Marcher, l’ode au temps qui passe

l'année dernière, je marchais pour la première fois sur le chemin de saint jacques avec mon amoureux. Nous avions alors décidé de nous offrir cette bulle une fois par an, 4 jours, loin de notre quotidien.

L’année dernière, c’était une découverte. Marcher, c’était ne plus courir, et j’avais trouvé ça drôlement mou. Nous étions pourtant encore dans le challenge du toujours plus vite et toujours plus loin.

Nous avions découvert combien marcher côte à côte représentait l’allégorie de ce que l’on attend tous et toutes de l’amour. Etre accompagné.e sur son chemin, avec quelqu’un au même rythme, qui nous pousse, nous soulage, nous soutient et pour lequel on fait de même.

Si l’année dernière, le chemin fut celui de la réconciliation, il fut cette fois celui de l’apaisement et du carpe diem.

Nous n’avions plus rien à se prouver ni à soi ni à l’autre. Nous étions drôles, enjoués, à l’écoute, dans le silence. Chacun.e dans nos pensées. Les longues discussions de reproches, de questionnements avaient existé l’année dernière. Cette fois, il nous fallait juste profiter. Nous avions réglé nos problèmes, nos doutes, nos secrets.

Et c’est ainsi que notre chemin a croisé ceux et celles qui nous ressemblent. Des gens joyeux et apaisés, libérés du poids de leur vie, et dont la quête semblait être terminée.

Alors, nous avons traversé la Lozère, l’Aveyron, longé le Lot, traversé des villages, dormi dans des gites ou des chambres d’hôtes. On s’est même autorisés à ne pas accepter un logement tenu par des gens ivres.

Oui, cette année, on ne voulait plus se confronter à ce qui ne nous ressemble pas. Nous étions à notre place. Tantôt l’un devant, tantôt l’autre derrière. Sans compétition. Au même rythme.

Notre chemin a donc croisé ceux d’autres.

D’abord cette mère.

Elle vit en Haute-Savoie, et un jour, elle reçoit un appel, son fils de 18 ans à l’époque a eu un accident en s’amusant avec des copains sur un ventriglisse. Il faut vite venir. Son enfant est un solide, il fait du hors piste, a toujours pris des risques. Mais là, il s’agissait juste de se lancer et glisser sur le ventre. On ne saura jamais trop, mais il a mal atterri et a 2 vertèbres cassées.

Tétraplégique.

Au début, son fils ne peut même plus parler, mais le premier mot qu’il prononce à sa mère est celui qui lui tord le coeur : « Pardon ».

Le fils ne voulait pas faire souffrir sa mère, oubliant sa propre tristesse d’être coincé dans un corps immobile.

Mais, le gamin rebondit. La mère s’adapte, se bat. Après un an et demi de rééducation, le gosse revient vivre à la maison, lui qui avait entamé une fac de sport, il se voit repartir à zéro. Il n’abandonne pas. Il aime la vie, même en fauteuil. Ses potes restent auprès de lui. Sa mère apprend à le coucher, le lever. Le fils apprend à sourire de nouveau. il retourne même sur des skis, en fauteuil. Il se rend compte qu’il doit muscler sa sangle abdominale. C’est son nouveau défi. Pour les jambes, c’est une autre affaire, mais avec lui rien ne semble jamais écrit.

Alors, 3 ans après le drame, la mère a pris du temps pour elle. Elle s’est mise en marche sur le chemin. Elle y pleure, elle y sourit, elle se repose. Un chemin que l’on croise. On passe une soirée avec elle. Elle irradie les pièces de sa joie et de ses blagues, de ses conseils aussi. Elle est mère de deux enfants, divorcée fraîchement après 30 ans de mariage. Elle connaît bien la vie. Son téléphone vibre, c’est son fils, il est à un concert sur Annecy avec des potes. Il va bien. Le chemin peut continuer…

Alors, on reprend la route, on y croise des profs à la retraite qui ont opté pour la sobriété heureuse, vivre de peu, mais pas de rien. Un bon apéro le soir, et des discussions légères sur la vie qui défile.

Un père et son fils nous font marrer. Ce sont des chrétiens de gauche. Ils savent reconnaître dans les églises les électeurs de Zemmour. « On ne se trompe jamais. » Le jeune a quitté le double cursus histoire-Droit pour insérer la vie active. « Il était temps que je me barre, le syndicat étudiant La Cocarde est en train de lobotomiser le cerveau des étudiants en peine. » On se marre, on n’ose pas dire qu’on bosse sur l’extrême-droite depuis plus de 10 ans.

On les laisse au détour d’une église qu’ils vont visiter.

Plus tard, c’est une jeune clermontois qui cherche du boulot et dont l’oncle a proposé une balade sur le chemin pour souffler un peu qui nous propose de partager une soirée au gite. On y est rejoint par une jeune femme qui se remet doucement d’une rupture, imagine-t-on d’après ses quelques confidences.

Mais, la soirée est festive, on rit, on cuisine, on partage. Même la dame du gite-épicerie y met de la bonne volonté. Son humour nous fait oublier nos douleurs musculaires.

Et puis, il faut rentrer. C’est un jeune conducteur qui nous raconte qu’il écrit des livres en auto-édition qui nous ramène à notre voiture. On lui achète son dernier bouquin. Il en a toujours un exemplaire dans la boite à gants.

Le périple est fini, moins introspectif que l’année précédente. Plus léger. Moins dur. Même si l’amoureux y a laissé deux paires de chaussures.

Le soleil était là, comme pour nous assurer ce que nous pensions. Cette année, nous nous sommes délestés du superflu, du compliqué.

En une année, nous avons trouvé notre place, délaissé des chemins tortueux et torturés pour aller vers la joie et la vie pleine de lumière et de rires.

Ces chemins à un an d’intervalles nous montrent le chemin parcouru en dehors de ces sentiers.

Chaque année, on devrait se confronter à soi-même et prendre conscience de notre évolution.

Chaque année, prendre le temps. Juste de vivre.

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