Réseau-Salariat et Nicolas Da Silva plongent dans «La bataille de la Sécu»

L’association Réseau-Salariat du Puy-de-Dôme organise un grand événement populaire vendredi 20 janvier. Le chercheur et auteur Nicolas Da Silva viendra parler de son livre « La bataille de la Sécu » aux Volcans puis lors d’une grande conférence, le soir même, à La Glacière.

Avec la réforme des retraites sur la table, ces derniers temps, l’heure est au débat, à la réflexion, à la confrontation. C’est dans cette optique qu’aura lieu vendredi 20 septembre une journée évènementielle organisée par Réseau-Salariat pour parler Sécu au cœur d’une actualité brûlante.

Réseau-Salariat, c’est un groupe international qui réunit des travailleuses et travailleurs de tous horizons. De nombreuses branches locales existent, chacune est souveraine tout en restant attachée à la structure d’origine et à ses statuts. L’association porte une réflexion sur les travaux de la CGT de 1946 impulsés par Ambroise Croizat alors ministre du Travail. Elle se donne pour objectif de prolonger et diffuser une pensée révolutionnaire orientée vers l’appropriation collective des moyens de production. Le tout dans une volonté permanente d’éducation populaire à travers, entre autres, l’organisation de séminaires ou de conférences qui promeuvent l’accessibilité.

Éducation populaire

À Réseau-Salariat, on s’intéresse aux travaux de Nicolas Da Silva. Alors quand son livre sort à peu près en même temps qu’une réunion des membres de l’asso, le lien se fait tout seul. C’est ici que naît l’envie d’inviter l’auteur et de créer un grand événement, touchant tous les publics, riche en échanges et en réflexions dans un souci de réflexion collective et d’éducation populaire.

« L’exemple est tout bête mais ces derniers jours, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, sur les retraites, on ne parle que de financement. C’est très intéressant mais surtout pour les initiés. On fait fausse route en n’expliquant que ça. Comme on parle beaucoup de chiffres, on perd la base, les gens n’ont pas forcément le temps ou les moyens de comprendre alors qu’aller dans l’histoire, voir tout ce qui s’est passé avant, ça permet d’avoir la vision sur des alternatives. », explique David Schreiber, référent Puy-de-Dôme de Réseau-Salariat.

Vendredi, l’auteur Nicolas Da Silva viendra présenter son livre aux Volcans à 17 heures puis participera à une conférence débat à la Glacière (salle Prévost) à 21 heures. Réseau-Salariat espère ainsi rassembler un public large et tous les acteurs du territoire concernés par les réflexions autour de la sécurité sociale afin d’échanger autour de ce sujet urgent.

Point de vue critique

« L’économique est devenue une science très peu critique. ». Ces mots, ce sont ceux de Nicolas Da Silva, chercheur en économie et maître de conférences en sciences économiques à l’université Sorbonne Paris Nord, dans le 93. Sa thèse, il la faite sur la médecine libérale, un thème revenu sur le devant de la scène dernièrement. Soucieux de prendre du recul sur son domaine de recherche, Nicolas Da Silva est dans une optique de mise en réflexion et de travail critique permanents. Mais ce dernier a également élargi son sujet et travaille actuellement sur l’histoire économique du système de santé.

« Je me rends compte que les politiques publiques ne sont pas efficaces. La question, c’est pourquoi ? », explique-t-il.  La question ou plutôt les questions car il y a plusieurs « Pourquoi » : Pourquoi la sécurité sociale a-t-elle été inventée ? Pourquoi ne veut-on pas la développer alors que la France est bien plus riche qu’au moment de son invention ? Qui dirige le régime de santé ? Autant d’interrogations qu’il paraît nécessaire de se poser. Des questions que sonde ce livre La bataille de la Sécu, une histoire du système de santé.

Confronter l’imaginaire collectif

L’invention du régime général de sécurité sociale, en 1946, ne naît pas d’un large consensus comme on a tendance à le penser. On peut plutôt parler d’une véritable bataille. La Révolution française pose la question de l’intervention de l’État dans le domaine de la santé de façon inédite. Mais les premières réponses viennent au 19ème siècle. Surprise, elles viennent des travailleurs eux-mêmes qui organisent dans les mutuelles, la solidarité. L’intervention de l’État reste faible par peur de mouvements sociaux.

Mais après la Seconde guerre mondiale, tout change. Les français ont tiré la langue pendant des années. Le conflit social gronde. La fin de la guerre donne les conditions de l’évolution du régime social. Là est le seul consensus. Pour le reste, place au conflit.

L’enjeu n’est pas l’argent mais plutôt le pouvoir. Qui va diriger ce régime social ?  Pour l’élite, hors de question que les principaux intéressés le fassent eux-mêmes. Les acteurs dominants dirigent la politique de santé. C’est l’État, les mutualistes. Et ils doivent continuer à le faire. La suspicion de fraude est permanente, la volonté de contrôler également. « La réflexion, c’est ‘’on retire aux uns pour donner aux autres’’. C’est donc impossible qu’il y ait consensus. Même la CFTC est contre car elle sera mise en minorité par rapport à la CGT. », explique Nicolas Da Silva.

Capitalisme sanitaire et déni de démocratie

Aujourd’hui, quel constat peut-on dresser ?  « Autour de chez vous, il peut y avoir des déserts médicaux. Plutôt que l’ARS qui décide de fermer la dernière maternité, des élus locaux dans des caisses pourraient décider ce qui est le plus pertinent. Les gens qui sont sur les territoires, ils savent bien comment ça marche. Ce sont les principaux concernés. C’est un exemple parmi d’autres. Il s’agit de contester l’organisation de l’État qui décide de façon générale car on voit bien que ça ne marche pas. », indique

Nicolas Da Silva qui rapproche cette notion de déni démocratique à celle d’un capitalisme sanitaire. « Ça part de l’idée qu’il n’y a pas d’opposition entre Etat et Capital mais plutôt une coordination. Ils se partagent le gâteau. L’état social préfère développer le Capital donc bien sûr que les capitalistes vont aller là où il y a de l’argent. Ça empêche des formes de solidarité. ».

Le pouvoir aux intéressés

Dans son livre, Nicolas Da Silva oppose la « Sociale » et « l’État social », deux logiques antagoniques qui s’affrontent en 1946. La « Sociale » se fonde sur l’autogouvernement du système de santé par les intéressés eux-mêmes. « L’État social », lui, fait de la protection sociale un instrument de contrôle de la population. « L’étatisation de la sécurité sociale qui est à l’agenda des classes dirigeantes dès 1946 en a subverti le principe de solidarité ouvrant la voie à un capitalisme sanitaire dont on ne cesse de constater les dégâts. », explique le livre.

De son côté, le chercheur résume : « ce sont deux politiques publiques de santé. Ce qui change, c’est qui décide. « L’état social », c’est les politiques publiques portées par l’État, par les dirigeants, elle tend à réduire la démocratie alors que la « Social », c’est une politique de santé démocratique, portée par les concernés eux-mêmes. ».

Dans la bataille

L’un des enjeux du livre de Nicolas Da Silva est de contester l’idée de conversion des élites dans les années 80 pour souligner que dès le départ, des oppositions naissent contre le fait que les gens décident par eux-mêmes. « Les élites ont réussi à liquider les organisations populaires. L’enjeu, ce n’est pas le retour à l’état social, on y est encore. L’enjeu, c’est le retour à des politiques publiques démocratisées. ».

Le chercheur souhaite que son travail serve d’outil d’éducation populaire pour diffuser des idées et changer les représentations que l’on a du changement social. « Il n’y que par la lutte qu’on obtient des conquêtes. ». Et comment ne pas parler de la réforme des retraites à la veille d’une grande lutte dans la rue ? Pour Nicolas Da Silva, c’est l’exemple parfait. « 7% des actifs sont d’accord pour la réforme. C’est un déni de démocratie incroyable. Les gens savent ce que c’est de partir à la retraite. Mais qui décide ? Le gouvernement. Des gens qui vivent en ville, qui ne connaissent pas la précarité… ».

Deux temps forts

Vendredi 20 janvier, une première rencontre avec Nicolas Da Silva sur son ouvrage aura lieu de 17 heures à 19 heures aux Volcans. Une conférence-débat suivra entre 21 heures et 23 heures à la salle municipale Prévost à la Glacière. Da Silva aura ici sa double casquette d’économiste et de chercheur historique. Brice Chapouly, représentant syndical de la Fédération Sécurité-Sociale de la CGT-63 animera l’échange. « Le soir, on parlera davantage de technique militante, de son livre comme un outil de lutte, un outil revendicatif. », précise David Schreiber. Pour lui et Réseau-Salariat, l’objectif de cette soirée est avant tout de créer des perspectives de luttes sur les réformes passées et celles à venir.


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