Sauve qui peut le court métrage (et son avenir!)

Rendez-vous culturel de poids sur le territoire, le festival international du court métrage et l’association qui l’organise se sont vus retirer plus de la moitié de leurs subventions habituelles. Une décision dangereuse orchestrée par Laurent Wauquiez à la tête de la région AURA. Alors que le secteur de la culture est déjà fragilisé, dans les prochaines années, le festival pourra-t-il toujours avoir lieu ? Nous, on ne peut pas imaginer sa fin. On aime trop passer devant la Comédie, en février, dans le froid et voir les gens le nez rouge, patienter devant les grandes portes. On aime trop entendre parler toutes les langues dans les rues du centre-ville. On aime trop les affiches officielles, plus belles les unes que les autres. On aime trop venir aux séances et voyager, en à peine une heure, dans plein de mondes différents. Il ne faut pas trop le dire mais on aime aussi trop les séances jeunesse. Alors, sauve qui peut la vie du court métrage.

L’événement a vu le jour en 1981. Rapidement, il s’est imposé comme un rendez-vous de qualité, reconnu dans le monde entier. Et même si on laisse de côté les aspects internationaux et professionnels, le festival occupe une place de choix dans le cœur du public et des habitants du territoire. Le deuxième festival de cinéma français en termes d’entrées vient de perdre plus de la moitié de sa subvention attribuée annuellement par la Région. Un coup dur qui assomme le festival et les équipes qui travaillent chaque année pour son bon déroulement.

La ceinture au dernier cran

Vendredi 12 mai, la Commission permanente du Conseil régional AURA s’est tenue pour décider de la subvention du Festival international du Court Métrage (FICM). Cette dernière passe de 210.000€ à 100.000€. Pour le président et les équipes de Sauve qui peut le court métrage, association organisatrice de l’événement, c’est le choc.

Si Laurent Wauquiez a décidé de serrer la ceinture de la Région, le festival clermontois n’est pas la seule victime. La région a annoncé il y a presque trois semaines la suppression de la totalité de la subvention annuelle de 149.000€ allouée au Théâtre Nouvelle Génération (TNG) de Lyon. Une décision vue comme une punition par son directeur Joris Mathieu qui avait tenu des propos peu appréciés lors d’un entretien à Télérama le 20 avril en tant que membre du bureau national du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles.

« Nous avons bien entendu les propos et les désaccords du directeur et nous avons fait le choix de retirer l’intégralité du financement à cette structure », a déclaré Sophie Rotkopf, vice-présidente déléguée à la Culture en Auvergne-Rhône-Alpes, lors d’une conférence de presse, le 28 avril. Pour le TNG comme pour le FICM, l’avenir s’annonce incertain.

« Cette baisse… »

Après l’annonce de la baisse de subvention, Éric Roux, président de l’association Sauve qui peut le court métrage s’est exprimé dans une lettre ouverte que l’on vous partage ici.

Sauve qui peut (la vie)
   « Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand, succès à la fois professionnel, public et populaire, deuxième festival de cinéma français en terme de nombre d’entrées et œuvrant parmi les plus importantes manifestations dédiées à l’émergence cinématographique au monde, vient de perdre plus de la moitié de sa subvention 2023 attribuée par le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes.

Cette baisse, elle touche en premier lieu notre association, qui comme tou·te·s nos ami·e·s et collègues acteurs et actrices culturel·le·s, vient de traverser une crise sans précédent et affiche pour 2022 un déficit menaçant. Ces difficultés et ce qu’elles présagent quant à l’avenir de notre manifestation, tous nos partenaires publics en ont été avertis, y compris la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous ne comprenons pas cette décision, dont les motivations restent floues et sur lesquelles nous n’avons pu dialoguer avec l’ensemble de nos élus régionaux référents.  

Cette baisse, elle impacte tout un territoire qui profite chaque année de plus de 11 millions d’euros de retombées économiques directes avec la tenue du festival et de son Marché du Film Court qui attirent des milliers de professionnel·le·s venus du monde entier. Des dizaines d’hôtelier·e·s, de restaurateur·rice·s, de commerçant·e·s, tous les prestataires avec lesquels nous travaillons, sur l’ensemble du territoire régional, et des dizaines de personnes que le festival embauche chaque année.  

Cette baisse, elle affecte un public et les citoyen·ne·s qui le composent. Un public nombreux (plus de 160 000 entrées pour le festival en 2023), mobilisé, comptant aussi bien des écolier·e·s, des collégien·ne·s, des lycéen·ne·s, des étudiant·e·s, des ouvrier·e·s, des cadres, actif·ve·s ou retraité·e·s. Un public venu des villes et des champs. Notre festival est un évènement pour tou·te·s, et l’a toujours été.

  Cette baisse, elle menace tout l’écosystème du court métrage et plus largement de l’émergence cinématographique que notre festival et notre Marché du Film Court accompagnent depuis plus de 45 ans. C’est un maillon clé de l’industrie du cinéma française, européenne et internationale qui est touché.   Cette baisse, elle vient s’ajouter à l’incertitude qui pèse toujours sur notre bureau d’accueil des tournages, créé il y a plus de 25 ans par notre association et qui pourrait lui aussi disparaître d’un revers de subvention.  

Cette baisse, elle altère également d’autres acteurs culturels des territoires, touchés par d’importantes baisses de subventions ces derniers mois, notamment des festivals de cinéma amis comme  Plein la Bobine ou le festival du court métrage en plein air de Grenoble. Nous sommes avec vous.   Cette baisse, elle nous met finalement dans une situation dangereuse qui pourrait à court terme signer la fin du festival et celle de notre association.

Nous remercions chacun·e de vous, qui avez déjà exprimé votre soutien : cinéastes, producteurs et productrices, groupements professionnels, diffuseurs, public d’hier et d’aujourd’hui. Vous nous êtes tous indispensables. Nous en appelons au soutien et à la mobilisation de tous et toutes, du public, de la profession, de nos partenaires privés et publics, du CNC et du ministère de la Culture, pour défendre tout ce que cette baisse menace, pour nous et pour les autres. Sauve qui peut. Toujours. »

Éric Roux, Président, 
et l’équipe de Sauve qui peut le court métrage
Flou et incompréhension

Comme il l’indique dans sa lettre, Éric Roux ne comprend pas la décision de la Région. Surtout, lui et ses collègues n’ont pu compter sur aucune explication. « Nous ne comprenons pas cette décision, dont les motivations restent floues et sur lesquelles nous n’avons pu dialoguer avec l’ensemble de nos élus régionaux référents. », indique ce dernier, dans ses lignes.

Un secteur déjà fragile

On ne vous l’apprend pas, la culture n’est pas le secteur le plus à l’abri, surtout pas après un épisode de crise sanitaire qui a plongé la tête de nombreux établissements sous l’eau. Le FICM reste populaire et compétitif avec, lors de la dernière édition, plus Plus de 160 000 entrées dont des scolaires, des étudiants, des familles ou encore des retraités. Un public urbain et rural. Mais ces 110 000€ de baisse (sur un budget total de 3,2 millions) sont déjà une grave menace alors que l’association accumule du déficit depuis les années Covid.

Un écosystème en péril

Si pour la Région, le but est de mieux redistribuer les subventions entre villes et régions rurales, c’est raté. Car le festival attirait déjà des gens venus d’un peu partout et pas seulement les citadins des métropoles. « Cette baisse, elle impacte tout un territoire qui profite chaque année de plus de 11 millions d’euros de retombées économiques directes avec la tenue du festival et de son Marché du Film Court qui attirent des milliers de professionnel·le·s venus du monde entier. Des dizaines d’hôtelier·e·s, de restaurateur·rice·s, de commerçant·e·s, tous les prestataires avec lesquels nous travaillons, sur l’ensemble du territoire régional, et des dizaines de personnes que le festival embauche chaque année. », peut-on lire dans la lettre.

Plus que le festival en lui-même, c’est tout l’écosystème du court-métrage et le marché du film qui sont touchés. La question se pose, y’aura-t-il un FICM l’an prochain ? Et les années d’après ? Nous, on ne peut pas imaginer sa fin. On aime trop passer devant la Comédie, en février, dans le froid et voir les gens le nez rouge, patienter devant les grandes portes. On aime trop entendre parler toutes les langues dans les rues du centre-ville. On aime trop les affiches officielles, plus belles les unes que les autres. On aime trop venir aux séances et voyager, en à peine une heure, dans plein de mondes différents. Il ne faut pas trop le dire mais on aime aussi trop les séances jeunesse. Alors, sauve qui peut la vie du court métrage.

Hier, Éric Roux et l’équipe de l’association ont adressé une seconde lettre, cette fois directement à Laurent Wauquiez et demandent une alternative à cette décision. Le courrier a été soutenu par des dizaines de cinéastes nationaux et internationaux. La voici :  

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

1 réflexion sur “Sauve qui peut le court métrage (et son avenir!)”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.