Animation : réanimer la profession

Mardi 15 décembre, les professionnels de l’animation et de l’éducation populaire étaient en grève. À l’appel de plusieurs syndicats, ces derniers ont suivi le mouvement national avec une participation inédite pour le secteur. Au cœur des revendications : les conditions de travail, les salaires et le manque de reconnaissance. À Clermont-Ferrand, un rassemblement a eu lieu à 10h30 devant la préfecture à l’appel de la CGT entrainant des perturbations sur l’accueil périscolaire, de loisir et les cantines de certains établissements. 

Un arbre, plusieurs branches

L’animation est un secteur peu connu. Loin de l’image des monos de colo l’été à la piscine, la profession est comme un grand chêne avec des dizaines de branches. C’est ce que l’on comprend en arrivant devant la préfecture à 10h30, au moment où le brouillard matinal commence tout juste à se dissiper. Clémentine et Mégane sont animatrices et s’occupent de personnes âgées qu’elles vont chercher à domicile pour leur présenter des animations dans leurs locaux. Pour elles, pas de Ségur de la santé et donc pas de revalorisation de salaire. Cela fait des années qu’elles stagnent en catégorie C. Pourtant, elles aussi étaient en première ligne durant la crise. « On fait de nombreux déplacements, nos conditions de travail sont compliquées et on nous demande de faire toujours plus de missions différentes », expliquent les deux femmes qui dépendent du CCAS (Centre Communal d’Action Social). 

Les grands oubliés

Eux travaillent pour le même organisme. Guillaume, Aurélie et Soltana vivent la même réalité. Lise aussi qui exerce dans une autre branche. Elle anime dans un village intergénérationnel. « On est pas du tout considérés, même par les soignants. Être animateur, c’est pourtant un aspect social qui est totalement complémentaire des soins », nous dit-elle. Pour Aurélie, une collègue, « Depuis la crise, on se rend compte du boulot de dingue que font les animateurs ». Nathalie enfin évolue directement en EHPAD. « C’est nous qui servions de psy pendant le Covid pour ces personnes vulnérables. Il faut arrêter de croire que nous sommes juste là pour nous promener avec notre nez rouge. On a de réelles contraintes de préparation et une mission essentielle », ajoute-t-elle. « Pourtant, les structures font de plus en plus appel à des bénévoles », dénonce son collègue Steven. 

Un besoin de reconnaissance 

Tous ces travailleurs n’ont jamais été applaudis pendant le Covid. Les animateurs périscolaires non plus. Pourtant, beaucoup rejoignaient les écoles chaque jour pour s’occuper des enfants des soignants et de tous les travailleurs essentiels. Hier matin, ils ont rejoint les rues pour faire entendre leur voix. Certaines équipes ont suivi la grève au complet obligeant leur école à fermer leurs portes après le temps scolaire. Ces dernières années, ce genre d’actions était rare. Mission de service public oblige. Question de conscience professionnelle aussi. Ce sont eux qui s’occupent de nos enfants chaque jour, de « l’école de la récré », avant 8h à 18h le soir, parfois plus tard. Ce sont eux qui vont chercher les gamins dans leurs classes, discutent avec eux lorsque leur cerveau sature de maths et de grammaire. Prennent des nouvelles de leur famille, de leurs activités du mercredi, de leurs matchs du week-end.

Ce sont eux encore qui s’assurent que les mains brillent avant le repas, qui informent du menu, qui distribuent le pain, qui recadrent les trop bruyants et qui causent un peu le temps du déjeuner. Eux qui surveillent dans la cour, qui soignent les bobos du corps et du cœur, qui connaissent chaque enfant au point qu’un simple regard suffit à comprendre que ça ne va pas. Qui savent motiver, rassurer, calmer, amuser. Ce sont les « anims » qui se gèlent dehors à partir de novembre et qui brûlent en été. Ce sont eux qui ne font aucune différence entre les enfants, quel que soit leur caractère, leurs capacités, leurs origines, leur rythme ou leur religion. Eux qui participent à véhiculer les valeurs de la République et les valeurs du cœur : le respect, le partage, l’inclusion… Eux qui préparent les futurs citoyens aux côtés des enseignants lorsqu’ils s’occupent des études et font l’aide aux devoirs. Eux enfin qui préparent leurs activités pendant des heures pour présenter des ateliers de qualité. Eux qui vous rendent celles et ceux qui sont les plus chers à vos yeux en un seul morceau grâce à leur vigilance de chaque instant. Juste le temps de chercher un manteau dans la cour, de courir récupérer le dessin oublié dans la classe ou d’attendre un enfant qui traine les pieds pour partir tant il s’amuse. C’est ça le travail d’un animateur et tant d’autres choses encore. 

Des revendications d’hier aujourd’hui

Dans la réalité, c’est souvent plus compliqué. C’est au début des années 2010 que le SMAP (Service Municipal d’Accueil Périscolaire) a été fondé tel qu’il est aujourd’hui. Au départ, les animateurs sont souvent des étudiants mais la situation évolue et certains agents, de tous âges, veulent en faire leur métier. La pause méridienne dure de 11h30 à 13h30. L’accueil du soir de 16h à 18h avec de la surveillance, de l’aide aux devoirs et des activités. Les mercredis, la prise en charge est continue du matin au soir. Très vite, le métier devient précaire. Les animateurs sont vacataires, statut bricolé qui n’assure quasiment aucun droit. À tout moment, ce dernier peut être renvoyé. Au maximum, il fait des semaines de 24 heures. Difficile d’en faire son seul métier. Difficile aussi de compenser avec autre chose quand on travaille en coupure. Surtout, une école peut décider de le faire travailler 20 heures une semaine et seulement 10 la suivante. Aucune sécurité. Pendant les vacances, c’est l’inverse. La mairie fait appel aux animateurs pour des semaines de 45 heures. Le rythme est éreintant.

Face à la grogne des travailleurs, la mairie a bien enclenché une vague de pérennisation. Un peu plus de 30 titularisations pour les 800 animateurs que compte la ville. Pas assez pour les salariés ni les syndicats. Les animateurs souhaitent que les temps de préparation de leurs travaux et projets soient mieux pris en compte et que les salaires soient revalorisés. Actuellement, le salaire moyen des vacataires varie entre 800 et 900 euros par mois. Les agents dénoncent un mépris de la part de leur hiérarchie et un manque de considération de la part de la population. 

La liste s’agrandit

Si les difficultés s’accumulent pour les animateurs du milieu scolaire, l’année 2021-2022 promet aussi son lot de surprises. La mairie a en effet voté un plafond de 750 heures réalisables dans l’année, ce qui représente la moitié des heures habituellement autorisées. Toutes ces difficultés ont mené à un sous-effectif constant dans les écoles. De moins en moins de personnes se sentent attirées par le métier. Le manque de personnel dégrade les conditions de travail des agents et la qualité de leurs ateliers. Pire, les taux d’encadrement ne sont pas toujours respectés affectant la sécurité des enfants. Ces derniers sont de plus en plus souvent confrontés à des animateurs de passage condamnant toute possibilité d’établir une bonne relation de travail et de confiance. 

Enchainer les protocoles

Dans les rangs du rassemblement, beaucoup d’agents viennent des écoles Aristide Briand, Victor Duruy ou Jules Vallès. Tous dénoncent les mêmes problèmes accentués par la crise sanitaire. Vacataires, titulaires ou contractuels y sont confrontés depuis près de deux ans à travers des restrictions qui s’appliquent aux temps de repas, aux activités et au matériel. Pour d’autres, les problèmes ont commencé bien avant la crise. Chaque jour, les animatrices de la Communauté de communes Combrailles, Sioule et Morges parcourent près de 100 kilomètres et font des semaines de 48 heures. Les animatrices de Gerzat ont elles dû attendre plus de 20 ans avant d’être titularisées. Dans les pages du Parisien, la secrétaire d’Etat à la Jeunesse et l’engagement, Sarah El Haïry reconnaissait : « Le secteur de l’animation, qu’il s’agisse de l’animation volontaire dans les colonies de vacances ou de l’animation professionnelle dans les accueils périscolaires, a besoin d’être réformé pour retrouver de l’attractivité ». 

Devant les portes de la préfecture ce mardi, les grévistes étaient une soixantaine. La CGT annonce un total de 150 dans le département avec une vingtaine de structures touchées. À midi, une assemblée réunie à la Maison du Peuple a décidé de reconduire la grève de mardi et mercredi pour une prochaine date de mobilisation. Aujourd’hui, un rassemblement a eu lieu dès 13 h 30 devant l’hôtel de ville de Lempdes.

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

2 réflexions sur “Animation : réanimer la profession”

  1. Merci l’équipe médiacoop.
    L’article n’évoque pas l’omerta qui régne dans les Maisons de Quartier ces dernieres années.
    Faire le tour de ces structures réparties aux quatres de Clermont-Ferrand pour découvrir le turn over du personnel permanent. Un taux de démission & de dépression hors norme.

  2. Merci l’équipe médiacoop.
    L’omerta qui régne dans les Maisons de Quartier ces dernieres années vaut l’occassion de faire le tour de ces structures réparties aux trois coins de Clermont-Ferrand. Découvrir le turn over du personnel permanent, le taux de démission & de dépression hors norme vous interrogera à coups surs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.