Jacqueline est morte de l’amiante…

En novembre 2021, nous avions accompagné Jacqueline à son procès contre Amisol. Souffrant du mesothéliome, elle demandait ses indemnités en référé. Jacqueline est décédée la semaine dernière, de l'amiante. Nous voulions lui rendre hommage.

C’est Josette qui appelle. Je suis dans un train, arrêté en pleine gare pendant 5 heures, sur mon trajet pour Paris.

« Je ne t’embête pas trop longtemps, mais Jacqueline est morte. » Me souffle la présidente du CAPER ( Association des victimes de l’amiante).

Josette connaissait bien Jacqueline, elles ont bossé ensemble à Amisol, l’entreprise clermontoise où elles filaient l’amiante, toutes les deux.

Jacqueline est morte, parce qu’on meurt encore de l’amiante aujourd’hui. Même si depuis 1997, son utilisation est interdite. Le mesothéliome est un cancer qui se développe sournoisement pendant des années, voire des décennies.

Découvert en 2020, celui de Jacqueline ne lui laissait aucun espoir. Ce cancer, personne n’en a jamais guéri.

Alors, en 2021, lors de son procès, accompagnée de son mari et de son avocat, Maître Lafforgue, Jacqeuline espérait vivre jusqu’à ce que son petit monde « soit à l’abri. »

Après la mort de sa soeur, elle avait recueilli ses neveux. L’un n’avait que 16 ans en 2021 et voulait devenir enseignant. Elle ne le verra jamais « diplôme en poche » comme elle l’avait souhaité.

Le mésothéliome, ou cancer de la plèvre, laisse aucun espoir et beaucoup de souffrance. Déjà en 2021, Jacqueline avait dû renoncer à la randonnée, aux vacances, tant elle était fatiguée.

Elle souhaitait juste vendre la maison et acheter un appartement afin que son mari qui vieillissait à ses côtés puisse être plus apaisé à son départ.

Nous avions été boire un café après la procès. Jacqueline tenait la main de son mari. Je la regardais dévorer un pain au chocolat et je me demandais sans jamais avoir osé lui demander si elle avait peur de mourir. car Jacqueline était douce, calme. Sans haine. Sans colère. Elle allait mourir, elle réglait ses affaires avant. Elle acceptait son sort, et réclamait de la justice qu’elle l’aide à partir mieux. Le souci de l’argent en moins.

Jacqueline avait été petite ouvrière de l’amiante, puis combattante pour les droits des victimes, et enfin victime.

Cette année, elle avait préparé les cadeaux pour les membres du CAPER. Elle n’aura pas eu le temps de les offrir. Elle est partie à 71 ans, après 4 ans de souffrance. Combien l’amiante lui a volé d’années de vies ?

Voilà pourquoi à Mediacoop, on se bat contre l’amiante à Aubière ou à Solignat. Voilà pourquoi vous lisez souvent sur nos pages, nos articles sur les dangers de l’amiante.

En 2021, Jacqueline nous confiait avoir subi 24 chimiothérapies en un an et demi. Elle avait la pudeur des malades qui n’osent pas partager leurs souffrances. Mais, elle se lisait sur son visage. Parfois mutique, Jacqueline ne souriait jamais complètement. Mourir d’avoir travaillé pour un patron qui savait les risques pour les salariés, n’est-il pas une injustice indicible ?

80% des cancers adultes proviendraient du monde du travail, selon GISCOP 93. L’amiante aura été un des plus gros scandales sanitaires. Le patron d’Amisol est mort en 1974 sans avoir été jugé alors que les premiers malades ont été déclarés dès 1952. (L’entreprise a ouvert en 1945.)

Jacqueline est morte de l’amiante, en 2023. Comme trois mille autres personnes cette année. Parce que l’amiante ce n’est pas encore du passé. Parce que le scandale est loin d’être terminé.

Parce qu’à Aubière, le maire a réalisé des travaux sur un terrain non désamianté et que le risque de contamination pour les collégiens, sportifs et passants ne sera visible que dans plusieurs années. Parce qu’à Solignat, un agriculteur a fait les travaux de ses bâtiments sans désamiantage au risque de polluer toute la ligne d’abattage des poulets, les ouvriers agricoles et les salariés des entreprises du bâtiment.

Le scandale de l’amiante est encore d’actualité. Peut-être même plus que jamais. Car, désormais on sait que l’amiante tue.

Jacqueline, c’est le prénom d’une des innombrables victimes. Un visage doux, une voix fluette, et des yeux qui parfois se plissaient de douleur, en plein milieu d’une conversation.

Josette a perdu encore une amie de chez Amisol. Elle continue le combat, pour elle, pour les autres. Pour que jamais on ne puisse dire qu’on ne savait pas : L’amiante tue, encore en 2023.

L’équipe de Mediacoop tenait à formuler toutes ses condoléances à la famille de Jacqueline, son mari, sa fille, son fils et ses deux neveux.

Voici l’article du procès de Jacqueline : https://mediacoop.fr/19/11/2021/proces-en-refere-pour-jacqueline-malade-de-lamiante/

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2 réflexions sur “Jacqueline est morte de l’amiante…”

  1. Je ne la connaissais pas, mais JOSETTE nous avait parlé de JACQUELINE, de son combat.
    MERCI POUR CE BEL HOMMAGE
    LA LUTTE TRÈS DURE CONTINUE
    Marie Reine CHALVIGNAC

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