Affaire Wissam : « À nouveau, la justice ne se donne pas les moyens de faire la vérité »

La décision de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Riom quant à la demande d’information complémentaire de la famille de Wissam El-Yamni, décédé en 2012 à la suite d’une interpellation musclée, a été rendue hier. Les policiers mis en cause seront réentendus en présence des avocats de la famille, mais pas les témoins qui étaient présents dans le commissariat au moment des faits. Pour Farid El-Yamni, le frère de Wissam, cette décision est un nouveau signe que dans cette affaire, la justice ne se donne pas tous les moyens de faire la vérité.
Nouvelle audition pour les policiers impliqués, refus d’entendre de nouveaux témoins

Le 9 juin dernier, nous racontions les enjeux de la procédure d’information complémentaire demandée par la famille de Wissam El-Yamni ; un jeune Clermontois décédé en 2012 à la suite de son interpellation par les forces de l’ordre. La chambre d’instruction de la cour d’appel de Riom a présenté hier, mercredi 15 juillet, sa décision : les policiers mis en cause dans le décès de Wissam seront réentendus, cette fois-ci, en présence de Maître Borie et de Maître Canis, les avocats de la famille.

Si cette décision a le mérite d’éviter à l’affaire une conclusion prématurée, elle est aussi marquée par le refus d’entendre trois témoins présents dans le commissariat, comme en atteste un enregistrement vidéo dans lequel ils apparaissent, crient et réagissent à ce qui se passe dans la pièce où Wissam aurait été plongé dans le coma par les forces de l’ordre.

« Encore une fois, l’IGPN a été prise en flagrant délit de nonchalance. »

« On nous dit, ‘ne vous inquiétez pas, toute la vérité sera faite’, mais dans les faits, il y a trois témoins qui ne sont pas entendus. » La voix de Farid El-Yamni, le frère de Wissam, trahit son incompréhension.  « Les policiers ont déjà été entendus, à quoi bon les entendre à nouveau ? La vérité n’est pas dans le dossier judiciaire », dit-il. « La police des polices a essayé de contacter les témoins et n’a pas réussi, alors on abandonne cette piste. Encore une fois, l’IGPN a été prise en flagrant délit de nonchalance. » Difficile, pour Farid, de croire que la police des polices ait pu échouer là où il lui aura suffi de se connecter à Facebook pour réussir à entrer en contact avec les témoins du commissariat. « Parfois, la justice sait se donner les moyens, même des moyens extraordinaires. Mais pas dans notre affaire. » L’espace d’un instant, la voix de Farid semble flotter entre l’incompréhension et la colère. « Pour nous, elle se contente de faire le minimum légal. S’il était question d’un terroriste, ou d’un pédophile, il serait déjà devant le juge. Alors, s’ils n’arrivent pas à entendre les témoins, c’est soit de l’incompétence, soit de la malhonnêteté. »

 « Jusqu’à la fin de notre vie, on rappellera que la justice a refusé d’entendre les témoins. »

Le combat de Farid et de sa famille ne se résume pas à la recherche de la vérité pour son frère, du moins, plus depuis que se sont succédé les dysfonctionnements de la justice et de l’IGPN, censés garantir la paix et les droits de l’ensemble des citoyens. « Notre histoire, elle est très simple, c’est celle d’un homme menotté, qui, en l’espace de dix minutes, se retrouve avec de multiples fractures, des traces de strangulation, dans le coma ; tandis que les policiers qui l’ont interpellé n’ont pas une égratignure. Sur le papier, c’est clair et net. » Pourtant, huit ans après, les circonstances de la mort de Wissam sont toujours incertaines ; et ce, malgré les efforts de sa famille, contrainte de mener l’enquête à la place de ceux dont c’est le métier. Farid dénonce les nombreux dysfonctionnements des institutions censées garantir l’État de droit : « Si tout fonctionnait bien, mon frère ne serait pas mort, aucune photo n’aurait été antidatée, les experts n’auraient pas oublié de fractures, la justice se serait donné les moyens de faire la vérité. À ce stade, il n’y aurait plus aucun doute. » Il déplore que la justice se rende ainsi complice de la mort de son frère. « Si, dans une affaire médiatique, on en arrive là, qu’est-ce qui peut bien se passer dans les autres affaires ? »

Malgré l’incompréhension et la colère, Farid et sa famille ne baisseront pas les bras. « De toutes façons, on continue le combat. Jusqu’à la fin de notre vie, on rappellera que la justice a refusé d’entendre les témoins. »

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