Je préfère le sport à la politique…

Heureusement que je suis en plein tournage d’un film sur l’amour. Heureusement que Saint Augustin, Rousseau, Descartes, Kant, Shopenhauer bercent mes nuits et m’enveloppent de leurs citations et réflexions sur l’amour.

Sinon, dimanche soir, j’aurais eu la haine de la haine.

Sous un petit « Oh non, ça ne va pas recommencer ? »

Déjà en 2002

Parce que dimanche, j’ai repensé à mes premières larmes politiques. Celles de 2002. Mon premier vote présidentiel. « Bienvenue dans le monde des adultes responsables » avait ironisé un daron, à côté de moi à la manif. En plein milieu de mes études, à Nantes, j’étais descendue avec mon amoureux de l’époque, dans les rues, et sans que personne ne se soit passé le mot, nous étions des milliers. Incapables de rester devant notre télé. On s’était tenus chaud. « Ah non, pas de Lepen à l’Elysée. » J’avais 21 ans.

Et depuis, je n’ai eu de cesse de lutter contre les extrêmes-droites. J’en aurais presque fait mon métier. Faire un film sur l’amour c’est encore une manière à moi de les combattre.

Alors, dimanche soir, je suis restée zen, et pas très longtemps accrochée à France 2.

Fallait zapper sur France 3

Sur France 3, on pouvait voir les médailles françaises aux championnats d’Europe d’Athlétisme, avec les vraies valeurs du sport et de la vie. Rien à voir avec les plateaux remplis de politiciens qui ne se rendent pas compte qu’ils sont tous responsables du vote RN.

Non, là, les athlètes qui foiraient leur lancer, saut ou course, ne s’en prenaient qu’à eux. Pourtant, ils auraient de quoi dire sur le système français qui n’épaule qu’à peine ses champions précarisés. Mais, là, sur France 3, on écoutait les athlètes déçus d’eux-mêmes, analysant avec justesse leur petite erreur stratégique, leur manque d’appui, et qui repartaient toujours avec le sourire du lendemain.

« Tout n’est pas perdu. Je dois encore m’entraîner, m’améliorer. » Et qui se relançaient dans la bagarre contre eux-mêmes et leur chrono. Ceux-là même qui applaudissaient les vainqueurs. « Il a été meilleur ».  Simple, humble, l’athlète aurait tout à apprendre à la personnalité politique.

Parce que ce lundi, on avait un peu la gueule de bois. Mais, pas tant que ça. Tout ça, on le savait que ça arriverait. L’extrême-droite en tête des votes pour les Européennes. Ici, en France. « J’ai honte » me souffle un pote. « La honte de mon pays. »

Non, pas moi.

Une personne sur 6 que je connais

Moi, je tente de comprendre. Et je le sais, convaincue que, une personne sur 6 que je croise n’est pas raciste. Mais, je veux bien entendre qu’une personne sur 6 que je crois est perdue, malheureuse, appauvrie, révoltée, déboussolée, apeurée. Oui, je veux bien croire qu’une personne sur 6 s’est dit que le Rn c’est le dernier truc qu’on n’a pas essayé.

Et que tout le reste n’a rien sauvé. Pire, la gauche, la droite, le soi-disant ni gauche ni droite, tout ça n’a fait qu’empirer le quotidien de mes concitoyens. Alors, qu’une personne sur 6 que je croise ait pensé bon de voter le dernier mec pas mauvais sur tiktok, qui ne dit pas grand-chose, ça ne m’a pas étonnée.

Ca ne m’a pas étonnée parce que les gens pensent voter contre l’élite. Contre l’injustice en votant le RN. En oubliant, et ce n’est pas leur faute, on ne leur a pas dit, que le RN s’était fait financer par l’élite, justement. Par Poutine, plus précisément, à hauteur de 9 millions d’euros.

Non Cnews et Bfm n’ont pas parlé non plus, des votes au parlement européen des élus du RN.

Quelques exemples de vote du RN

Voici quelques exemples pourtant :

Le RN a voté contre les salaires minimums en Europe.

Le RN a voté contre la loi sur la lutte contre les inégalités salariales hommes-femmes

Le RN a voté contre la revalorisation des personnels soignants

Le RN a voté contre les abus des multinationales concernant le travail forcé ou les violations en terme environnemental.

Le RN a voté contre le pacte vert, qui aide les personnes vulnérables ou de milieu populaire à rénover leur habitation dans un souci énergétique et écologique.

L’ensemble du groupe RN a été absent le jour du vote de la résolution européenne pour la défense du droit à l’avortement.

Jordan Bardella s’est abstenu lors du vote en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité.

Le parti de Marine Lepen, en 2022, a été le seul parti à ne pas voter une loi contre les crimes homophobes, le lendemain de l’assassinat en Slovaquie d’un homosexuel.

Le RN a voté contre la protection de l’indépendance des médias. Une loi qui vise pourtant à interdire l’espionnage des journalistes.

Et si les gens avaient été informés ?

Une personne sur six autour de moi ne sait pas tout ça. J’en suis convaincue. Les gens n’auraient pas voté RN s’ils avaient été informés.

Je pense qu’une personne sur 6 n’aurait pas voté RN si on leur avait expliqué l’histoire de ce parti.

L’histoire du RN

Un parti fondé, en 1972, par Jean-Marie Lepen, mais pas seulement lui.  A l’origine du parti, on trouve surtout l’Ordre Nouveau, un groupuscule néofasciste. Lepen n’est que le pion électoraliste de la machine. Les dirigeants d’Ordre Nouveau, François Duprat et Alain Robert vont s’inspirer du modèle du MSI, parti néofasciste italien fondé en 1946 par les proches de Mussolini.

D’ailleurs, ils en ont copié la flamme tricolore. Le MSI est d’ailleurs le premier financeur du Rassemblement national. Le GUD, Jeunesse Patriote et la revue Militant ont  aussi été à l’initiative de la fondation du parti de Lepen.

En 2002, 4 804 772 français ont voté  pour Lepen Père.

En arrivant en 2011 à la tête du parti, Marine Lepen a voulu dédiaboliser le parti.  En effet, de nombreuses personnalités ou élu.e.s ont été condamné.e.s depuis la création du parti pour incitation à la haine raciale ou négationnisme. (Dont Jean-Marie Lepen Lui-même)

Elle a aussi changé l’orientation économique du parti, empruntant certaines idéologies à gauche, comme le maintien de la retraite à 60 ans, ou l’augmentation des petits salaires.

C’est ainsi qu’elle a récupéré dans son électorat des retraités des ouvriers et de nombreux jeunes.

Elle a réuni plus de  millions de voix aux présidentielles de 2022.

On avait déjà écrit un article sur l’histoire du parti en 2022, pour plus de détails, c’est ici :

Jordan Bardella et ses affaires judiciaires

En septembre 2021, Jordan Bardella, a pris la succession de Marine Lepen dans la présidence du parti.

Le jeune homme est né en 1995, et est issu de l’immigration. Un de ses arrières grands-pères  est venu d’Algérie dans les années 30. Sa mère est italienne et est venue en France.

Jordan aurait même donné des cours à des migrants pendant ses études. Mais, il n’est pas parvenu à obtenir de diplôme et s’est lancé alors dans la politique dès l’âge de 17 ans. Il a adhèré au FN.

Aujourd’hui, Jordan Bardella dit adhérer « à la théorie raciste et complotiste du grand remplacement », selon Wikipédia.

Ses positions sont assez réduites, mais malgré tout, en plus de sa lutte contre l’immigration, il dénonce la présence des éoliennes, et se positionne contre le développement des énergies renouvelables. (Ce qui augmenterait cruellement les factures d’électricité et les émissions à effet de serre.)

En 2021, il soutient Génération identitaire, groupuscule néonazi dissous par le ministère de l’intérieur. Pendant la pandeméie, il apporte son soutien à Didier Raoult.

Jordan Bardella a plusieurs affaires judiciaires en cours : Il  est pouruivi pour diffamation contre le maire de Trappes,  Ali Rabeh. Car lors de son élection, Bardella, en parlant de Trappes dira : « Républiques islamiques en miniature ».

Il est aussi touché par l’affaire des emplois fictifs au RN. Il aurait touché un salaire d’attaché parlementaire dès ses 19 ans.

Bien sûr, lors de l’émission Complément d’Enquête qui lui est consacrée, on découvre que Jordan Bardella tenait un compte twitter « repnat du Gaito » sur lequel il aurait tenu des propos racistes et homophobes. Il y aurait insulté des journalistes et glorifié Jean-Marie Lepen.

Oui, je suis sûre que la personne sur 6 que je connais n’aurait pas voté Bardella si elle avait su tout ça, avant dimanche.

Amour contre haine

Alors, à la manière des athlètes, et au contraire des élus, il ne me reste qu’à prendre mes responsabilités.

En tant que journaliste, pourquoi je me suis acharnée avec mon film sur l’amour quand le parti de la haine était aux portes des isoloirs ?

Mon rôle de journaliste aurait dû être de parler de tout ça avant.

Parler d’amour c’est bien beau, mais quand il faut comprendre la colère et la tristesse des concitoyens, c’est quand même mal placé.

Enfin, quoique…

Peut-être que, sans un peu d’amour, on n’aurait pas réussi à se lever le lendemain. Non, lundi matin, on serait restés au pieu. Sous la couette, laissant ce monde de merde vivre sans nous.

Mais il y avait les filles à déposer au lycée, au collège. Pour elle, il fallait se réveiller, se lever, manger, boire, rire, et leur expliquer que c’était pas beau dehors, mais qu’il était hors de question, qu’on les laisserait filer dans cette société pourrie qui les rendrait si tristes.

Il y avait les filles qui étaient libres d’être. Pour l’instant.

Il y avait le boulot aussi. Aller montrer les manifestants, écrire des papiers sur la réalité du RN, et récolter les témoignages en EHPAD.

Et puis ce film sur l’amour, il tombait bien finalement.

Parce que c’est sûr. 30 % des votants ne sont ni racistes ni haineux. On les a juste rendus à bout de souffle et malheureux. Alors, moi j’ai décidé de continuer à les aimer ceux-là, et de ne pas leur en vouloir. Les comprendre un peu. Pas les féliciter non plus, hein…

Ne pas diviser…

Mais ne pas entrer dans ce piège de la division. Les électeurs ne sont pas les seuls responsables de cet échec. Ceux qui les ont fait rêver pour rien. Ceux qui les ont appauvris, ceux qui leur donnent un spectacle médiatique lamentable. Les médias irresponsables. Mais aussi, ceux qui ne veulent pas trouver de solution, pas comprendre, pas aimer l’autre, pas discuter, pas s’ouvrir. Tous, nous sommes tous responsables.

Et, quand la petite dernière m’a demandé si j’avais peur, j’ai dit non. « Toi en natation, moi en course à pieds, si on a peur le jour de notre course ou de notre compétition, on foire. Il faut se donner les moyens de gagner bien avant le jour J. La victoire ça se travaille. Ca se prépare. Et ça se transforme. »

J’espère que parmi nos élus, on trouve quelques athlètes, sinon, chacun dans leur couloir, ils ne pourront que regarder l’arrivée de notre adversaire commun, loin devant, les bras au ciel.

Et, pour sûr, ils viendront se plaindre au micro du sale temps, d’une blessure, de chaussures trop grandes.

Et en plus Nelson Montfort ne sera pas là pour les faire rire…

Mais de toutes façons, ce soir-là, on ne rira plus du tout…

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1 réflexion sur “Je préfère le sport à la politique…”

  1. IL est évident que la Gauche dont LFI, et le PCF ne gagnera pas les élections en appelant à voter contre ; que cet horrible ennemi ( du peuple) soit habillé par le macronisme ou le RN.
    Et il aura fallu ce tsunami gris déferlant sur nos bureaux de vote pour que la gauche reparle d’une union, non désirée mais rendue nécessaire par l’urgence politique.
    En 2024, la gauche version NUPES n’existe plus et comme le disait Manon Aubry, c’est forcément de mauvais augure ; pourquoi cette désunion et elle rajoute :
    « Je continuerai à défendre le programme de la Nupes et je regrette que nous arrivions en ordre dispersé le 9 juin : alors que ¬l’extrême droite est aux portes du pouvoir, comment allons-nous dire que nous voulons un candidat commun en 2027 si on n’était pas ensemble en 2024 ? ». Cette déclaration date d’avril. Elle est parue dans Alternatives Économiques.
    Voilà le constat accablant d’une déroute politique qui ne me semble pas atteindre la conscience politique ou plutôt qui est refoulé. On n’en parle pas donc ça n’existe pas. Refoulé mais gare au retour du refoulé. Retours aux clans et au combat pour l’hégémonie de tel ou tel parti ou pour conserver son mandat de député.
    A la question du pourquoi, il faut bien le dire !
    JLM est un des responsables de cette déroute.

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