Elle arrive en avance. Elle se sert un café. Je crois qu’elle ne dépasse pas le mètre 40…Autant te dire que je me trouve grande à ses côtés. Enfin parfois je me sens toute petite. Hier, je suis allée au Groupe d’Entraide Mutuelle, d’une commune à côté de Clermont. Il s’agit d’un lieu qui accueille les personnes qui souffrent de troubles psychiques, afin de briser leur isolement. Parce qu’on a beau dire, quand on est schizo, dépressif, bipolaire, anorexique, on n’a que très peu d’amis.
Alors, dans ce lieu, on fait des activités. Et moi, j’aime bien y débarquer avec ma station radio. J’aime trop les écouter. J’aime leur apprendre à libérer la parole. On y parle beaucoup de leur maladie. Mais, Marianne, elle, a une autre idée. Elle veut parler de ce moment qu’elle aime par-dessus tout. Alors, elle gratte sur un papier. C’est son tour. A elle, de passer au micro. Elle ne fait ni reportage, ni enquête, ni interview. Marianne veut juste nous raconter.
Donc, elle se lance. Marianne, ce qu’elle aime c’est le dimanche, quand elle va au jardin Lecoq. Elle essaie d’aller s’y balader toutes les semaines, mais elle préfère quand il ne pleut pas. Avec ses mots, elle raconte au micro : « J’aime voir les poissons se promener dans l’eau. Et je respire à grands poumons. De l’air, de la liberté, de la vie. Je regarde les cygnes. Les canards. Je leur souris et je crois qu’ils apprécient. Le dimanche, je viens au Jardin Lecoq, pour sortir de mon petit appartement, pour sentir le vent, le soleil. Pour entendre les enfants, les amoureux, les solitaires. Je voulais vous parler de ce moment à moi, le plus joli de la semaine. Ma balade au jardin Lecoq. Les arbres, les fleurs. Je n’ai besoin de rien d’autre. Alors chaque dimanche soir, je me dis, vivement dimanche prochain. Je retournerai au jardin Lecoq voir les poissons se promener dans l’eau et les canards répondre à mes sourires. »
Marianne a parlé les yeux fermés. Elle n’a pas lu son texte, elle l’a vécu. Devant elle, nous sommes plusieurs, sans voix, les larmes au bord des yeux, parce que c’est beau. Juste beau. Juste vrai. Parce que Marianne, elle a tout compris de la vie, malgré sa maladie, malgré ses troubles. Alors, tout à l’heure, je suis passée au jardin Lecoq. C’est vrai que les canards ont l’air de me regarder quand je leur souris. Et puis, le vent, le soleil, les arbres. Elle a raison Marianne…Sur ce banc, là, près des poissons qui se baladent, je me suis dit » oui, elle a raison Marianne, c’est à nous de décider de la beauté du monde… »