Pessat-Villeneuve, terre d’accueil et de solidarité (2/2)

En 2015, le maire de Pessat-Villeneuve prend le pari de la solidarité en ouvrant les portes de sa commune à des personnes vulnérables qui ont fui leur pays. Un Centre d’Accueil et d’Orientation ouvre d’abord avant de devenir un Centre d’Hébergement Provisoire géré par l’association CeCler. Rencontre avec les équipes du centre et ses habitants.

Il y a quelques semaines, nous nous rendions à Pessat-Villeneuve pour la première fois. L’occasion d’un long entretien avec Gérard Dubois, maire de la commune. C’est ce dernier qui a fait le pari, il y a près de 10 ans, de l’accueil de personnes dans le besoin. Ces personnes ont quitté leur pays pour diverses raisons. En France, elles ont commencé par subir le rude quotidien de la « Jungle de Calais » alors même que d’autres épisodes traumatisants perlent souvent déjà leur passé.

Horrifié par l’image du jeune Aylan, Syrien de 3 ans retrouvé mort sur une plage de Turquie après une tentative de traversée ratée, Gérard Dubois décide d’agir et propose un bout des nouveaux locaux tout juste acquis par la mairie. Pessat-Villeneuve ouvre alors d’abord un Centre d’Accueil et d’Orientation. 10 ans plus tard, tout a changé. L’aventure est faite de haut et de bas. Un peu plus de hauts quand même. Rejointe par l’association CeCler, la commune a décidé de pérenniser l’initiative en donnant un aspect permanent à l’accueil à travers l’ouverture d’une nouvelle structure : le Centre Provisoire d’Hébergement (CPH).

Sens et cohérence

2015. L’association CeCler gère une mission dans le secteur de Riom, à Ménétrol, aux côtés de Syriens ayant fui la guerre. À cette époque, le centre d’accueil de Pessat est géré par la mairie avec le concours d’une association lyonnaise. Mais la connexion n’est pas parfaite. La mairesse de Ménétrol parle de CeCler à Gérard Dubois. L’association a toutes les armes pour soutenir l’initiative de la commune de Pessat. CeCler, c’est 5000 personnes accueillies chaque année dans le territoire.

Du haut de ses 30 ans, la structure est spécialisée dans l’aide aux publics vulnérables, des réfugiés aux demandeurs d’asile en passant par les parcours de sortie de prostitution, les femmes victimes de violences, les mineurs non accompagnés ou les personnes sans domicile fixe. « Nous, ça fonctionne car on est ancrés dans le territoire. On aime notre mission et on aime notre territoire, on est vraiment fondus dedans. », explique Dominique Charmeil, Directrice Générale de CeCler.

« Donner les billes »

La semaine dernière, nous rencontrions une partie de l’équipe. Aux côtés de Dominique Charmeil, Fleur Van der Ploeg, cheffe de service du Pôle Réfugiés et Justine Léonard, Coordinatrice du CPH, notamment chargée de l’insertion professionnelle. Au quotidien, trois autres travailleurs sociaux composent l’équipe avec toutes et tous une spécialité comme la vie quotidienne, professionnelle ou la citoyenneté.

Au CPH, il y a 70 places régulières et 4 dédiées à l’accueil de personnes LGBTQIA+. Nos interlocutrices ne le cachent pas, le taux de remplissage est de 100%. Ici, l’accueil dure 9 mois. Lorsqu’une personne ou une famille s’en va, d’autres habitants prennent leur place. Le passage de ces étrangers protégés par le droit international est souvent rythmé par trois périodes : « l’apprentissage du français, l’emploi, et le logement. », indique Fleur. « Le but, c’est une sortie avec de l’autonomie et un logement. C’est de leur donner des billes pour qu’ils n’aient plus besoin de nous. », précise Justine, la coordinatrice.

Des présences comme autant de chances

Difficile de décrire une journée type tant le quotidien est rythmé et change selon chaque habitant. La semaine se compose souvent de cours de français et de moments de soutien proposés par des bénévoles. Il y a les rendez-vous médicaux, ceux avec la référente sociale et des ateliers presque chaque jour. « On travaille avec la PMI (protection maternelle et infantile) par exemple sur la parentalité. », explique Justine.

Au CPH, tout passe par le « faire », par les projets et la motivation nécessaire pour les mener à bien. Les réfugiés participent à la vie du centre mais aussi à celle du territoire. Dominique, Fleur et Justine parlent des sorties « joëlette » qui ont lieu autour de Riom. Le but est de pousser une personne en situation de handicap installée dans un fauteuil adapté aux déplacements dans la nature. « C’est redonner un peu de ce qui est reçu et s’inscrire dans le territoire. », affirme Dominique Charmeil.

S’inscrire dans le territoire à son rythme, sans forcer les choses. Le centre est au beau milieu d’un village un peu endormi, caché dans un ilot de verdure. Tout autour, il ne se passe pas grand-chose. « Vous savez, si on me demande ce que pensent les voisins des réfugiés, il y a de fortes chances qu’ils n’aient même pas d’avis. Ils s’en foutent des réfugiés et les réfugiés s’en foutent des voisins. Moi, j’habite à la campagne et quand je rentre, j’ai envie d’être tranquille chez moi, je ne pense pas aux voisins. On nous parle d’intégration tout le temps. C’est comme si les réfugiés, quand ils arrivent, devaient absolument se présenter, faire connaissance mais eux aussi ils ont leur vie, leurs activités. », abonde Dominique. « Ils ne doivent rien à personne. Ils rendent des comptes aux équipes qui les accompagnent à CeCler et c’est déjà pas mal. », insiste cette dernière.

Ce qu’on peut facilement dire, c’est que leur présence est une chance pour beaucoup. Elle dynamise les rues du village et l’économie alentour. Le petit agriculteur du coin peut en témoigner. C’est à CeCler qu’il téléphone quand il a besoin de bras, en catastrophe, pour ramasser ses échalotes.

Impulser des projets

On fait le tour du propriétaire. Plusieurs maisons se côtoient et forment un tout petit quartier. Chaque bâtisse a sa couleur. Bleu, Vert, Jaune et Rose. Certaines maisonnettes accueillent des personnes seules, d’autres des familles. Il y en a trois. Une poignée de jeunes ont tissé des liens.

On frappe et on entre. Nous sommes dans la pièce centrale de la maison où vit Nino. Elle vient de Géorgie avec son fils David. Deux têtes ne tardent pas à sortir d’un côté et de l’autre de l’espace. Petit sourire timide. Deux jeunes sortent d’autres chambres. Tony et Pavli. C’est quand ils nous disent qu’ils sont tous les deux en 4ème qu’on comprend qu’ils sont jumeaux. Ils aiment jouer au foot. Pas besoin d’en dire plus. On demande à voir ça. Ballon sous le bras, accompagnés du petit David, un match s’improvise, quatre chaises en guise de buts.

« Rien que quand on regarde le nombre de contrats signés, on voit que ça fonctionne. Des exemples, on en a plein. Une maman seule qui subissait un peu la situation, aujourd’hui, elle a le permis de conduire, elle est partie avec un projet. On avait à faire à une autre personne. Parfois, ils perdent espoir. Nous on est là pour impulser des projets réalistes. On a un jeune qui s’en va mardi, qui n’était pas du tout acteur de sa vie au début et qui a énormément évolué. », nous disait Fleur Van der Ploeg, avant le début de la visite. Un tel cadre et l’accompagnement quotidien laissent peu de doute quant à l’utilité et l’efficacité de l’initiative.

Les jumeaux égyptiens ne mettront fin au petit match que lorsqu’une des équipes aura marqué. On s’éclipse en attendant. Nous sommes mercredi. Demain, Pavli et Tony retourneront au collège Jean Villars de Riom. Pour le moment, leurs parents ne sont pas encore rentrés. Le mercredi, il n’y a pas école et c’est souvent, pour les familles, l’occasion de se balader un peu.

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.