« Au foyer, au moins, on pouvait regarder la télé »

Après notre article sur la mort d'un jeune placé à l'ASE, nous avons reçu de nombreux témoignages. Nous avons rappelé quelques-unes de ces personnes qui ont vécu en foyer. Aujourd'hui, Lydie (Son prénom a été modifié).

« Je viens d’un milieu pauvre. » Lydie commence son histoire comme ça. De ce dont elle se souvient, elle a des parents aimants. Elle se sent bien avec eux, et grandit à leurs côtés. Jusqu’à son adolescence où on la place en foyer. « A cette époque, je ne savais pas pourquoi. » Elle apprendra plus tard, que sa référente écrit que son père lui faisait des attouchements. « Mais, ce n’est pas vrai. Je n’ai jamais vécu ça. C’est au décès de mon père, il y a quelques mois que j’ai retrouvé ce papiers. J’ai été placé à cause de mensonges. »

Elle va être en foyer du côté de Tourcoing. De son passage là-bas, elle se souvient surtout d’une grande liberté. « Nous n’avions aucune limite. Nous sortions comme nous voulions. Moi à 16 ans, j’avais encore besoin d’un cadre. » Les jeunes s’arrangent comme ils peuvent avec leur immaturité. « Les garçons venaient dans nos chambres sans y être invités. » Certaines jeunes filles se prostituent. « Les éducateurs le savaient. Mais ils étaient à peine plus âgés que nous. » La drogue circule facilement. « Je me sentais en danger. »

Un jour, un jeune la viole. Elle porte plainte. En réponse, elle est déplacée en famille d’accueil. « Là, j’ai vécu l’enfer. Je me faisais trainer par les cheveux. J’ai été maltraitée, battue. Ca a duré un an malgré mes confidences aux éducateurs. »

Lydie est finalement envoyée dans une autre famille. « On nous enfermait le soir dans nos chambres pour être tranquille. Nous n’avions pas le droit de regarder la télé. Je n’ai pas entendu un mot gentil à mon égard. Je n’ai pas été maltraitée. Je n’existais pas, c’est tout. »

A 17 ans et demi, Lydie est placée de nouveau en foyer du côté de Roubaix. « On ne me tenait jamais au courant de ce que l’on faisait de moi. Familles d’accueil, foyers, je n’avais rien à dire. » Elle y retrouve son frère, placé lui aussi. Plus jeune. « Il était drogué, personne ne l’aidait. Je ne le reconnaissais plus. il avait été placé à ses 8 ans, en foyer. A 9 ans, il aurait fumé ses premiers joints. Il n’a eu aucun cadre. »

Déclaré schizophrène depuis, le jeune homme est devenu majeur tant bien que mal. Lydie aussi a eu 18 ans. Sa prise en charge s’arrête donc. Elle retourne chez ses parents. Tombe enceinte. « J’ai fait n’importe quoi. » Murmure-t-elle. Battue par son conjoint, elle ne parle que très peu de ce moment-là. Mais alors âgé de 2 ans et demi, son petit garçon est placé à son tour. Elle le voit les mercredis et samedis. « Il a 10 ans aujourd’hui. J’ai pu quitter son père. J’ai refait ma vie. J’ai deux autres enfants avec moi, mon compagnon est gentil et je travaille dans la restauration. »

Lydie s’en sort pas si mal. Sauf qu’il y a quelques jours, elle a reçu un coup de fil. « On m’a averti que mon fils a été violé par les autres jeunes du foyer. J’ai rendez-vous demain. Ils m’ont dit qu’il avait besoin de soutien psychologique. Et qu’il devait rester dans le foyer en Belgique. Je ne comprends pas, il serait plus en sécurité avec moi… »

Lydie peut compter sur le soutien de sa mère. Son père est décédé. « Mais, avec mes parents, on s’est toujours bien entendus. Si j’étais restée avec eux, je n’aurais sûrement pas été violée et maltraitée comme dans les foyers ou les familles d’accueil. »

Lydie est encore un peu intimidée devant son histoire bien trop grande pour elle. Du haut de 28 ans, elle veut juste dénoncer les placements abusifs dont elle estime avoir été victime. Elle n’a pas de merveilleux souvenirs en foyer ou en famille d’accueil. « Mais le foyer c’est peut-être quand même mieux, je pouvais au moins y regarder la télé. »

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2 réflexions sur “« Au foyer, au moins, on pouvait regarder la télé »”

  1. Je trouve cet article intéressant et bien fourni en détails qui peuvent alimenter les histoires d’enfants placés.
    Car il s’agit bien sur d’une histoire dont tous les éléments sont présents : placements successifs en foyer et en familles d’accueil, amour parental, maltraitance institutionnelle, répétition des mêmes fatalités d’une génération à l’autre.
    Sauf que toute cette histoire n’est qu’une fiction. En France, on ne place pas des enfants jusqu’à leur adolescence. Chaque mesure d’éloignement du milieu familial est décidée et motivée par un juge. Il y a des enquêtes et les parents peuvent se faire assister d’un avocat et faire appel.
    Les motifs des placements sont revus tous les ans. Et chaque année, les services d’accompagnement font un projet pour améliorer la relation parent enfant.
    Après un placement, les parents ont des droits de visite ou d’hébergement.
    Les enfants sont aussi entendus et assistent aux débats.
    Pour une fois, le journal nous donne à lire quelque chose qui n’est qu’une lointaine approche de la réalité de la protection de l’enfance.
    Dommage, les éducs ou assistantes sociales méritent autre chose que ce point de vue partial et caricatural.

  2. roudaire josette

    JE CROIS CE TEMOIGNAGE IL NE DIT PAS QUE C EST TOUJOURS COMME CA MAIS CA EXISTE ET C EST TERRIBLE ET DENONCER EST IN DISPENSABLE MERCI ELOISE ET COURAGE AUX ENFANTS TOUS LES ENFANTS SONT COMME LES MIENS DIT ON FACILEMENT FAUT VOIR ….

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