Le bonheur, vu par les détenus de la prison de Riom
« Le bonheur, c’est avoir de la chance aux dés, Ici, les dés sont sans 6. on ne peut jamais gagner… » Nous avons décidé de travailler sur le bonheur afin de montrer qu’il est relatif. Ici, par exemple, nous sommes heureux d’avoir ce que l’on n’a pas… Ici, on est heureux d’apprendre que nos familles partent en vacances. Tu es tellement restreint au bonheur ici, que lorsque tu reçois ta cantine complète, tu es heureux. On fait tout pourtant pour que tu sois bien en prison, on t’accueille bien avec un petit panier de bienvenue. Mais tu es forcément malheureux. Tu es en prison, tu as fait une connerie. Tu as honte de toi. Tu ne peux pas être heureux si tu n’es pas fier de toi…Mais, tu relativises, tu sais que dehors, certains sont encore plus malheureux que toi. Alors, ici, tu t’arranges avec le bonheur, tu fais des pactes avec lui. Tu tentes de le rendre accessible au moindre petit truc. Tu deviens enjoué pour n’importe quoi. Sinon, c’est évident, tu sombres…
En gros, tu fais en sorte que le bonheur devienne un état d’esprit. Et puis c’est communicatif, le bonheur. Alors on profite du bonheur des autres. On pousse nos familles à être heureux pour nous. On se dit que tant qu’ils vont bien, nous aussi, nous allons bien. Le bonheur c’est l’accumulation de plein de choses, c’est un état global. Ici, tu es obligé d’être heureux. La moindre baisse de moral peut être mortel…Le bonheur c’est d’arrêter de penser au passé et ne pas trop se tracasser pour l’avenir, c’est vivre le moment présent, même si tu te trouves en prison. Tu prends ce qu’il ya de bon à prendre… Il faut accepter que les choses se soient passées ainsi. Il faut lâcher prise. Et il ne faut rien attendre, au moins on ne sera pas déçus. Et puis, si nous sommes là, c’est que nous avons vécu des choses malencontreuses. Nous pensons que celui qui a vécu des mésaventures s’adapte plus facilement au bonheur. Ici, on se rend compte qu’avant, nous étions heureux, et que nous ne nous en rendions pas compte. Nous étions trop exigeants. Quand on sera dehors, on appréciera des petits trucs, aller voir librement les gens, faire des soirées. Mais je crois que si on assume, finalement on peut être heureux, même en prison.
A chacun sa définition du bonheur :
« Etre heureux ce serait être entouré de mes proches, avec une côte de bœuf et un verre de vin rouge. Etre avec des gens avec lesquels je ne serai pas d’accord, mais avec ces gens là, on s’aime même quand on n’est pas d’accord. Oui, j’aimerais beaucoup pouvoir discuter avec ces gens là autour d’un bon repas… »
« Moi, ce serait d’être accompagné d’un chien. J’aimerais sentir qu’il est heureux que j’existe. Il ne me demanderait que ça : d’être vivant. Ce serait tellement plus simple qu’avec les humains… »
« Pour moi le bonheur, ce serait d’avoir un boulot, une femme et d’être près de mes enfants. Le bonheur, le vrai je l’ai ressenti, une fois : à la naissance de ma fille… »
« le bonheur ce serait d’être chez moi, avec ma mère, de lui demander pardon, et de rattraper le temps avec elle… »
« ah moi, le bonheur ce serait que le gardien ouvre ma cellule en criant « liberable » ! »
1 réflexion sur “Épisode 5 – Bonheur de prisonniers!”
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