfants de 3 mois à 6 ans en situation de handicap), ST’COOP (sous-traitance pour les entreprises), HORTI’COOP (production locale de plants pour fournir les serres municipales et métropolitaines. Des activités de maraichages et d’aide alimentaire se développent également à Gerzat. Aujourd’hui, 27 CDI ont été signés. Malgré cela, le ciel s’est assombri pour le projet TZCLD ces derniers mois avec un engagement de l’État qui paraît plus fort dans les mots que dans les actes.

Une aide revue à la baisse

Juste après la rentrée, nous rencontrions Thierry Viard, membre de la branche locale d’ATD Quart Monde à l’occasion de l’organisation de la Journée Mondiale du Refus de la Misère. Ce dernier nous alertait alors sur la baisse de la contribution destinée à financer les emplois créés dans le cadre de l’expérimentation TZCLD à partir du 1er octobre. Autre coup dur pour le dispositif, le montant lui étant alloué dans le projet de loi de finances 2024 est loin d’être à la hauteur. « En fait, on passe de 40 millions à 69 millions dans la loi de finances mais si on veut réussir à monter en puissance dans les territoires habilités et habiliter 25 territoires supplémentaires comme s’y est engagé le gouvernement, il faut 89 millions. », précise Laurent Grandguillaume.

« Dès lors, comment comprendre ce coup d’arrêt mis à Territoires zéro chômeur de longue durée alors que le Président de la République s’est engagé par écrit à allouer les moyens nécessaires aux acteurs tout au long de l’expérimentation, que le Gouvernement porte l’objectif du plein emploi, que l’expérimentation fait ses preuves dans les territoires et qu’elle inspire nombre d’acteurs et de gouvernements bien au-delà de nos frontières ? », demandent dans un communiqué les équipes de l’association.

Épée de Damoclès

Faute d’un budget suffisamment ambitieux, des embauches supplémentaires paraissent impossibles dans les 58 territoires habilités. Le principe d’exhaustivité territoriale semble également compromis puisque de nouvelles habilitations ne seront plus possibles non plus. À Thiers, des EBE pourraient être contraintes de ne plus embaucher certaines personnes. « À partir du moment où il y a des inquiétudes, les entreprises ont tendance à réduire les embauches par prudence. », explique le président de l’association. 

Mobilisation

Le 24 octobre dernier, Plus de 1 000 personnes venues de toute la France étaient réunies devant l’Assemblée Nationale afin d’interpeller le Gouvernement pour obtenir l’inscription au projet de loi de finances 2024 de 20 millions d’euros supplémentaires. Pour les personnes mobilisées, ne pas allouer ce budget revient à geler l’expérimentation. « On reste optimistes, il y a des discussions pour le moment, avec le ministre du travail notamment. On espère être entendus. Si on veut que le dispositif réussisse, il faut s’en donner les moyens. Il y a un coût certes mais aussi des économies qui sont faites lorsque les gens ne sont pas au chômage. », indique l’ex député socialiste.  Une pétition en ligne existe également et compte pour l’heure plus de 8000 signatures.

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