« Nous sommes 14 soignants sur 19 en arrêt maladie »

L'hôpital psychiatrique sainte Marie de Clermont-Ferrand voit un de ses services largement désertés par ses soignants, dont 14 sur 19 sont en arrêt maladie, tant y travailler relève de la maltraitance institutionnelle.

L’angoisse d’y retourner a été plus forte que la passion du métier. Les soignants de l’Unité Psychiatriques de Soins Intensifs (UPSI) n’ont plus pu faire leur travail correctement.

Ce service est dédié à l’accueil des patients en crise qui nécessitent des soins et une prise en charge particulièrement adaptée.

D’ailleurs l’unité ne compte que 9 lits pour 4 postes.

Mais, les conditions ne sont plus acceptables ni pour les patients ni pour les soignants.

Ainsi, Marine, 10 ans de métier derrière elle, n’arrive plus à se rendre à son travail. « Notre problématique est double : Notre sécurité n’est pas assurée, mais la dignité du patient non plus. »

2 pans que les syndicats aussi dénoncent.

D’abord, il faut conscientiser que ce service regroupe 6 chambres d’isolement avec absence de point d’eau, lit soudé au sol, mobilier en mousse. « Sur les murs, les patients écrivent avec leurs excréments. Ils ne peuvent ni boire ni se laver les mains à leur guise. La douche est identique à celle des prisons. En fait, dans une cellule carcérale, tu as plus de confort. Et il faut comprendre que les personnes qu’on enferme là-dedans souffrent de terribles angoisses qui sont alimentées par exemple par le vide. Rien n’est pensé pour les calmer, alors que les recherches scientifiques ont quelques solutions. » Explique Julien, lui aussi en arrêt depuis quelques semaines.

Absence de dignité et de sécurité

L’intégrité des patients est elle aussi mise en péril. « Nous manquons de caméras pour assurer la sécurité des personnes. Nous sommes moins bien payés que dans le public. Nous demandons donc une revalorisation salariale, a minima équivalente au public. Aussi, nous nous retrouvons avec des soignants dont c’est le premier poste, en sortie de diplôme. Or, pour ce service spécifique, il faut une formation pour gérer la violence par exemple, maîtriser le patient en toute dignité. Un ensemble de formations dans les 6 mois paraît indispensable. »

Mal payés et peu formés

La liste des choses à modifier est encore longue. Comme les pyjamas déchirables qui laissent entrevoir les parties intimes.

« Nous sommes appelés aussi pour récupérer le patient à domicile ou dans la rue, aux côtés de la police. Car souvent, ils sont placés chez nous après un trouble à l’ordre public, sur demande du préfet ou du maire. Ainsi, nous devons accompagner les forces de l’ordre. Mais, pendant ce temps-là, nous ne sommes pas remplacés dans le service. »

La psychiatrie, le parent pauvre de la santé

Les soignants ont vu une dégradation aussi dans la prise en charge. La psychiatrie est le parent pauvre de la santé. « Désormais, avec les fermetures récurrentes des lits dans la psychiatrie en aval de leur prise en charge, il reste parfois plus longtemps chez nous alors que nous sommes un service de gestion de crise qui ne devrait pas durer plus de quelques semaines. Ce qui implique que des patients qui devraient entrer chez nous ne peuvent pas car aucun lit n’est disponible. La prise en charge est parfois trop tardive, ce qui engendre encore plus de violence. »

Ainsi, ce jeudi matin, 14 soignants sur 19 étaient en arrêt dont 4 pour accidents du travail. « Les patients peuvent nous frapper. » Souffle Marine. Les autres professionnels sont arrêtés pour burn out.

Ils sont remplacés par des intérimaires ou soignants d’autres services.

Les syndicats qui ont apporté leur soutien aux soignants doivent rencontrer demain la direction de l’hôpital. Des négociations pourraient alors être entamées notamment pour que des moyens soient mis en place ainsi qu’une prime de pénibilité et dangerosité.

Sainte-Marie a, de plus, racheté 2 autres EHPAD dernièrement. « Il serait bon qu’ils investissent aussi dans notre service puisqu’ils ont les moyens. Nous ne pouvons plus continuer comme ça, de toutes façons. » Soupirent en chœur, les salariés. « La sécurité des soignants, la dignité des patients. Ce devrait être les deux priorités. » Conclut l’un d’eux.

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1 réflexion sur “« Nous sommes 14 soignants sur 19 en arrêt maladie »”

  1. Les soignants sont des personnes admirables, dévouées et pour avoir été soignée récemment au CHU, de première importance. Je leur apporte tout mon soutien et les remercie vivement pour leur implication et humanité.

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