« Frontex, ce n’est pas que les gardes-frontières. La structure a toute une mission de récupération de données humaines pour l’Union Européenne. » Louis a décidé de travailler sur la structure européenne née en 2004. sa fonction première est de « surveiller » les flux migratoires. Mais, au fur et à mesure de ses recherches, l’étudiant se rend compte que Frontex récupère des millions d’informations sur les personnes en situation de migration.
La migration énoncée en terme de risques
Les mots veulent dire beaucoup. La migration équivaut au « risque », et leur but est d’analyser « le risque ». Le migrant est un « sujet numérique »? On déshumanise totalement.
Budget de 544 millions
Louis, pourtant rappelle un peu les éléments historiques du fondement de Frontex. Au départ, en 2004, l’agence européenne est créée pour organiser les retours, centraliser les réfugiés et les mettre en protection. Mais très vite, le mandat s’agrandit. En même temps, l’agence recense la croissance financière la plus importante des structures européennes. Plus de 20 mille personnes travaillent désormais pour Frontex. La structure bénéficie de 544 millions d’euros.
Apport sécuritaire
Ainsi, très vite, les missions changent, répondant au discours sécuritaires des Etats-membres. « On a perçu une augmentation de la peur de la migration. » Et les pays se sont mis à déléguer « le sale boulot« . Frontex forme alors les gardes du corps. « Frontex accroit son côté policier. » Explique l’étudiant.
Plus le pays est touché par « le risque » de migrations, plus de fonds européens lui sont alloués. certains pays cherchent donc à se faire de l’argent ainsi. Dernièrement, la guerre en Ukraine a pu bénéficier d’une loi qui précise « qu’en cas d’afflux massif de personnes déplacées, l’obtention d’un titre de séjour temporaire est automatique. »
Différence de traitement
Mais Louis se questionne sur l’égalité de traitement dans son mémoire. « Si les ukrainiens dont le pays est touché par la guerre peut bénéficier de cet « avantage, qu’en-est-il des Syriens par exemple, eux aussi touchés par une guerre sans précédent? On se rend compte que quand les personnes sont issus de pays tiers ils n’ont pas le même traitement, les étudiants africains résidant en Ukraine ont dû retourner dans leur pays, par exemple. »
Des individus fichés
De plus, Frontex accumule des données personnelles sur chaque migrant. « Ils ont accès aux données des Etats-membres, à celles des polices nationales, à celles de l’OIM (Organisation Internationale pour la Migration, association intergouvernementale faisant partie des Nations unies). Ils peuvent accéder à d’autres systèmes, ils font les empreintes à toute personne entrante. La vidéo surveillance est connectée entre plusieurs pays européens. »
Louis questionne alors la responsabilité. Si Frontex existe et doit « sécuriser l’Europe » c’est parce que les Etats-membres en ont émis le souhait. « Pour beaucoup, la migration est un danger, et de nombreux pays ont demandé à l’Europe d’intervenir. En gros, on externalise les frontières. »
Une structure polémique
Mais, de nombreuses questions éthiques entrent alors en compte : Comment Frontex peut-il avoir des accords avec la police Lybienne ? Pourquoi l’Italie subventionne la Lybie pour que le pays empêche les gens d’entrer sur le territoire européen?
Ainsi, Frontex est sous le feu des critiques notamment des institutions européennes. Le 29 avril dernier, le directeur de Frontex a même démissionné. L’office Européen de Lutte anti-fraude a dénoncé des manquements. Le parlement Européen refuse de signer le prochain budget. L’Union Européenne qui semble avoir perdu le contrôle a demandé à Frontex de rendre des comptes.
Un discours médiatisé
Frontex pourtant s’est emparé de l’espace public, il est très fréquemment cité dans les médias, alors que la structure a construit ses données sur la vision sécuritaire. « La migration n’est jamais vue positivement chez Frontex » Affirme Louis. « Ce n’est qu’une vision policière. Et lorsque ça va trop loin, les Etats-membres se dédouanent en disant que c’est Frontex qui gère. »
Pourtant, sur le terrain, de nombreuses associations récoltent elles aussi des données. Elles n’ont aucun rapport avec celles rapportées par Frontex. Souvent, elles permettent de comprendre les raisons, les parcours de la migration. « En fait, il faut donner plus de place aux récits biographiques, humaniser la migration. »
Besoin d’humaniser les récits
Le discours médiatisé de Frontex agissant sur les peurs, agitant les chiffres, donne du poids aux discours racistes et à la montée de l’extrême-droite. « Alors, que la migration ce sont des histoires, d’hommes, de femmes, d’enfants. Mais, la façon dont on raconte les choses influe forcément sur la perception que l’auditoire en aura. »