On ne gifle pas.

J’aurais aimé que cela n’existe pas. Certains moments de ma vie. Certains que je regrette. D’autres que j’ai subis. Sans rien pouvoir faire. Ni pouvoir lutter.

D’autres moments sont sous ma responsabilité. J’ai fait souffrir, pleurer. j’ai été nulle et j’ai parfois eu du mal à me pardonner.

Mais je n’ai jamais giflé. Personne.

On ne gifle pas, même triste et en colère. On peut regarder dans les yeux, crier notre déception. Dire des phrases que l’on ne pense pas. Mais on ne gifle pas.

Minimiser une gifle

Adrien Quatennens est un jeune député, en pleine période de divorce. Perdu dans ses repères, et je me dis que ce doit être difficile un divorce. Même si désormais, presque tout le monde y passe.

Même si le divorce est devenu un acte régulier, il n’en reste pas moins un acte violent : On décide de ne plus partager sa vie, son cœur, ses secrets, avec celui ou celle à qui on avait promis l’amour éternel.

Déception

On a donc le droit d’être en colère, d’être déçu, de ne plus croire en rien ni personne après telle chute dans le vide.

Mais gifler, jamais. Crier, pourquoi pas. Supplier, peut-être.

Mais gifler jamais.

Adrien Quatennens était la relève de la France Insoumise. Je l’avoue c’est à lui que je pensais comme remplaçant de Mélenchon quand il m’arrivait de me poser la question de sa succession.

Un jeune homme qui paraissait se maîtriser

Il me paraissait justement plein de maîtrise de lui-même. Un jour, il m’a même fait éviter un ballon de foot envoyé mal par François Ruffin, lors d’université d’été à Marseille. J’y étais invitée pour parler des médias indépendants.

Et en me rendant dans l’amphi, alors que Ruffin organisait un match de foot, j’avais senti une main délicate prendre la mienne pour m’écarter un peu de ma trajectoire. Quatennens m’avait protégée d’un ballon perdu. je l’avais remercié avant de continué mon chemin.

Et justement j’avais ressenti de la douceur et même un peu de délicatesse dans cet homme qui s’était contenté de sourire avant de me libérer.

Se sentir en danger

Alors, c’est encore plus décevant d’apprendre que sa femme a été déposer une main courante. On ne dépose pas une main courante si on ne se sent pas en danger. Céline, puisque c’est son prénom, devait (et peut-être encore) avoir peur.

Parce que, il faut la faire la démarche de se rendre au commissariat, malgré la popularité de son mari, pour laisser une trace.

On laisse une trace quand on n’a plus confiance, quand on ne sait pas ce qu’il peut se passer, parce qu’on a peur que cela recommence.

Le droit au divorce

Céline veut divorcer. C’est son droit de ne pas se forcer. Elle n’aime plus. Ou aime ailleurs. N’aimera peut-être jamais plus.

Mais, elle a décidé que sa vie serait ailleurs. Céline a le droit.

Elle ne mérite pas une gifle. Ni même si ses valises sont prêtes et qu’elles enferment les meilleurs souvenirs possibles.

Adrien a giflé. Il n’en a pas le droit. Qu’il se rassure, il n’est pas le seul. Ils sont nombreux ceux qui frappent leur femme, en se trouvant l’excuse d’être malheureux.

Un parti dans la tourmente

Lui est connu. Lui a un discours féministe et contre les violences faites aux femmes. Son parti a viré Taha Bouhafs et méprise le masculinisme.

Cela le rend peut-être encore plus impardonnable.

Mais, dans tous les cas, dans n’importe quel parti, dans n’importe quelle maison, on ne gifle pas, ni un enfant, ni une femme ni un mari.

Malgré les crasses, les larmes et les cris. On ne gifle pas.

Et je ne crois pas que l’ont ait le droit de soutenir les coupables, aussi jeunes et brillants soient-ils.

Ne pas excuser

On condamne.

On se dit qu’il a compris, qu’il ne recommencera jamais, mais on ne peut pas trop savoir, en vrai.

La société médiatique est ainsi faite. Soit un ennemi politique, soit un policier mal avisé, soit un membre de sa famille a décidé de rendre la main courante publique.

Evidemment, on réfléchit sur l’histoire de la violation de la vie privée.

Les divorces, vaut mieux jamais s’en mêler.

Violence pour la victime

Pas sûre que le déballage médiatique apaise la violence. Elle me semble violente elle-même.

Pas sûre qu’elle aide la victime, ni même le coupable.

Même s’il a été obligé de prendre position, d’intervenir, d’écrire, quelques phrases d’excuses, et de se retirer de ses fonctions.

Evidemment que la fonction du média n’est pas d’interférer dans la fin d’une histoire d’amour. Et de mettre la France entière en position de juge.

Cependant, visibiliser la violence faite aux femmes, dans tous les milieux, et sur tous les terrains reste le rôle d’un média.

Laisser une trace

Alors, voilà. Adrien a giflé Céline. Peu importe qu’il soit à la FI ou le voisin d’à côté. Céline a eu peur et est allée à la gendarmerie faire une main courante. Laisser une trace au cas où. Car elle ne sait plus trop ce qu’il serait capable de faire.

Adrien a giflé Céline. Et ça, ce n’est pas possible. Ils ont beau être jeunes et meurtris, ils ne peuvent vivre cette violence. Elle ne peut en être une victime.

L’emballement médiatique a fait le reste. Pour le meilleur et pour le pire.

Comme la promesse qu’ils se sont faite en 2014, et qu’ils n’ont pas pu tenir.

Parce qu’elle est con cette promesse. On ne doit pas s’aimer pour le pire. On ne doit pas tout supporter pour rester fidèle à ses promesses.

Céline est partie. Adrien aurait aimé la retenir. Par la peur. Par la force.

Une gifle comme un glas

Ainsi, l’histoire est bel et bien finie. Une gifle, c’est un glas. On ne continue pas après ça. On s’enfuit. Car personne ne mérite une gifle. Ni une femme, ni un mari, ni un enfant.

On ne défend pas le coupable. On peut essayer de le comprendre sans jamais l’excuser. L’aider pour qu’il comprenne à son tour.

Il ne s’agit pas de condamner à vie, un homme, de lui faire porter une étiquette à laquelle il ne pourra jamais plus échapper.

Il s’agit surtout de penser d’abord à la victime. Et ce n’est pas lui, même s’il pense subir ce divorce. Ce n’est pas lui qui a peur, qui raconte sa trouille à des gendarmes inconnus.

Déchainements politique et médiatique

Pour le reste, le monde médiatique et politique feront la pluie et le beau temps.

Mais, il suffit de prendre du recul. De ne pas condamner, mais d’avoir des valeurs : En amour, on ne gifle pas. (Parce que je crois que je pourrais gifler quand même des néo-nazis…)

Alors, Adrien a sa carrière politique qui a pris un coup, il reviendra peut-être un jour. Peut-être pas.

Quant à Céline, elle se réparera. Et peut-être qu’elle croira de nouveau en l’amour. Peut-être pas.

Car une gifle sonne le glas.

Et pourquoi la gifle est-elle si violente ?

Deux raisons pour expliquer ce fait intolérable. D’abord, la main tendue qu’elle nécessite est normalement signe de confiance. Aussi, la gifle, geste inattendu surprend, et remet en cause toute la confiance que l’on avait en l’autre. Elle montre un manque de maîtrise et une envie de faire mal.

De plus, la gifle s’attaque à notre visage, qui est l’intégrité identitaire. Dans certaines communautés, prendre en photo les visages c’est interdit. cela reviendrait à voler l’âme. Dans nos sociétés occidentales où le Selfie est de mise, toucher le visage est d’autant plus violent.

Ainsi « se prendre une claque » c’est avoir baissé sa garde, ne pas avoir vu le coup venir, empli d’une confiance qui a, du coup, été trahie.

Enfin, rappelons-le, même si toutes les gifles ne se valent pas, l’homme qui avait claqué Emmanuel Macron a pris 3 mois de prison ferme, en juin 2021.

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2 réflexions sur “On ne gifle pas.”

  1. ELLE a rendu la gifle en laissant une trace de la sienne sur une page écornée du registre main courante. Une main qui vole vers un visage entraine l’autre à s’emparer de son droit à dire NON.
    Alors que le strict respect de la liberté de l’autre aurait suffi et clos leur histoire, et c’est tellement plus grand et beau d’avoir cette posture pour que le pire n’arrive pas.
    Quelques semaines avant, JLM avait sérieusement attaqué la police suite aux homicides involontaires sur des conducteurs ou passagers de véhicules perçus comme dangereux. La réaction de certains syndicats de policiers est là avec le dévoilement de l’affaire Quatennens contre Quatennens. L’occasion de renvoyer l’ascenseur pour l’échafaud était formidable : accueillir la plainte d’une femme victime de violence conjugale et révéler le nom des protagonistes pour que les autres pouvoirs fassent le travail. Et l’affaire qui aurait du être instruite par un magistrat pénal et un juge aux affaires familiales, est court-circuitée par la cour de justice médiatique, qui ne fait que rapporter des mots. Les juges décideront de la hauteur de la sanction à apporter à un acte qui aura été au préalable, instruit, analysé.
    Quand à l’homme, à chacun de voir s’il est encore fréquentable mais attention à ce que nous dictent l’e-média et tout commentateur soucieux d’être de la partie.On a le temps d’y penser et de remettre toute décision dans la perspective de chacune de ces vies séparées.
    Quand à l’avenir politique d’Adrien, il y a une commission interne à LFI qui est chargée de cette lourde affaire : attendons son verdict.

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