Vertbaudet : une lutte devenue symbole

Depuis le 20 mars, plus de 70 salariés de l’entreprise de puériculture Vertbaudet sont en grève, dans le nord. Plusieurs fois démantelé, le piquet se fait le symbole de la lutte en France en 2023, entre volonté de vivre mieux, détermination dans la mobilisation et répression d’un gouvernement toujours plus répressif.

Vertbaudet, c’est une marque de vêtements pour enfants vendus par catalogue. Le siège de l’entreprise de puériculture se situe à Tourcoing dans le nord. Non loin de là, sur le site de Marquette-lez-Lille, voilà plus de deux mois que les salarié.e.s de la marque sont en grève.

De meilleurs salaires

Ici, le piquet ne s’arrête jamais. Depuis le 20 mars, la mobilisation tient jour et nuit malgré plusieurs démantèlements. Une partie des employées, majoritairement des femmes, est en grève pour réclamer des augmentations de salaire. Certaines sont là depuis plus de 20 ans et touchent à peine 1500€.

Ce qui met le feu aux poudres à l’époque, c’est l’accord salarial pour 2023 qui ne prévoit pas d’augmentation de salaire mais 0,8 % pour les cadres et agents de maîtrise. L’accord passé au cours des NAO prévoit la mise en place d’une prime de partage de 650 € et une hausse de 115 € du montant des primes repas. En mars, l’accord avait été signé par FO et la CTFC, majoritaires dans l’entreprise (63% des salariés syndiqués). Mais la CGT, alors minoritaire (17%) s’y était opposée. Près d’un quart des salariés de la boite, soit 72 personnes sur 327, entraient alors dans une mobilisation sans précédent. En effet, pour beaucoup, cette grève est la première de leur vie.

Visite mouvementée

Le 14 avril, après une visite sur site de Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, la police intervient sur place afin de sécuriser les lieux. La direction de Vertbaudet indique alors que des personnes extérieures à l’entreprises auraient tenté d’envahir les lieux avec plusieurs sortes d’outils causant des dégradations. Alors que les circonstances de cet épisode restent floues, la mobilisation prend une autre mesure.

Démantèlement et violences policières

Mardi 16 mai. Sollicitées par la direction, les forces de l’ordre interviennent pour démanteler le piquet de grève et évacuer les employés mobilisés. La préfecture du Nord met alors en cause « de nombreux et graves troubles à l’ordre public » et cite entre autres un « incendie volontaire d’un poste électrique ». Sur place, une soixantaine de CRS. L’opération est mouvementée. Au final, six salariés seront convoqués pour un entretien préalable.

Pire encore, une gréviste est violentée puis hospitalisée avec quatre jours d’ITT.

Nos confrères de StreetPress ont pu échanger avec cette mère de famille de 36 ans, dans la boite depuis 9 ans, étranglée. L’entretien est juste là.

Chasse aux sorcières ?

La veille, les forces de l’ordre intervenaient déjà pour interpeller deux militants non-salariés sur le site. Les deux membres de l’union locale CGT de Tourcoing sont arrêtés pour entrave à la circulation sur une voie ouverte au public. L’un d’eux est un simple observateur de la scène tandis que l’autre se trouve à l’entrée du site, devant un camion. Les deux hommes sont placés en garde à vue et relâchés, sans suite.

Mais les violences ne s’arrêtent pas aux portes de l’usine. En effet, la CGT annonçait également qu’un des deux délégués CGT du site aurait été « copieusement gazé, frappé » mardi 16 mai par des personnes se présentant comme des « policiers en civil » venus l’interpeller devant son domicile. Sa femme et son fils ont assisté à la scène. Une enquête a été ouverte par parquet de Lille.

Une lutte qui en éclaire d’autres

Cette bataille à Verbaudet, elle veut dire beaucoup de choses. D’abord, elle est signe d’un ras-le-bol. Pas une goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ça fait bien longtemps que la digue a lâché. C’est un ras-le-bol de fond, celui des gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois et qui souffrent de se lever tous les jours pour si peu de reconnaissance.

Ce goût amer, il s’est intensifié à l’annonce du projet de réforme des retraites, à l’annonce du recours au 49.3 et à l’annonce d’une décision molle du Conseil Constitutionnel. Vertbaudet fait écho à la mobilisation contre la réforme. Elle s’inscrit elle aussi dans les batailles qui durent dans le temps. Elle montre qu’en 2023, la mobilisation est plus rude, plus déterminée.

Mais Vertbaudet est aussi le signe de son époque, celle d’un gouvernement qui réprime, qui violente, qui écrase. Elle laisse résonner les violences policières qui se multiplient depuis des mois.

Vertbaudet se fait symbole. Si le combat est enfermé de l’intérieur, il a pourtant réussi à s’échapper et s’exporte nationalement. C’est en tous cas le souhait de nombreuses personnalités de gauche. Après Karima Delli, députée européenne EELV, Fabien Roussel, secrétaire national PCF ou Sophie Binet, secrétaire générale CGT, Jean-Luc Mélenchon a pris la parole lundi 22 mai lors d’un rassemblement organisé en soutien aux grévistes à Tourcoing, devant le siège de l’entreprise. À la tribune, le leader LFI a appelé à boycotter Vertbaudet après avoir salué la durée importante de la grève et a apporté avec lui un chèque de 15 000€ pour soutenir les employées mobilisées.

Interpellée par la CGT, Elisabeth Borne s’est de son côté enfin engagée à cesser les poursuites contre les ouvrières de Vertbaudet. Un rassemblement de soutien s’est tenu hier à Paris. Les employées, la CGT et toutes les personnes qui les soutiennent ne comptent rien lâcher.

Nos actionnaires, c'est vous.

Aidez-nous à rester gratuit, indépendant et sans pub :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

nos derniers articles
Cet article vous a plu ?

Soutenez le Cactus !

Le journalisme a un coût, et le Cactus dépend de vous pour sa survie. Il suffit d’un clic pour soutenir la presse indépendante de votre région. Tous les dons sont déductibles de vos impôts à hauteur de 66% : un don de 50€ ne vous coûte ainsi que 17€.