Loi sur l’immigration : une nouvelle épreuve pour La Cimade

Alors que le festival Migrant'scène débute cette semaine, nous étions invités à un point presse samedi soir. Nous étions les seuls journalistes. Ce qui n'a absolument pas surpris La Cimade, l'association organisatrice. Une occasion de discuter avec ses membres.

Quand ils voient arriver Mediacoop, ils sourient. « On allait manger entre nous, car aucune autre presse n’est présente. Comme d’habitude. » La Cimade est une association de soutien aux réfugiés, aux déplacés, aux demandeurs d’asile et aux personnes en situation irrégulière. Elle compte une centaine d’adhérents et une trentaine de permanents sur l’antenne de Clermont-Ferrand.

De pire en pire

« Nos bénévoles s’épuisent un peu, car il faut l’avouer, on est souvent face à l’échec. Peu d’étrangers voient leur situation être régularisée. » Explique Simon. L’association tente de trouver les failles juridiques afin que les personnes puissent rester sur le territoire. « On est face à des histoires de vie, parfois tellement difficiles qu’il faut s’accrocher. » Continue un autre bénévole. « Mais, il y a aussi des victoires, quand, par exemple, les cours de français que l’on donne aboutissent à une bonne maîtrise de la langue et permet à la personne de mieux se faire comprendre et d’être plus à l’aise. »

Migrant Scène

L’association, boudée par les médias locaux, organise chaque année un festival sur plusieurs semaines, « Migrant-scène. » Ce samedi après-midi, l’équipe de bénévoles est allée distribuer des flyers, place de Jaude à Clermont-Ferrand. « Les gens sont très compréhensifs sur le sort des étrangers. On n’a peu de discours malveillants. Il arrive, mais de façon rare, que certains refusent nos flyers. La majorité discute avec nous de la détresse des gens auxquels on refuse les papiers par exemple. Ca nous fait du bien et ça vient trahir l’idée que les français seraient racistes. »

Une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration en 2023

Ainsi, l’association a d’autres craintes, notamment le vote de la loi sur l’asile et l’immigration qui devrait passer en 2023. Le grand débat devrait être amorcé la semaine du 21 novembre à l’Assemblée nationale.

Carte de séjour pour les métiers en tension

La loi préconise la mise en service de titres de séjour pour les métiers en tension. Aide à domicile, hôtellerie, ménage. « Ca, c’est juste pour faire plaisir au patronat qui continuera à mal payer les gens. Car, si plus personne ne veut faire ces professions, c’est parce qu’elles sont mal reconnues, mal payées. » Explique Simon.

La loi promet d’accélerer les procédures d’expulsion. Selon Gérard Darmanin, il existe beaucoup trop de catégories de recours qu’il veut réduire de 12 à 4. En plus de l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), la personne sera fichée, afin que l’on puisse suivre son passage à la douane. Toujours selon le ministère de l’intérieur, trop de personnes (50%) ayant reçu l’OQTF sont restés de façon illégale sur le territoire. 122 mille personnes ont pourtant été sommées de quitter la France et se sont vues refuser un titre de séjour.

Des parcours chaotiques

« Les gens que l’on reçoit en ont tellement bavé pour arriver jusqu’ici, et ne sont pas venus par plaisir. Evidemment qu’ils ne repartiront pas dans un pays qu’ils ont fui pour des raisons toujours valables. Et leur voyage pour arriver jusqu’ici est toujours semé de violences, tortures, peurs, deuils. Malgré tout, ils arrivent dans un pays où enfin, ils peuvent tenter d’être à l’abri. Et là encore, on leur dit qu’ils ne sont pas les bienvenus. Et on ose parler du respect des Droits de l’Homme. » Explique Simon.

Examen de français

Bientôt, les étrangers devront attester de leur bonne foi en matière d’intégration en passant un examen de français, à l’oral et à l’écrit. La réussite de l’examen conditionnera l’obtention de leurs papiers. « Encore une injustice. Nous ne sommes pas tous égaux face à l’apprentissage. Cela va encore pénaliser les personnes qui n’ont jamais eu accès à l’école dans leur pays, qui souffrent d’illettrisme par exemple. »

26 associations et ONG ont envoyé ce week-end une lettre ouverte à la première ministre afin de dénoncer cette loi à venir.

Propos du ministre de l’intérieur

Gérard Darmanin a avancé cette loi en surfant sur l’assassinat de Lola, 12 ans, perpétré par une algérienne en situation irrégulière. Il a avancé ces chiffres : « 7% d’étrangers en France sont responsables de 19 % d’actes de délinquance. » Ces chiffres sont invérifiables, malgré nos recherches. Aucun statistique ne prouve ces dires. Et, cela nous semble peu pertinent, d’ailleurs. En effet, si nous suivons la logique du ministre, nous pouvons affirmer que 86 % des homicides volontaires mettent en cause des hommes. 95 % des vols avec armes sont réalisés par des hommes. 99% des viols ont été commis par des hommes. En tout, 83 % des infractions pénales sont réalisés par des hommes. Faut-il alors vivre dans un monde féminin ? Ou questionner la raison de la violence masculine ?

22 lois en 40 ans

En attendant, autour de la table, les bénévoles de la Cimade questionnent le monde de demain, en repensant celui d’hier. « 22 lois sur l’immigration ont été votées en moins de 40 ans, et à chaque fois, ça a atténué les chances aux étrangers de pouvoir obtenir des papiers et vivre paisiblement en France. On le sait. Mais, de nouvelles migrations vont avoir lieu, notamment à cause du dérèglement climatique. La solidarité n’est pas un crime, mais un devoir. »

Migrant scène, c’est du 12 novembre au 4 décembre. Plus de renseignements sur le Facebook La Cimade 63.

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