9 juin 2024. Après des mois de campagne pour désigner ses députés au parlement européens, les français découvrent les scores. Le taux de participation est un peu plus élevé qu’en 2019. 51,5%. L’abstention reste forte. Trop forte. Devant les téléviseurs, une partie de la France se réjouit. Une autre ne sait que dire. Elle réalise que les sondages ne s’étaient pas tant trompés. Le RN de Bardella est loin devant. Un nouveau cap est franchi.
31,4
En 2019, le RN était à 23,3%. En 2024, c’est 31,4%. Derrière, Renaissance, parti de la majorité et Ps-Place publique, liste portée par Raphael Glucksmann jouent des coudes avec 14,5% et 13,8%. LFI est à 9,8%, LR à 7,2, EELV à 5,4, comme le Reconquête ! de Zemmour et Marechal.
Glucksmann sauve les meubles mais la gauche n’a pas fière allure. Pour la macronie, c’est la déroute et la droite semble de plus en plus faible. Toutes les régions sont acquises au RN. C’est la première fois que le parti d’extrême-droite est en tête en Bretagne. À Clermont-Ferrand aussi. Bardella obtient 19,95% des voix, un cheveu devant le PS, à 19,21%. La France Insoumise y est à 16%, Renaissance à 14 et les Verts et LR à 7,4 et 7,3. Dans le Puy-de-Dôme, le Rassemblement National est vainqueur dans 443 communes sur 464. Dans la presse, le maire de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi s’est dit attristé. Dès le dimanche soir, ce dernier appelait à l’union des gauches.
« Le RN gagne à Clermont aussi donc les derniers barrages tombent, c’est un lieu historiquement de gauche. On a passé un nouveau cap », nous confie Sylvie Léger, Conseillère départementale, fédérale et co-secrétaire régionale EELV/les Écologistes.
« Dimanche, j’ai chialé de colère », explique Tristan, présent lors d’un rassemblement contre l’extrême-droite hier soir, place de Jaude. « Je suis déçue de ne pas avoir mobilisé plus, renseigné plus les gens autour de moi », culpabilise Roxane, à côté de lui.
«La déroute de la majorité ne nous surprend pas. La montée de l’extrême-droite non plus puisque Macron joue à ce jeu dangereux depuis des années. On est révolté.e.s par comment la campagne a été traitée dans les médias avec l’éternel duel», déplore Sylvie Léger.
À plus grande échelle, cette poussée de l’extrême-droite se concrétise au parlement européen même si les autres groupes restent majoritaires. La gauche y garde 32 sièges, les Sociaux-démocrates 140, les écologistes 52, les Centristes et Libéraux 78, les Conservateurs 179 et les extrêmes-droites 178.
Article 12
Au choc des résultats, a vite succédé le choc d’une autre annonce. Il est 21 heures passées de quelques minutes lorsque Emmanuel Macron prend la parole et dit ces mots. « J’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote ».
Le président choisit de dissoudre l’Assemblée nationale en vertu de l’article 12 de la Constitution. L’outil politique sert en cas de blocage institutionnel ou de crise majeure. Il ne peut être utilisé qu’après consultation du premier ministre et des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les députés actuels sont ainsi démis de leurs fonctions et des nouveaux députés seront élus pour cinq ans, soit jusqu’en 2029. Les élections auront lieu le 30 juin et le 7 juillet. Les projets législatifs en cours sont suspendus et pourront être repris si le gouvernement les présente à la nouvelle Assemblée mais repartiront de zéro dans la navette parlementaire.
De Gaulle l’avait utilisé en 1962 et 1968. Des dissolutions réussies puisque sa majorité s’était vue confortée. Mitterrand dissout en 1981 et 1988, après son élection, pour disposer d’une majorité à l’Assemblée. Mais l’opération s’avère parfois plus périlleuse comme en 1997. Jacques Chirac souhaitant renforcer sa majorité a vu la gauche gagner les législatives et a dû composer avec Jospin comme premier ministre socialiste.
Tremblement de terre
« On a un taré à la tête de l’État », s’étonnait François Ruffin au micro de BFMTV dimanche soir. Cette dissolution est perçue par beaucoup comme un point de non-retour. Une dissolution exigée quelques heures avant par le président du RN. « Emmanuel Macron a obtempéré aux exigences de Jordan Bardella », a déclaré Raphaël Glucksmann lors de la soirée électorale.
Une fois encore Macron semble vouloir profiter du morcellement de la gauche et de la faiblesse de la droite pour s’imposer comme le seul rempart à l’extrême-droite. Ce pari fou, c’est prendre le risque d’une cohabitation, comme en 1997 mais cette fois-ci avec l’extrême-droite.
« Les législatives, ça me fait très peur », avoue Roxane. « On savait que Bardella allait passer mais le pire c’est que c’est comme ça partout en Europe », indique une jeune présente dans la foule hier soir. « Le vote est vraiment fait pour qu’on ne vote pas », continuent ses camarades, qui déplorent les contraintes des démarches électorales et les difficultés des petits partis à exister.
« Ça peut être un tapis rouge déroulé à l’extrême-droite car on va être sur une campagne très courte et ils ont le vent dans le dos. Moi je ne peux pas deviner ce que les électeurs vont faire mais nous, on a choisi de ne pas être fatalistes, on choisit le parti de la mobilisation », assure Sylvie Léger.
« Ça a été un coup de voir l’extrême-droite avec un score historique même si on s’y attendait. Le deuxième coup, ça a été la dissolution de l’Assemblée. Macron prend le risque de gouverner avec l’extrême-droite. C’est à nous de montrer son imposture, l’imposture sociale. On n’a pas le choix, il faut construire un mouvement populaire, porté un projet commun pas qu’avec les partis mais aussi les associations, les syndicats », nous expliquait Taran Coutarel, des Jeunes Communistes 63. Le désormais ancien député communiste du Puy-de-Dôme André Chassaigne est déjà prêt à reprendre la campagne. « Notre détermination est intacte pour relever les défis qui se posent aujourd’hui au pays et construire les avancées législatives qu’une majorité d’entre vous attend », déclare-t-il dans un communiqué.
Pour la députée du groupe Démocrate Delphine Lingemann, la ferveur l’emporte aussi. « La France ne peut pas se résumer aux extrêmes. Je repars déterminée », explique-t-elle malgré la déception de l’arrêt du travail sur certains projets de loi. « Je trouve ça fort regrettable qu’on interrompe les travaux parlementaires sur un tel projet de loi. J’étais très impliquée sur le projet de loi Fin de vie, et il était très attendu », indique cette dernière.
Front Populaire
Le délai est court. Les tractations vont bon train sur tout l’échiquier politique en vue d’alliances prochaines. A gauche, Ruffin s’affiche en capitaine d’un « nouveau front populaire » dès dimanche soir. Si rien n’est certain, les électeurs comptent sur la mise de côté des égos à gauche pour l’union. Pas gagné quand Glucksmann se trouve gonflé à bloc par ses récents résultats, quand Mélenchon veut un certain alignement sur son programme et quand Roussel critique la NUPES en direct sur France 2, quelques heures après les résultats.
Mais hier soir, la nouvelle est tombée. Les 30 juin et 7 juillet, il n’y aura qu’un candidat de gauche dans chaque circonscription. L’accord a été conclu en moins de 24 heures. Le président ne devait pas s’attendre à une telle entente qui affaiblit ses chances lors des législatives à venir.
« Les circonscriptions qu’on a gagnées en 2022, on doit les gagner en 2024 mais mieux, on doit en gagner d’autres parce que la bataille qui se mène aujourd’hui ce n’est pas que contre Macron, c’est contre le fascisme », déclarait la députée LFI Marianne Maximi dès dimanche, après les résultats. « On est le meilleur rempart à l’extrême-droite on est le meilleur rempart à ce qui se passe dans le pays », a-t-elle indiqué.
«Il y a des grosses bases du programme commun de la NUPES sur lesquels on se bat. On se réjouit totalement de l’union », se félicite Sylvie Léger.
Crédit photos : DEMUSA
« La jeunesse emmerde le Front National »
À Paris, la mobilisation s’est improvisée dans la soirée. Ses échos se sont dispersés hier un peu partout en France. A Clermont-Ferrand, le rendez-vous était donné à 18h30 place de Jaude. Au micro, des représentants des quatre principaux partis de gauche ont pris la parole en premier. Puis des associations et syndicats. « Les féministes emmerdent le RN », gronde Ophélie Barbarin, d’Osez le féminisme, au micro. « Le RN et l’extrême droite en général ont toujours été contre le droit des femmes », explique cette dernière. « La jeunesse emmerde le Front National », chantent les participants, jeunes pour la majorité. Toutes et tous ont exprimé leur rejet de l’extrême-droite et leur motivation dans cette course contre la montre. Rendez-vous dans trois semaines.