Ils s’entassent devant l’entrée du magasin tout en distribuant des tracts. Les clients s’arrêtent et discutent. Après l’annonce en décembre de la fermeture de plusieurs magasins Auchan, dont celui de Clermont-Nord, les syndicalistes étaient sur le qui-vive.
« On sait très bien ce que signifie un Plan de Sauvegarde de l’Emploi. C’est juste la fin lente et dans l’agonie de Auchan. Donc on n’est pas vraiment étonnés de cette nouvelle annonce. » Exprime un vendeur du magasin. Car nombre des salarié.e.s ne sont plus dupes. « Bizarrement, on a eu un nouveau directeur de magasin, en octobre. Des annonces de fermeture et restructuration début novembre. Tout est prévu depuis bien longtemps. »
Sur Auchan Aubière, c’est toute la partie Electroménager, bureautique, HI-FI, qui sera mis en libre-service, se séparant des 11 vendeurs et 2 encadrants. « Pourtant, notre rayon représente 4 millions de Chiffre d’affaires. On ne comprend rien à la stratégie. » Marmonne un autre salarié, directement visé par le licenciement, après plus de 30 ans de boite.
Le magasin compte plus de 300 salariés, certains sont étudiants, à temps partiel. « Nous sommes une centaine ce matin, c’est plutôt bien. Ca montre la solidarité entre salariés. Regardez ici ce sont même des anciennes employées à la retraite venues nous soutenir. » Explique Angéline Fernandes, syndicaliste FO, secrétaire du CSE et déléguée du personnel.
Dans cette succursale, il n’y a pas si longtemps, ils étaient plus de 500 à travailler. « Les choses se sont dégradées doucement, par un savant calcul. On a commencé à ne plus remplacer les départs à la retraite. Ca a provoqué du manque de personnel, donc pas assez de salariés pour la mise en rayon. «
Lentement, les rayons se sont alors vidés, et les clients se sont faits moins nombreux. « Si on fait un tour dans le magasin, on verra que tous les produits ne sont pas disponibles. » Selon les salariés, les réserves sont pleines mais le temps leur manque pour tout mettre en magasin.
Sans compter le turn-over. « On a des gens en arrêt, on a ceux qui n’acceptent plus les conditions dégradées. La jeune génération sera moins idiote que nous, elle ne se laissera pas faire, elle n’acceptera pas de bosser comme on l’a fait. » Exprime une salariée préférant restée anonyme. « On en prend suffisamment dans la tête… »
Aussi, les salariés ont vu leurs conditions de travail changer. « Nous avons dû être polyvalent. Avant nous étions spécialisés et donc plus professionnels dans une branche. Désormais, on peut tourner sur différents rayons. » Explique une salariée textile, qui était là avant Auchan. « Je suis rentrée ici, ça s’appelait Mammouth. Mais depuis 1997, et la reprise d’Auchan, ça a été la descente aux enfers. »
Les salariés le disent de façon unanime : « Nous adorions notre travail, on nous faisait confiance, on était autonomes, bien formés. » Pourtant, majoritairement, ils ne veulent plus travailler dans le commerce, s’ils venaient à perdre leur travail.
A ce constat amer, s’ajoute une colère vive. « La famille Mulliez s’est enrichie grâce aux petites main que nous sommes. Nous ne sommes pas considérés. Avant, nous avions des primes qui pouvaient nous faire un salaire supplémentaire par trimestre. Désormais nos primes ne dépassent pas 25 euros! Ils se moquent de nous là-haut. »
Pour un syndicaliste, il s’agit aussi de choix stratégique mauvais. « Tout miser sur l’alimentaire c’est idiot, on ne peut pas concurrencer Leclerc. Notre point fort c’est justement le non-alimentaire, et c’est ce que l’on nous retire. »
De plus, selon une autre syndicaliste : « Nous avons eu pour 1 million d’euros de vols sur l’année 2024, depuis l’installation des caisses automatiques. Ca en aurait payé des salaires… »
Les manifestants décident de déambuler dans leur magasin, sous les yeux attendris des clients. « Moi, j’étais boulangère, c’était un autre temps. Mais, je trouve inadmissible qu’on ne laisse pas leur travail à ces gens. Il y a les riches qui profitent des autres, dans ce pays. » Dit une dame âgée venue acheter quelques habits dans le rayon textile. « Rohh, et puis, je voulais acheter un ordinateur, mais s’il n’y a plus de vendeur pour me conseiller, je vais faire comment? » Ajoute-t-elle, désemparée. Elle applaudit lors du discours de Christophe Delay, responsable local FO Auchan, qui termine les yeux remplis de larmes. Il fait partie de l’équipe vouée à disparaître. Une de ses collègues est en larmes. « Après 35 ans dans ce magasin, je vais devenir quoi moi, il me reste presque 10 ans avant la retraite… »
Le syndicaliste n’oublie pas dans son discours d’écorcher le maire d’Aubière, Sylvain Casildas, qui a refusé de soutenir la mobilisation. « Il est aux abonnés absents… »
La foule s’engouffre dans la galerie marchande avant de se retrouver sur le parking avant une dernière prise de parole, soutenue par leur collègue venus de Macon qui tentent de les rassurer. « Pour l’instant, c’est encore nous qui faisons tourner la boutique… »