Sale rentrée pour l’amour…Et merci Bernadette

Alors que Mediacoop reprend du service doucement, l’équipe se rend compte que cette rentrée n’a pas le même goût que les autres. Normalement, c’est l’ébullition à la rédaction. Rentrée des classes signifie souvent mouvements sociaux, reprise des luttes. Mais on trébuche sur la fatigue des uns et le désarroi des autres, sans parler de la difficulté à se positionner sur le passe sanitaire. Alors, on se surprend à devoir couvrir l’immobilité. Pourtant autour de nous, tout grouille. Tout bouge. Mais la lassitude a conquis le terrain.

Samedi, place de Jaude, quelques centaines d’opposants au passe sanitaire sont réunis et prennent tour à tour la parole. Les drapeaux français et quelques insignes nationalistes flottent malgré les petites averses clermontoises. On ne reconnaît personne du camp militant progressiste. Quelques discours font froid dans le dos : Les vaccins tuent, On nous injecte la 5G. D’autres sont vaccinés mais soutiennent le mouvement au nom de la liberté de choisir. Mais choisir quoi au fait ? Choisir de ne pas se faire vacciner, en laissant les autres le faire pour que l’épidémie cesse et que l’on puisse reprendre une activité normale ? Car les antivax ce samedi -là sont aussi anti-masque. Mais aussi anti-covid. Des personnes qui croient en l’immunité collective et qui parlent de sélection naturelle.

Sélection naturelle et tous pour soi

Le Covid, c’est un peu ça son problème, il s’attaque en premier lieu aux plus « faibles ». Les malades, les obèses, les pauvres. On l’a bien vu, en Inde, là où la précarité et la promiscuité ont permis sa propagation rapide. « On n’a plus assez de bois pour faire de cercueils » entend-on de l’autre côté de la planète. (1)

Alors, pour les gens qui vont bien, et qui vivent dans un pays qui a mis en place une protection de santé (certes à discuter encore) gratuite et efficace, le Covid, ce n’est pas leur problème. Ils n’en mourront pas. « Pas sûr » , répondent les médecins. « On a vu entrer en réa quelques jeunes sportifs, mais effectivement, ce n’est pas la majorité ». (2)

Alors pourquoi se faire vacciner, quand, comme moi, on a quarante ans, un coeur de sportif, et une santé de fer ?

Pour les autres.

L’enfer c’est les autres, comme disait l’autre, justement …

« Ah ben oui, mais ma petite dame, l’enfer c’est les autres. On vit dans une société individualiste, chacun sa croix. Fallait pas être obèse, diabétique, ou se choper un cancer… »

Voilà ce que révèle la société d’aujourd’hui et les crispations actuelles. L’épanouissement personnel a détrôné l’esprit collectif. Même si on compte sur les autres pour se faire vacciner à notre place. Certains ne prennent pas le risque, mais laissent les autres le prendre à leur place.

Epanouissement personnel ou esprit collectif

Et il ne s’agit pas là de défendre la politique macronienne. Se faire vacciner ce n’est pas épouser le lobbying pharmaceutique, encore moins les décisions gouvernementales. Se faire vacciner c’est accepter de nous sauver ensemble. Sauver la mamie isolée en EHPAD depuis des mois, faire en sorte que les enfants puissent poser leur masque en classe, ne pas flipper pour sa copine en train de morfler d’un cancer du sein et à laquelle on a dit qu’elle était immuno-déprimée avec son nouveau traitement. Car dans la société, nous ne parlons pas ici de plus faibles, mais de gens que nous devons protéger. Coûte que coûte. Ne pas aider les plus fragilisés c’est faillir à son rôle d’humaniste.

Retour du discours décomplexé de l’ultra-droite

Bien sûr, on peut refuser la vaccination, en restant chez soi, et en assumant de ne plus rien faire, pas même venir manifester les samedis auprès de ceux qui profitent du discours pour impulser les pires idées noires de l’histoire telles que la méritocratie, la supériorité des uns par rapport aux autres, l’individualisme. Et bien sûr user de complotisme et confusionnisme pour faire avaler des discours diviseurs.

Images de manifestations en septembre 2020 à Bordeaux
Rentrée difficile pour le militantisme

Alors, la rentrée est calme, car du côté de la lutte sociale, on ne peut pas penser qu’à soi. Par essence, les syndicats, associations, collectifs agissent pour les autres. Pour le bien commun. Nombreux militants croisés sont si usés d’avoir aidé, soutenu les autres qu’ils rient en écoutant certains parler d’épanouissement personnel. Ils rient en écoutant les manifestants du samedi parler de dictature. Où étaient-ils ceux-là quand on manifestait pour la réforme des retraites ou du chômage. Il s’agissait pourtant bien là d’attaque des droits de chacun ? Où étaient-ils ceux-là quand on battait le pavé pour faire dégager l’extrême-droite et les néo-nazis de notre ville, représentants d’une véritable entrave à la démocratie ? Eux qui crient au scandale des lobbying pharmaceutique et au pouvoir du grand capital, que faisaient-ils quand Luxfer a viré comme des malpropres ses salariés pour pouvoir se faire encore plus d’argent ailleurs ?

Liberté, j’écris ton nom…

Cette entrée se teinte de morosité et d’incompréhension. Qu’est ce que défendre la liberté ? Aller manifester pour le peuple palestinien, accueillir une réfugié afghan ou syrien ou le samedi, manifester son droit à ne pas se faire vacciner ? certains parleront de caprice de riches. Peut-on leur en vouloir, quand les télés toute la journée accueillent des camarades de Zemmour ou Dupont-Aignan ? Quand des médecins fous se faisaient payer leur prestation télé 3000 euros plutôt que d’être au feu, dans les hôpitaux surchargés? Quand la société est devenue un spectacle et qu’on ne veut pas louper un seul épisode…Alors chaque jour, on vous écrit une suite, avec des rebondissements et de nouveaux personnages.

L’amour et la haine…

Ne nous trompons pas de combat. Hier s’est ouvert un procès rappelant combien l’homme peut être un loup pour l’homme. Mais dans cet effroyable univers de haine, persistent quelques signaux d’amour.

Et je voudrais vous parler de l’un d’entre eux pour terminer ce billet :

Jean-Pierre Adams était un joueur de football professionnel. En 1982, il subit une opération banale du genou. Une erreur de l’anesthésiste le plonge dans le coma. C’était il y a 29 ans. Pendant ces quasi trois décennies, Jean-Pierre Adams était dans un état végétatif. Il ne parlait plus. Il avait alors 34 ans. Il pouvait ouvrir et fermer les yeux. C’est tout. Pourtant, Bernadette qu’il a rencontrée dans les années 60 a demandé à s’occuper de lui dans leur domicile familial. Chaque jour, elle le nourrissait, chaque jour, elle le lavait et lui changeait ses vêtements. Chaque jour, elle l’embrassait. Elle aime dans le vide, sans un sourire en retour, mais elle pense que malgré tout sa présence, ses mots ont fait du bien à son mari victime d’une erreur médicale. Elle touchera d’ailleurs l’équivalent de 750 euros de dommages et intérêts par l’anesthésiste en cause. Peu importe, elle n’a pas fait ça pour l’argent. elle continuera jusqu’à ce début de semaine à veiller sur son mari, coûte que coûte. Jean-Pierre Adams est mort, laissant une belle carrière de footballeur derrière lui, mais surtout permettant à ceux qui désespèrent de l’égoïsme et de la cruauté de ce monde, de se rendre à l’évidence : Parmi la noirceur humaine, il existe quelques lumières d’amour et de bonté. Parmi elle, Bernadette, qui réconcilie avec le vivant. Il faut parfois s’accrocher à un prénom désuet pour surmonter les temps modernes.

(1) https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/le-nombre-de-morts-du-covid-en-inde-pourrait-etre-dix-fois-superieur-au-bilan-officiel-20210720_OGUNYOQO6ZHRBFHNJNYVUO26J4/

(2) https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-covid-19-maladie-attaque-maintenant-plus-jeunes-92455/

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