Une bourse pour tous ! (ou pas)

Fin 2021, Laurent Wauquiez stoppait les financements et coopérations envers l’IEP de Grenoble pour cause de « dérive idéologique et communautariste ». Ce 1er décembre, les étudiants ont également été exclus d’un dispositif de bourses pour la mobilité internationale.

Fin 2020. Nous sommes à l’IEP de Grenoble. « Science Po ». Le professeur d’allemand et de civilisation allemande Klaus Kinzler prépare un colloque sur « le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme » avec une collègue. Le terme du milieu ne lui plait pas beaucoup. Ce dernier l’explique dans un échange de mails avec sa collègue. Pour lui, l’islamophobie serait un argument brandi pour étouffer toute critique de l’islam.

Dans une autre classe, celle du Maitre de Conférence Vincent Tournier, qui tient un cours sur l’islam et les musulmans de France, l’ambiance n’est pas vraiment sereine. Certains élèves dénoncent des dérives de la part du professeur. Début 2021, les échanges de mails deviennent publics. Le débat s’enflamme. Le 4 mars, des collages sont placardés sur les murs de Science Po. On peut y lire « Des fascistes dans nos amphis » et « L’islamophobie tue ».

Wauquiez vent debout

Suite aux collages qui font apparaître son nom, Klaus Kinzler se lance dans une bataille médiatique. Après enquête et procédure disciplinaire, le professeur est exclu par un arrêté interne de l’IEP. Pour Laurent Wauquiez qui a la récupération bien plus facile que la demi-mesure, c’en est trop. En décembre 2021, le président de région annonce (via un tweet d’abord), l’arrêt des financements et des coopérations entre la région et l’institution. Ce dernier dénonce une « dérive idéologique et communautariste inacceptable ». À ce moment, les étudiants ne semblent pas être une cible directe de cette mesure.

Enfoncer le clou

Une année passe. Nous sommes le jeudi 1er décembre. L’annonce est faite lors de la commission « Enseignement supérieur et recherche, numérique et innovation » du 1er décembre à la région AURA. Les étudiants de l’IEP sont exclus de la bourse de mobilité internationale.

Ce dispositif d’aide financière doit permettre d’étudier ou réaliser un stage dans un pays étranger lorsque l’on est dans un cursus d’études supérieures. L’aide s’adresse aux étudiants et aux apprentis du supérieur inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur d’Auvergne-Rhône-Alpes. Tous les étudiants du supérieur en AURA ont droit à la bourse. Tous sauf les élèves de l’IEP.

Il y a quelques jours, le groupe Insoumis et Communistes à la région Auvergne-Rhône-Alpes a publié un communiqué pour dénoncer fermement cette décision et demander la réintégration immédiate de Science Po Grenoble dans le dispositif.

Rupture d’égalité

Pour les élus du groupe commun, la décision d’exclure les élèves de Science Po Grenoble est une totale rupture d’égalité. « C’est une rupture d’égalité des étudiants et c’est discriminatoire. On se pose aussi tout simplement la question de la légalité. », affirme Émilie Marche, Conseillère régionale FI.

Surtout, cette situation, devrait impacter fortement de nombreux étudiants désormais dans l’impossibilité pour certains de pouvoir partir à l’étranger face aux coûts trop élevés de cette opportunité.

Opportunité ? Tout est relatif. Pour certains élèves de l’IEP, le stage à l’étranger est obligatoire dans le cursus. La décision de leur retirer toute possibilité de le réaliser est un non-sens ridicule. Autre non-sens, « Il y en a qui rentre en Master 1 et qui n’étaient même pas là au moment des faits. Ils souffrent pourtant de la situation. », explique Émilie Marche. Pour la conseillère et son groupe, l’exclusion des élèves représente aussi une ségrégation au sein même de l’établissement, notamment entre ceux dont la famille peut suivre financièrement et les autres. 

Police des mœurs

« Quel signal la décision de Laurent Wauquiez donne-t-elle ? Si vous allez à l’IEP de Grenoble, quand sera-t-il de vos bourses ? Si Wauquiez veut prouver l’excellence régionale et attirer les étudiants, c’est un mauvais signal. », lance la Conseillère. Mais plus que ça, cette dernière ainsi que les Insoumis et Communistes à la région dénonce une incursion politique au sein de l’Université. « Les politiques n’ont pas à faire la police des mœurs sur les universités. Est-ce que ça n’ouvrirait pas la porte à d’autres choses ? Demain, ça sera qui ? », demande Émilie Marche. Cette dernière se souvient d’ailleurs d’un Laurent Wauquiez ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche entre 2011 et 2012, fervent instigateur de l’autonomisation des universités. Paradoxal.

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