Châteauguay, ses quelques 3000 habitants, ses vignes et…ses carrières ! C’est là, au nord de Clermont-Ferrand que se joue une bataille depuis quelques années. La lutte d’une association et ses 550 membres qui souhaitent empêcher l’exploitation d’une carrière sur le plateau de Lachaud situé au nord-ouest de Châteaugay et qui délimite la petite ville de la commune de Malauzat. Nous vous en parlions dans un article paru à l’été 2022. Alors que le projet est toujours d’actualité et qu’un nouveau contrat pourrait lier la mairie favorable au projet avec un exploitant, on fait le point.
Piqure de rappel
Nous sommes en 2017. Dans les rues de Châteaugay, on commence à entendre parler de fortage, de terrain, de plan d’urbanisme… En effet, un projet de carrière sur le plateau de Lachaud, à quelques centaines de mètres de certaines habitations est en cours de discussions.
Une carrière à Châteaugay, il y en a pourtant déjà une. En activité depuis près d’un siècle, le filon arrive aujourd’hui à épuisement et le site devrait fermer bientôt. Alors en 2018, la commune rachète 30 hectares de terres et les revend à l’entreprise Jalicot, spécialisée dans la vente de sables, cailloux, granulat et dans l’exploitation de carrières. Le Conseil municipal donne son feu vert pour lancer le processus.
En 2019, juste à côté de ces parcelles, la société privée SBC (Société Basalte du Centre) rachète 50 hectares supplémentaires.
Le 24 juin 2022, une quinzaine de membres de l’association « préservons le plateau de Lachaud et Châteauguay » assistent au conseil métropolitain de Clermont-Auvergne Métropole. Parmi les votes à l’ordre du jour, le lancement d’une procédure de mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de la ville de Châteauguay. Celle-ci doit permettre l’ouverture de la carrière de basalte. Après délibération, la décision est acceptée à 43 voix pour, 3 contre et 38 abstentions.
Des inquiétudes
Pour les membres de l’association, plusieurs sujets posent problème. D’abord, celui de l’eau. Sous ses couches de basalte, le plateau de Lachaud abriterait 150 à 180 millions de mètres cube. Selon eux, les risques d’assèchement, de perturbation et pollution sont trop élevés. « Les tirs de mine mais surtout l’exploitation quotidienne (trajet des camions, criblage, concassage) entraînent la production de poussières. Les pistes peuvent être arrosées au prix d’une consommation d’eau inquiétante au regard de l’état de sécheresse de ces dernières années et des canicules qui se répètent. Les engins de criblage et concassage pourraient être confinés dans un bâtiment mais ne le sont pas dans l’exploitation actuelle. », peut-on lire sur le site de l’association.
Côté environnement, le site abrite des espèces protégées comme la laineuse du prunellier (un petit papillon) ou l’écrevisse à patte blanche. Il se situe à moins d’un km et demi de la zone UNESCO de la chaîne des puys et faille le Limagne. Surtout, l’aire urbaine de Clermont est un mauvais élève en matière de recyclage : 3% contre 57% à l’échelle régionale (source DREAL).
Enfin, les poussières de silice provoquées par l’activité sont classées parmi la liste des agents CMR c’est-à-dire ayant des effets cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Les membres de l’association alertent également sur la baisse de valeur des biens immobiliers aux alentours, les nuisances sonores et de l’insécurité routière.
« Et puis on demande à ce qu’il y ait au moins des consultations de la population. Là, on est là parce qu’on a vu l’ordre du jour mais sinon, tout se fait en catimini. », explique Lise, trésorière de l’association, présente devant la mairie à quelques minutes du conseil municipal du Lundi 23 octobre.
Fin de contrat
À l’ordre du jour ce soir-là, des affaires courantes mais aussi le contrat entre la municipalité et l’exploitant de la carrière. Un contrat avait déjà été passé mais doit se terminer le 31 décembre prochain. Pour l’association, une petite victoire réside dans le fait que pendant la durée du premier contrat, aucune activité n’a pu commencer sur le plateau de Lachaud. Un peu grâce à eux, un peu grâce au Plan Local d’Urbanisme pas encore achevé et aussi à cause du covid.
Afin de sensibiliser un maximum de personnes avant ce nouveau vote, l’association a appelé au rassemblement à 19h45 devant la mairie. Médiacoop y était. Devant les portes, une quarantaine de personnes mais aussi 4 gendarmes qui font des rondes sur le parvis. Une lettre a été adressée à tous les élus du conseil. Les participants discutent en attendant 20 heures. Lorsque l’heure arrive, nous de montons dans la salle pour suivre le conseil municipal public. Nous essayons plutôt.
Circulez, y’a rien à voir
Dans le hall d’entrée, le maire prévient les membres de l’association. Il n’y a que 12 places. Les opposants sont d’accord pour ne monter qu’à 12. « Il y a des consignes de sécurité donc ça sera 7 ou 8 personnes, pas plus. », indique ensuite le maire. Visiblement, c’est lui qui dicte les règles. « Si vous rentrez tous, on annule la séance. Soit vous écoutez, soit vous n’écoutez pas. Sinon je fais constater par la gendarmerie et on annule. », lance ce dernier.
On se présente à lui. « Pas de journalistes. » est sa seule réponse. Il refuse que l’on monte « Pour des mesures de sécurité. ». Nous lui rappelons que la séance est publique. Nous montons enfin mais on nous interdit de prendre des photos. La réunion commence.
Vote reporté
Le maire lit la lettre de l’association. Il la reprend point par point. Il voudrait des précisions et des preuves sur les chiffres des opposants. En effet, pour ces derniers, un meilleur contrat aurait pu être passé et le bénéfice de l’opération ne vaut absolument pas tous les dégâts qu’elle causerait. Sur l’emploi, « J’vais pas m’étendre là-dessus, c’est possible, j’en sais rien. », répond ce dernier. Sur l’environnement : « Il y a des études en cours, on n’a jamais dit qu’il n’y avait pas de nuisances donc je ne vais pas m’étendre là-dessus non plus ».
Pourtant, suite à un contrôle inopiné, la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a conclu à une non-conformité des activités de la carrière actuelle gérée par la même entreprise qui voudrait exploiter la nouvelle. « Ils déchargent directement dans le remblai. », explique Frédéric, secrétaire adjoint de l’association.
Document de la DREAL consultable ici
Le maire demande des précisions et des chiffres. Il décide de reporter le vote et laisse deux semaines à l’association pour fournir les documents.
Jouer la montre
À la sortie de la mairie, les membres de l’association résument la réunion avec les participants du rassemblement. Pour eux, ce report est une victoire. « On leur a mis la pression, on les a fait reculer. », se réjouit Frédéric. Si c’est une façon pour eux de jouer le temps, C’est aussi le cas pour la mairie. En effet, tous les chiffres demandés ont déjà été fournis en 2019 à l’ensemble du conseil municipal par le président de l’association de l’époque. Les opposants les ont même publiés sur leur site mais ont dû les retirer après un courrier d’avocat. « Ils nous demandent des chiffres qu’ils ont déjà et si on les publie, ils nous obligent à les supprimer. », déplore Frédéric.
La suite de l’affaire devrait se décider lors d’un prochain conseil municipal. En attendant, une conférence sur la géologie et l’hydrogéologie sur le plateau de Lachaud et à Châteaugay aura lieu dans la commune le 18 novembre.