Inhumanité estivale

Alors que les vacances battent leur plein, que les Jeux Olympiques distraient les français, la maison du peuple de Clermont-Ferrand qui abritait 73 personnes devait être évacuée ce matin, laissant 32 personnes à la rue.

8 heures. Des dizaines de militant.e.s sont réuni.e.s dans la cour de la maison du peuple. 73 personnes doivent être évacuées de cette grande pièce qui hébergeait des dizaines de tentes. La plupart de personnes réfugiées ici sont déjà parties, ce matin, pour ne pas assister à la scène. 28 places ont été délivrées par la préfecture pour une durée de 15 jours. Elles ont été prises rapidement. Le 115 a trouvé d’autres hébergements temporaires pour les cas les plus critiques. Mais, ce matin, 32 personnes sont sans solution dont 13 enfants. Les militant.e.s ont donc décidé de refuser leur expulsion de la maison du peuple, tant qu’aucun lieu ne sera proposé.

Maître Borie est là. L’avocat a contesté la notification du 6 août. « On a reçu une ordonnance sur requête sans convocation au motif que personne n’est identifiable. Mais, c’est déloyal, ca empêche le contradictoire. » Il a donc saisi le juge. « Il faut gagner du temps, les sales coups, ils les font toujours autour du 15 août. En septembre, le rapport de force sera différent. » Mais, le tenor du barreau ne se fait pas d’illusion « la solution ne pourra pas être que juridique. »

Les militant.e.s exigent un relogement pérenne pour tous et toutes. « Si on vire les gens de la maison du peuple pour les mettre dehors et ne leur proposer aucune solution, ça ne sert à rien. » En effet, les arguments tenus par les services de la municipalité tiennent surtout sur la dangerosité et la vétusté des locaux. « Mais, dormir dehors, c’est pire… » Exprime un militant.

Aux alentours de 9h, l’huissier habilité pour faire la constatation arrive, quelques peu interloqué. « Je ne comprends pas on m’a dit qu’il ne restait qu’une famille à loger. La mairie m’a donné la liste. »

Quelques militants ne peuvent retenir leur colère. « Hier soir encore, j’étais avec la représentante de la municipalité, elle a les chiffres. Elle sait parfaitement qu’il reste 33 personnes à loger. C’est soit de l’incompétence soit de la malhonnêteté. »

Surtout que des solutions existent, comme la location d’appartement proposée par des acteurs associatifs. « Ca coûterait moins cher que les 8 ans de différents hôtels que certaines familles se sont vues attribuer. »

L’huissier réitère ce qu’on lui a dit. « Hier soir, selon la mairie, il n’y avait plus personne à prendre en charge. Moi, je venais ce matin juste pour la sécurisation du site et mettre un container pour que les gens puissent y déposer leurs effets personnels. »

La préfecture, quant à elle, n’a pas proposé davantage de logements. Les services municipaux n’ont quant à eux pas fourni la bonne liste à l’huissier. « Même les avocats en mairie n’ont pas rédigé correctement l’ordonnance » Explique Maître Borie.

Comme si, la vie de ces humains ne valaient pas la peine que les choses soient faites correctement.

Certains enfants s’accrochent à leurs parents, revenus récupérer quelques affaires. 3 d’entre eux jouent dans la cour à s’attraper. Un homme arrive. « Je peux entrer, une dernière fois? » Dit-il dans un français marqué par son accent géorgien.

Hier, les services municipaux ont commencé à ramasser des affaires, dont une tente d’un homme hospitalisé. A l’intérieur, se trouvaient tous ses papiers. « Il faut absolument appeler l’incinérateur ou Véolia. » Explique les solidaires sur place.

La maison du peuple sera nettoyée, « même si elle est propre, en effet. » Constate l’huissier. Plusieurs personnes ont passé la nuit à faire le ménage. Il reste des tentes.

En septembre, le lieu emblématique regroupant les syndicats devrait retrouver son rôle premier : Accueillir des événements.

Mais, ce soir, 32 personnes dont 13 enfants n’ont aucune solution d’hébergement. Une réunion en mairie est prévue cet après-midi.

Les enfants finissent par se poser, à force de se courir après. Savent-ils au moins qu’ils devraient comme tous les enfants de ce pays, se sentir en vacances ?

Une jeune fille d’une douzaine d’années arrive avec son père en fauteuil, et sa mère marquée par la tristesse. Elle reste là, à écouter. Sans sourire. Sans larme. Regardant la maison du peuple, ce lieu qui a hébergé 73 personnes pendant plusieurs mois. Il est presque fou de se dire que c’était déjà ça. Que c’était mieux que rien.

Il est presque fou de se dire qu’en plein milieu de cet été 2024, ni l’Etat, ni le département (aux abonnés absents), ni la mairie, ne pourra trouver des hébergements décents à des personnes qui ont fui leur pays, préférant squatter une maison du peuple plutôt que retourner chez eux, tant là-bas, la vie y est insurmontable.

Il est presque fou de se dire, qu’une poignée de militant.e.s a plus de force et de ressources que les services publics et leurs représentants.

Presque fou de se dire qu’aujourd’hui, c’est la Saint-Amour qu’on est en 2024, et qu’on fout des gens, des enfants, dehors…

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