Énergie, produits de première nécessité, fournitures scolaires, ticket de caisse… le coût de la vie n’en finit plus de grimper. Dès lors, le mot « conséquences » est à mettre au pluriel. Moins de dons, plus de bénéficiaires. Face à cette situation, les organismes de solidarité pourraient exploser à tout moment. Mais aux Restos du Cœur comme au Secours Populaire ou ailleurs, on n’a pas attendu l’inflation pour s’engager.
Il est 8 heures au Secours Populaire de Clermont. Derrière les grands parkings Michelin, les bénévoles s’activent déjà. Ils sont en pleine préparation. Nous sommes mardi, jour de distribution de repas pour les personnes sans papiers. Des hommes et des femmes qui viennent de quitter leur pays, qui sont déboutées du droit d’asile, qui luttent pour vivre dignement, tout simplement.
Il n’y a pas encore trop de monde. Les familles sont toujours devant les écoles. Adrien descend pour nous accueillir. Il est le secrétaire général adjoint de la fédération du Secours populaire français du Puy-de-Dôme. On discute autour d’un café. Il nous parle du « Secours Pop ». « Là on est à l’espace solidarité. C’est ici l’endroit où on reçoit les personnes en difficulté pour toutes les raisons possibles. », explique-t-il.
Mettre les gens en mouvement
Les locaux sont fournis par la mairie. Des travaux sont en cours et ce n’est pas trop tôt. Face à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, il faut pousser les murs. Ici, rue de Bien Assis, on fait plein de choses différentes.
D’abord, il y a le nerf de la guerre : l’alimentation. Les denrées arrivent grâce à des dons locaux, nationaux, européens. Le Secours Pop est toujours à la recherche de nouveaux partenaires. Le matin, on s’active en zone de tri. « T’as vu, je fais ça bien ! » lance une bénévole à Adrien, alors qu’elle épluche des pommes de terre.
Trois types de colis existent, plus ou moins gros et variant selon les besoins. « On propose une participation financière aux personnes accueillies, symboliquement. C’est important de casser la relation aidant/aidé. La participation, c’est aussi respecter la dignité des personnes. », explique Adrien. Pour ceux qui ne peuvent pas participer, les colis sont gratuits. Une fois par mois, un « Marché Populaire » a lieu dans les quartiers sud, les quartiers nord, à Cournon et Gerzat. « On achète des produits neufs aux producteurs locaux et on les revend pour 70 centimes le kilo. ».
Le Secours Pop, c’est aussi des permanences juridiques gratuites, de l’aide aux devoirs, une aide pour l’accès à la santé, des sorties culturelles ou des départs en vacances. Cet été, 1000 séjours ont été rendus possibles par l’association à Clermont-Ferrand. Il y a aussi les vêtements qui représentent un gros travail et le FLE (français langue étrangère). « La première volonté de ces personnes, c’est de s’intégrer et l’intégration, ça passe par la langue. », insiste Adrien.
« L’aide alimentaire c’est notre porte d’entrée. On essaie ensuite d’avoir un suivi et d’aider ces personnes en mettant en lumière leurs situations, en défendant leurs droits. Comment on va réussir à régler leurs urgences mais aussi se demander qu’est-ce qui fait qu’elles viennent ici ? Ces personnes viennent donner un coup de main, ça les remet en mouvement. Il faut identifier les problèmes pour orienter au mieux les gens. », poursuit jeune homme.
Petit village
On fait le tour du propriétaire. Partout, ça s’agite. Dehors, à l’entrée, on sert des cafés. Dedans, on trie, on distribue. Des bénévoles arrivent et s’installent dans un bureau, documents à la main. Adrien nous montre une grande salle. C’est l’épicerie qui est en travaux. Nicole Rouvet croise notre chemin. Elle est la présidente. Elle prend Adrien à part. Visiblement, c’est une bonne nouvelle qu’elle lui annonce. On zigzague entre les transpalettes.
À l’étage, Michelle nous interpelle. Cela fait 5 ans qu’elle est bénévole ici mais ce matin, elle est en colère. Les vêtements ont été déposés comme ça, sans les précautions d’usages. Cette nuit, elle est venue à 4 heures car elle n’arrivait pas à dormir. Les poussettes et les fringues tournaient encore dans sa tête.
Véro, à côté, semble, elle, plutôt fataliste quant au désordre. Pour le reste en revanche, elle positive. « C’est hyper agréable quand on peut donner à quelqu’un. Ici, on se pose au milieu et on fait la girouette. Il n’y a pas besoin d’attendre, on trouve toujours quelque chose à faire. C’est passionnant, on est là sans jugement. ».
Michelle se calme. « Tout à l’heure, une dame Comorienne est venue. Son bébé n’avait qu’un gros pull sur le dos. Je vais lui trouver quelque chose de mieux. J’étais en colère mais on la garde pour nous cette colère. Cette dame, elle n’a pas vu que j’étais en colère. ».
Ici, tous les jours, 80 personnes s’activent. En tout, 450 bénévoles sont engagés à Clermont et plus de 700 dans tout le département. Avec les antennes de Champratel, Aubière et le siège juste derrière, le Secours Populaire du Puy-de-Dôme compte une trentaine de salariés.
Augmentation du public
À Bien Assis, impossible de faire l’accueil à l’intérieur. Trop de monde. Ces dernières années, le public n’a cessé d’augmenter. « L’actualité de la rentrée, c’est l’inflation. On est tous dans la même situation. », explique Adrien qui déplore même la baisse de qualité et de quantité des produits récupérables auprès des magasins.
Quelques jours après la rentrée, le Secours Populaire a contacté les établissements scolaires du territoire pour alerter sur l’urgence des enfants qui dorment à la rue. « Il faut absolument trouver des solutions ensemble. Il y a des personnes logées chez des tiers, le 115 ou la débrouille mais les autres… Aujourd’hui, à peu près 70 personnes sont à la rue dont la moitié de gamins, à Clermont et aux alentours. ».
Aide inconditionnelle
Au Secours Populaire, on accueille tous les publics et on s’engage dans tous les champs d’action possibles. C’est ça qui fait la force de l’association. Adrien insiste. Quand ils aident ici, ils aident au Maroc. Lorsqu’ils distribuent à manger à Clermont, ils le font au Vietnam. Quand ils aident aux devoirs à Champratel, ils construisent une école à Madagascar. Chaque département est rattaché à un pays. « Il ne faut pas avoir peur de passer la porte et de proposer son temps et ses compétences. On a par exemple 6 appartements financés par des parents d’élèves à coup de micro-dons. Au secours pop, on ne ferme jamais la porte à une idée. ».