Le théâtre du Pélican, c’est fini.

Après 2 ans d'alerte auprès des collectivités, le théâtre du Pélican fermera à la fin de l'année 2022. Entre colère et analyse politique, Sophie Rieu, administratrice de l'association nous raconte cette fermeture qui en dit long sur la santé de la culture dans la région.

Usés. Le mot pour qualifier l’état des 4 salariés du théâtre du Pélican. Usés après avoir mené bataille pendant des années pour maintenir leur structure et leurs activités à destination des jeunes.

« En juin, les collectivités nous ont donné peu d’espoir, ils n’iraient pas au-dessus des subventions promises. » Explique Sophie. « Malgré tout, on y a cru jusqu’au bout. On se disait qu’ils n’allaient pas nous laisser mourir comme ça. »

Le théâtre du Pélican fait partie du paysage culturel depuis 40 ans. Un théâtre créé dans les années 70 et dédié à la jeunesse. Plus de 13 000 adolescents ont été sensibilisés au théâtre grâce à l’association, depuis 2001.

« Nous avons un labo gratuit tous les mercredis après-midis. Certains de nos jeunes nous ont dit que le théâtre leur avait changé la vie, d’autres ont même dit qu’il les avait sauvés, tout court. »

Baisse des subventions

Plus de 25 personnes travaillaient pour la structure, avec de nombreux intermittents. Mais les dotations publiques n’ont eu de cesse de baisser : En 10 ans, la région a divisé par deux sa subvention. Celle du département est passée de 45 000 euros à 34 000 euros. Des enveloppes de la municipalité ont fortement été réduites. Avec l’inflation, Le Pelican ne peut plus faire face.

« Les jeunes sont en colère. Nous étions une structure exceptionnelle dans le paysage culturel français. Nous avons créé 28 spectacles avec nos jeunes, des festivals incroyables. » Chuchote Sophie comme dans une confidence.

Vers une uniformisation de la Culture ?

Mais depuis le Covid, les structures culturelles ont bien compris qu’elles étaient non-essentielles. Et de nombreuses infrastructures sont en grosses difficultés dans le milieu. « Il ne restera que les gros. Sauf, que la diversité et le pluralisme de l’offre me paraissent indispensables. Il n’existe pas qu’une seule culture. Et notre existence faisait sens, puisque Clermont veut devenir capitale de la Culture en 2028…Notre disparition, du coup, fait un peu tâche. »

Depuis quelques temps déjà, la culture souffre de la politique du chiffre. Toucher le plus de monde possible. « On nous a dit qu’il fallait aller dans les quartiers prioritaires. Bien sûr, on touche plus de gens là-bas. Mais, nous voulions aussi continuer notre créations sur l’année avec nos petits groupes de jeunes. En création, on en touche moins mais on les touche plus. »

Des jeunes qui ont besoin de retrouver du sens

La Ministre de la Culture a, par ailleurs, exprimé que le coeur de son action était à destination des jeunes. Des jeunes qui d’ailleurs ont été largement impactés par les différentes crises que nous traversons. Crise sanitaire, géopolitique, économique.

« Les jeunes vont mal, le refuge de l’art leur était essentiel. » Explique Sophie. « Retrouver le groupe après avoir été confiné. C’est quand même mieux que d’être devant Netflix, non? »

Interventions dans les établissements scolaires et créations sur l’année

Par an, Le Pélican intervenait jusqu’à 800 heures dans les établissements scolaires. Puis, les salariés et intermittents montaient des projets avec les jeunes qu’ils retrouvaient les mercredis après-midis. « Après le confinement, on a retrouvé le même nombre de jeunes. Ce que nous faisions intéressait toujours autant. »

Mais fin décembre, ce sera un licenciement économique qui devrait être prononcé pour les salariés. Quant aux intermittents, ils sont priés d’aller trouver des cachets ailleurs. « On avait des projets pour 2023/2024, mais du coup, on ne les fera pas. Ils nous ont épuisés. On a passé plus de temps à chercher de l’argent, à répondre à des appels à projet pour boucler nos budgets que de réellement faire notre coeur de métier. Et la culture souffre de ça. De ces appels à projets qui ne rendent aucunement sereins. Et tout ça entraîne une perte de sens. »

Licenciement économique

En arrêtant en fin d’année, l’association pourra payer les indemnités de licenciement. « Nous n’avions pas beaucoup d’ancienneté, hormis notre comptable en place depuis 15 ans. Ce turn-over aussi interroge. Ce milieu épuise. Plusieurs ont fini en burn-out. Et on veut s’épargner ça. »

Ainsi, le rideau se fermera sur cette aventure de plus de 40 ans. Les raisons ne sont que purement économiques. Purement politiques, plutôt. Pourquoi les collectivités n’ont pas suivi la structure ?

« Ne pas mourir dans le silence »

D’autres structures culturelles de la région se questionnent et réfléchissent à une action collective pour interpeler les responsables politiques. Pourquoi la culture est-elle subventionnée à coup d’appels à projet qui met les différents acteurs en concurrence ? Arrivons-nous à une uniformisation culturelle avec la restriction de l’offre ?

« C’est vrai que le théâtre du Pélican ne doit pas mourir en silence, mais pour l’instant je n’ai même plus l’énergie du combat. J’espère que d’autres l’auront. » Conclut Sophie.

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