8 mars : Histoire de la lutte pour les droits des femmes

En ce 8 mars, nous avons décidé de vous écrire un long article sur l'histoire de la lutte des femmes, du féminisme et de cette journée du 8 mars qui ne date pas d'hier !

« Féminisme », le mot est écrit pour la première fois, dans la littérature, sous la plume d’Alexandre Dumas, de façon plutôt péjorative, dans « l’homme-femme ». Mais, l’appellation a déjà été utilisée par les médecins dès 1860 pour désigner les sujets masculins dont le développement de la virilité est stoppé. On pouvait donc souffrir de féminisme, quand nous étions un homme du XIXeme siècle.

Des livres qui dénoncent dès le XVeme siècle

Si le mot apparaît seulement au XIXème siècle, les luttes des femmes et la notion féministe apparaissent bien avant.

Nous pourrions par exemple citer Montaigne dans ses Essais qui dénoncent le fait que les femmes doivent se soumettre à des lois faites contre elles et par les hommes.

Christine de Pisan dans « La cité des dames » dénonce la société misogyne. Nous sommes au XVeme siècle. En Italie, Moderate Fonte écrit « Le mérite des femmes » au XVIeme siècle.

Au XVIIème siècle, dans différents pays, les écrits commencent à réclamer le droit à l’éducation des filles, avec par exemple, l’anglaise Hannah Wolley, Juana Ines de la Cruz au Mexique, ou Marie de Gournay en France. Mais ça avance lentement, si les filles accèdent pour les plus riches et les plus blanches à un peu d’éducation, il s’agit simplement de leur apprendre la lecture.

Philosophie et droits des femmes

Au siècle des Lumières, la femme est toujours considérée comme mineure, et naturellement inférieure. Les philosophes remettent en question ces faits mais estiment la lutte vaine, comme l’explique par exemple Rousseau dans « Emile ».

Cependant, quelques voix se font entendre, comme celle de Mary Wollstonecraft, auteure de « Défense des droits de la femme ». Elle revendique le droit à l’éducation des filles, mais aussi le droit à l’emploi afin d’assurer aux femmes une indépendance financière et des droits civils et politiques.

En France, la période révolutionnaire permet à quelques femmes de s’exprimer dans les cahiers de Doléances et d’être représentées, pour les plus nobles, aux Etats Généraux. Le marquis de Condorcet, publiera en 1790, dans « Le journal de la société » son souhait du droit de vote pour les femmes.

Idées révolutionnaires

Olympe de Gouges marquera l’histoire, avec l’écriture de la Déclaration des Droits de la femme et de la Citoyenne. Elle y propose l’égalité civile, la création de maternité pour un accouchement dans de meilleures conditions. L’avant-gardiste y imagine une protection maternelle et infantile. Elle revendique la suppression du mariage religieux au profit d’un contrat civil de partenariat. Malheureusement, elle sera guillotinée en 1793 pour son soutien aux Girondins.

La situation évolue, notamment avec l’accession à l’éducation. Mais elle ne touche que les femmes blanches et bourgeoises d’Europe et d’Amérique du nord. Aux Etats-Unis, les femmes prennent part à la lutte contre l’esclavage et sortent de leur rôle de femme au foyer.

Au XIXeme siècle, en Europe, le code Napoléon impose la soumission naturelle de l’épouse à son mari. Dans le monde anglo-saxon, la vie d’une femme doit être centrée sur la famille, la maternité et la respectabilité. A l’instar de la reine Victoria.

Apparition de la première vague

Mais c’est durant ce siècle que les féministes commencent à se mobiliser réellement sur leur condition de vie, notamment en terme d’éducation, de travail et d’économie. Elles luttent aussi contre cette image lisse de la femme au foyer. Différents courants vont se confronter.

Le courant égalitaire estime que la femme et l’homme sont deux être humains qui méritent en ce sens une égalité civique et politique. Le courant dualiste exprime le fait que chaque sexe a son rôle et que, donc, une femme est une mère, rôle fondamental, et elle doit ainsi être mieux considérée et recevoir une meilleure éducation.

En parallèle, la littérature continue de jouer son rôle d’éveil de consciences. Beaucoup de romans décrivent les vies malheureuses des femmes soumises. Saint-Simon critique la soumission au sein du mariage. Des conférences, des salons, des réunions, des articles de presse s’emparent du sujet de la lutte des femmes. En 1832, « la femme libre » puis « la tribune des femmes » est le premier journal féministe écrit par des femmes en France.

Outre-manche, Caroline Norton divorce d’un mari violent, elle milite pour changer les lois britanniques. Grâce au soutien de la reine Victoria, en 1839, la loi autorise la garde des enfants aux femmes divorcées.

D’autres pays européens créent des cercles de rencontres. En Pologne, en Allemagne, en Italie ou en Iran, des femmes se réunissent, tentent de faire avancer les lois et créent des salons féministes, à l’instar de Fatemeh, première figure du féminisme perse.

Cette première vague se concentre sur l’éducation et permettra de belles avancées. La loi Falloux sera votée en 1850 en France, permettant la création d’écoles pour filles dans des villes de plus de 800 habitants. Louise Michel avec d’autres femmes socialistes écriront le manifeste en 1868 « Le droit des femmes ». La Fronde, créée en 1897 sera le premier journal à rémunérer des femmes journalistes.

Figures des première féministes

De nombreuses figures à travers l’Europe permettront au féminisme de devenir une lutte à part entière. Louise Otto, journaliste allemande créera le premier journal dédié à la cause des femmes dans son pays, et cofondera en 1865 l’Association générale des femmes allemandes.

Joséphine Butler, au Royaume Uni, milite pour la création du Conseil d’Angleterre du Nord pour la promotion de l’amélioration de l’éducation des femmes. Elle s’engage aussi pour améliorer la situation des prostituées, qu’elle considère comme des victimes de la domination masculine. Elle ouvre des maisons de repos pour femmes, aide à abroger les lois contre les maladies contagieuses en 1886 et dénonce l’étendue de la prostitution enfantine, permettant d’augmenter la majorité sexuelle de 13 à 16 ans.

Amélia Bloomer, aux Etats-Unis, édite la revue The Lily, permettant l’expression des féministes. Elle combat aussi la réforme vestimentaire en exprimant la difficulté de se mouvoir avec de longs jupons et troque les robes pour un pantalon bouffant (qui sera surnommé Bloomer) , plus pratique sur un vélo.

Marie Gérin-Lajoie, au Canada, pionnière du travail social, milite pour l’accès à l’université pour les femmes, la révision du code civil pour la reconnaissance du statut légal de la femme mariée et le droit de vote des femmes.

Alexandra Kallontaï sera la première femme membre d’un gouvernement, en 1917, en Russie. Elle y créera le premier département des femmes afin de promulguer des lois en leur faveur : Droit au divorce par consentement mutuel, accès à l’éducation, salaire égal à celui des hommes, congé maternité, droit à l’avortement reconnu en 1920. La femme politique milite pour l’amour libre, indiquant que la propriété découle du capitalisme. Elle dénonce aussi le féminisme de l’époque, qu’elle considère comme bourgeois et qui détourne de la lutte des classes.

Mamia Chentouf, membre du FLN, en Algérie, fonde l’association des femmes musulmanes algériennes. Après l’indépendance de son pays, elle devient présidente de l’Union nationale des femmes algériennes. Elle luttera jusqu’à sa mort en 2012 sur des sujets tels que le voile islamique ou la polygamie.

Un droit de vote pour 20 femmes dès 1838

Grâce à ces nombreuses militantes, un premier Etat autorise le droit de vote dès 1838. Certes, cela ne concernera que vingt femmes puisque cette loi sera promulguée sur la toute petite île de Pitcainn. 30 ans plus tard, certains Etats américains autoriseront le droit de vote aux femmes. Au Royaume Uni, les suffragettes seront d’abord condamnées pour avoir manifesté, au gavage forcé. Emu, le peuple les soutiendra et obtiendra en 1918 le droit de vote des femmes de plus de 30 ans. En France, il faudra attendre 1944 et la libération pour croiser une femme en direction de l’isoloir.

2ème vague, Simone de Beauvoir

Après guerre, le mouvement féministe s’essouffle un peu. Les femmes sont remises au foyer. Mais, les revendications vont prendre un autre tournant et s’appuyer davantage sur les problématiques de violence, et de réflexion autour du travail, de la famille. Simone de Beauvoir sera la figure incontournable de cette période, avec la parution de « Le deuxième sexe » et en 1971 avec « le manifeste des 343 » en faveur du droit à l’avortement. La loi Veil sera votée quatre ans plus tard.

Au Etats-Unis, Betty Frieden, influencée par Beauvoir critique l’image des femmes dans les médias, et le modèle du bonheur à travers la famille nucléaire. L’unité féministe en Occident se fait notamment sur trois thèmes : les violences (viol, excision, agressions), l’IVG, et l’indépendance de la femme à travers notamment les salaires et l’économie.

Rapidement, on s’aperçoit que certains mouvements se distinguent, avec par exemple, le black féminism qui dénoncent non seulement les violences sexistes mais aussi racistes et capitalistes.

3ème vague, autant de féminismes que de femmes ?

Une nouvelle génération de militantes arrivent dans le mouvement. Elles sont racisées, lesbiennes, handicapées. Elles militent contre le caractère blanc et bourgeois de l’ancienne vague. Une multitude de groupes apparaissent dès lors. Les pro-sexes, le féminisme radical, les queers. Beaucoup s’opposent sur la question de la prostitution, ou de la pornographie.

Ce mouvement multiple rassemble les revendications politiques et sociales contemporaines et prennent différentes formes. Il n’existe plus d’idéal féminin, mais des combats individuels. Toutes continuent de dénoncer la société patriarcale, la violence, le sexisme, le harcèlement et les inégalités.

4ème Vague à l’ère d’Internet

Si les féministes d’aujourd’hui dénoncent le sexisme, le patriarcat, les violences, elles ont décidé d’utiliser d’autre méthodes. Ainsi les Femen, originaires d’Ukraine, manifestent torse nu. La Barbe, groupe d’action féministe dénonce la sur-représentation masculine et organise des actions coups de poing.

Cette quatrième Vague, née dans les années 2000 est étroitement liée à Internet et aux Réseaux sociaux. Elle prend son pouvoir dans la dénonciation des abus sexuels, viols, agressions des personnalités politiques (Bill Cosby, Weinstein) et a permis le lancement de meetoo ou balancetonporc. Cette quatrième vague tend à dénoncer le harcèlement sexuel, la discrimination au travail et la représentation sexiste des femmes.

Des combats en fonction des pays

Difficile de comparer le combat des féministes africaines ou asiatique avec celui des occidentales. Longtemps, le combat féministe africain a été lié à celui de la colonisation. Le droit des femmes a été intégré dans d’autres luttes. Malgré tout, en 1959, a été créée par exemple, l’Union des femmes de l’ouest Africain » luttant contre la polygamie notamment. Nombre de femmes africaines sont devenues activistes ou militantes, à l’image de Leymah Gbowee, travailleuse sociale au Libéria. Elle est reconnue en été 2002, comme la porte-parole de l’Action de masse des femmes du Libéria pour la paix.

Elle organise des manifestations pour la paix dans son pays, en prônant la grève du sexe. Pour être entendues, les femmes entrent dans l’hôtel ou se tiennent les négociations pour la fin de la guerre. ( Seuls des hommes sont attablés.) Pour être entendues, elles sont prêtes à se déshabiller. La guerre du Liberia prend fin quelques semaines plus tard. En plus de mettre un terme à la guerre, ce mouvement féministe a conduit à l’élection en 2005 d’Ellen Johnson Sirleaf. Elle sera la première femme élue à la tête d’un pays d’Afrique.

Le 8 mars, journée de luttes

Officiellement, en France, aujourd’hui, il s’agit de la journée internationale des droits de la femme en France. l’ONU se contente d’une journée internationale des femmes. Les associations féministes parlent de journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Cette journée n’a d’ailleurs pas réellement été proposée par une féministe, mais plutôt par une socialiste voulant contrecarrer le féminisme bourgeois. Lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes, Clara Zetkin propose une journée internationale des femmes dans une perspective révolutionnaire. Elle veut s’adresser à toutes les femmes du peuple. Le texte validé précise que cette journée doit être organisée par les femmes socialistes en collaboration avec les syndicats et organisations politiques afin d’obtenir le droit de vote.

Le 19 mars 1911 plus d’un million de personnes participent aux différents rassemblements dans de nombreux pays, revendiquant le droit de vote, le droit au travail et la fin des discriminations.

Après un incendie tragique dans un atelier textile à New-York, 140 ouvrières périssent. Les années qui suivront, les journées internationales de la femme feront le lien avec le mouvement ouvrier.

Le 8 mars 1917, les manifestations ouvrières sonnent le premier jour de la révolution russe, à Pétrograd. Cette date sera reprise par Lénine ou l’un de ses camarades, le 8 mars 1921 comme journée internationale de la femme.

En Europe, il faudra attendre le 8 mars 1972, pour une journée internationale de la femme, en présence de Simone de Beauvoir et rassemblant 8000 personnes. Depuis le 8 mars 1977, L’ONU appelle ses Etats membres à célébrer cette journée.

Manifestations à Clermont-Ferrand

L’association Osez le féminisme 63 appelle à rejoindre la manifestation à 15H40 ce jour, avec le collectif 8 mars, sur la place de Jaude de Clermont-Ferrand. OSF 63 dénonce notamment le fait que 80 % des temps partiels soient occupés par des femmes. 70 % des CDD et interim sont distribués à des femmes. L’association dénonce les politiques de retraite et chômage qui défavorisent les femmes. OSF rappelle que les condamnations pour viol ont baissé de 44 % alors que les dépôts de plainte ont augmenté de 42 %.

Enfin, 650 féminicides ont été recensés sous le quinquennat Macron.

Il semblerait que la journée du 8 mars ait malheureusement de beaux jours devant elle.

Quelques pistes de lecture : ( Notre bibliographie est tellement vaste que l’on ne vous en propose que quelques-uns.)

A Mediacoop, on adore les BD :

Simone de Beauvoir, une jeune fille qui dérange, Sophie Carquin

Olympe de Gouges, Catel et Bocquet

Louise Michel, la vierge Rouge, Mary M Talbot, Bryan Talbot

La Charge émotionnelle, Emma

Culottées, intégrale, Pénélope Bagieu

Livres :

Le coût de la virilité, Lucile Peytavin

Réinventer l’amour, Mona Chollet

Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir

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