« Je veux juste être quelqu’un demain… »

mercredi 20 mars, se tenait une conférence dans les locaux de RESF avec une cinquantaine de jeunes migrants, afin d'alerter sur la situation dramatique de la non prise en charge des mineurs isolés dans le département. L'occasion pour Marianne Maximi, députée LFI d'annoncer une nouvelle proposition de loi.

Ils arrivent au compte-goutte. Certains peinent à se frayer un passage. Il faut dire que le local de RESF est encombré de matelas et petits matériels.

Ici, chaque soir, des jeunes non pris en charge par le département doivent alors aligner des matelas afin de pouvoir dormir à l’abri.

Un scandale que dénoncent les associations et collectifs, comme la Ligue des Droits de l’Homme, RESF ou Yapamieux. « Depuis la fermeture du gymnase où ils étaient abrités, les jeunes se sont retrouvés à la rue. »

La mairie soutient implicitement l’occupation des locaux dont elle connaît l’existence et refuse de déloger ces jeunes. Mais bientôt, les associations ne pourront plus suffire. Avec la loi Darmanin, et son application zélée dans le département, les mineurs isolés sont de plus en plus nombreux à être à la rue.

A l’heure de l’écriture de ce papier, nous apprenons que les familles sont d’ailleurs actuellement délogées de certains hôtels de Riom et Clermont-ferrand.

Simon de RESF le craignait déjà hier. « On va arriver à une situation catastrophique. Car, là, la préfecture ne laisse plus le choix. Les gens sont obligés d’accepter l’aide au retour ou de quitter le territoire. Mais, dans tous les cas, c’est un non-choix. »

Une situation d’autant plus scandaleuse quand on sait que la majorité des jeunes sont jugés majeurs par un simple entretien, dans le département. « Les services estiment que ces jeunes sont majeurs après un simple interrogatoire. S’ils étaient considérés comme mineurs, ils seraient pris en charge par l’ASE. Mais, ça, notre département refuse. »

S’ajoutent à ces difficultés, la sévérité extraordinaire de la juge du tribunal administratif qui a réussi à révolter les avocats. Ils avaient organisé leur propre semaine de la honte pour dénoncer les rendus juridiques. « Nous n’avons aucun recours qui est accepté, malgré les papiers. Tout est rejeté. Actuellement 80 jeunes crient leur minorité sans être entendus. » Clament les associations.

Un jeune se décide alors à prendre la parole. Il témoigne.

« Quand nous arrivons ici, nous ne comprenons pas. Moi, j’ai donné mes documents de naissance, ça ne suffisait pas. J’ai alors demandé à ma mère la photocopie de sa pièces d’identité. Ca ne suffisait encore pas. J’ai du faire des recours, sans succès. Je sens le racisme chaque jour. Quand nous sommes malades, à nous, on dit qu’il suffit de boire de l’eau, pendant qu’on soigne les malades blancs. Parce que j’ai la peau noire, on ne réagit pas pareil avec moi. Alors, je le dis ici : Nous ne sommes pas venus pour faire des bêtises. Nous ne sommes pas venus salir le pays. Si nous sommes là, c’est que nous n’avons pas le choix. Nous avons tous nos raisons d’être partis. Et personne ne quitte sa maison et sa famille par plaisir. Nous apprenons la langue française. Car, ce que nous voulons c’est pouvoir aller à l’école, apprendre un métier, ce que je veux moi, c’est être quelqu’un demain. »

Les mots percutent la morosité de l’endroit. Les bénévoles baissent la tête, tandis que les jeunes acquiescent à chacune des paroles de ce témoignage.

Marianne Maximi, députée du Puy-De-Dôme, présente, vient annoncer la proposition de loi déposée par son groupe.

Marianne travaille au Centre de l’enfance et des Familles en tant qu’éducatrice spécialisée, elle connaît donc bien le sujet. « Il faut arrêter de parler de la loi Darmanin, c’est aussi la loi Lepen et Ciotti. Le conseil constitutionnel a gardé 2 articles sur les enfants que nous ne voulons plus. La protection de l’enfance c’est pour tous les jeunes de moins de 18 ans, peu importe l’origine. »

Elle reconnaît que les difficultés proviennent aussi du manque de moyens alloués aux départements en charge des mises sous protection des mineurs. « Avant, quand j’ai commencé, on s’occupait de tous les mineurs, puis, on a décrété que les étrangers seraient dans d’autres services. et, on a discriminé les enfants… »

A Belfort ou dans les Bouches-Du-Rhône, certains départements ont cessé leurs obligations à accueillir les mineurs isolés au motif du manque de places, malgré la convention des droits de l’enfant.

« Ces enfants seuls sur un territoire méritent la protection. » Poursuit la députée. « Nous sommes dans un pays honteux qui a une protection de l’enfance low-cost. Aussi, nous devons agir. »

La proposition de loi vise donc à abroger les articles 39 et 44 de la loi dite immigration.

Par son article 44, la loi n’oblige plus la protection et suivi des jeunes majeurs (18/21 ans). Ces jeunes seraient alors privés d’hébergement, et d’accompagnement alors qu’ils sont soit en études, soit en apprentissage soit employés.

L’article 39 lui prévoit que les mineurs puissent faire l’objet d’un relevé d’empreinte et de photos conservés dans un fichier, lorsqu’ils sont suspectés d’être auteur ou complice d’infraction.

Pour Marianne Maximi et son groupe, il s’agit là de faire l’amalgame entre délinquance et immigration.

Ainsi, le Groupe LFI de l’assemblée nationale propose d’enlever ces 2 articles de la loi « Immigration ».

D’autres groupes sont en accord avec le texte. « Il nous faut désormais aller convaincre les macronistes et autres personnes qui se sont perdues pendant le vote sur la loi. » Rassure Marianne.

Au fond de la salle, des jeunes posent des questions. On sent leur peur « Mais, la protection de l’enfance c’est juste pour l’hébergement ? » demande un gamin, au regard apeuré.

Déjà quelques écoles ont signalé les mises à la rue de certaines familles. « On se retrouve avec des personnes et leurs enfants de moins de 14 mois dehors. »

Alors, les solidaires restent présents, et comptent sur les actions politiques. « Mais, on va devoir trouver des solutions…Et, la colère commence à gronder. » souffle un.e militant.e.

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.