La doume, la monnaie locale .

Il est 19h et la nuit tombe sur le petit cosec d’Aubière. Au dédale de longs couloirs, nous arrivons dans une salle de gymnase où nous avons été conviés par l’association ADML63 (Association pour le Développement de Monnaies Locales dans le Puy-de-Dôme), afin de nous présenter ce qu’est la doume et à quoi elle sert.

Quatre personnes de l’association nous accueille : Danielle, co-fondatrice de l’asso, Élisée, le trésorier, qui fera la majorité de la présentation, Élodie, sa fille et coiffeuse prestataire de La doume qui nous éclairera sur comment un commerce fonctionne avec cette monnaie locale ainsi que Geneviève, responsable du groupe local de Clermont-Centre. Il y a peu de monde, pas plus de vingt personnes au total, de quoi bien faire respecter les distances sociales sanitaires dans cette grande salle mais certainement pas de quoi décourager la motivation de nos présentateurs. Ils ont une mission : convaincre le plus de prestataires et consommateurs à adhérer à la doume.
La doume tient son nom de son département, puisque doume signifie Dôme en occitan. Elle est imprimée la première fois en 2015, deux ans après la création d’ADML63. Cette monnaie locale s’étend sur tout le département. Aujourd’hui, 173 000 doumes sont en circulation. Étant utilisée par 351 prestataires (commerçants; artisans; producteurs) et 930 utilisateurs (consommateurs), la doume devient la sixième monnaie la plus importante de France en 2017. La monnaie locale du Puy-de-Dôme regroupe aussi 50 bénévoles, une salariée, cinquante-sept comptoirs de change, et quinze groupes locaux couvrant le territoire, chargés de trouver adhérents, prestataires et de recréer des filiales économiques locales. On peut donc échanger un euro contre une doume, le taux de change étant de zéro, si l’on est adhérent. Devenir adhérent signifie être en accord avec la charte des utilisateurs de la doume et répondre à certains critères tels qu’avoir le souhait de « favoriser l’activité et les emplois locaux, les pratiques respectueuses de l’environnement, la coopération et la solidarité, l’accès à des produits et services de qualité, mais aussi contribuer à une alternative non-spéculative au modèle économique actuel ».

Mais à quoi ça sert ? Tout d’abord, il faut savoir qu’aujourd’hui 97% des échanges monétaires mondiaux se font dans les marchés financiers tandis que seulement 3% d’entre eux ce font dans l’économie réelle, donc d’une main à une autre, dans nos boutiques, supermarchés, services… Un euro est donc utilisé maximum deux à trois fois avant de finir dans un marché financier. Rappelons que ce n’est pas la quantité d’argent qui enrichit une population mais le fait que cet argent circule : un billet qui passe d’une main à une autre peut enrichir jusqu’à 50 personnes. La doume, elle, reste dans l’économie réelle et surtout locale. « Ça ne vous empêchera pas de consommer votre essence en euros chez Total ! On est pas pour la destruction de l’euro, loin de là. Et Total ne rentrera jamais dans nos critères d’adhésion ! » s’exclame Élisée.
La doume sert donc à se réapproprier la monnaie auprès de ses utilisateurs, de favoriser l’économie locale, notamment en essayant de récréer une indépendance économique locale en créant des circuits courts et complets : l’association œuvre donc à reformer des filiales de l’emballage, en passant par la production du produit jusqu’au commerçant vendant le produit. Elle a presque réussi à le faire avec les brasseries du département : Les brasseurs locaux achetaient leur matière première, le malt, en Alsace ! Un adhérent a proposé de créer une usine de malt pour permettre une chaîne de production locale. Moins de transports et moins de coûts pour les brasseurs, plus de clients pour producteur de malt, voici l’exemple d’une économie locale, solidaire et écologique. L’association est en négociation avec un producteur de bouteilles en verre local, afin que la boucle soit bouclée ! Les brasseurs pourront acheter leurs bouteilles et matière première près de chez eux. La doume permet donc de retrouver une autonomie économique au sein du territoire en mettant en relation les prestataires locaux. Enfin, le prestataire peut aujourd’hui payer son salaire en doume, la monnaie étant imposable comme l’euro.

Les billets de doume

La monnaie locale se décline en 5 types de billets de un, deux, cinq, dix ou cinquante doumes mais aussi en edoume, la monnaie locale numérique ! Celle-ci fonctionne comme un virement d’un compte à un autre, sur une application. On y transfère ces euros qui seront convertis en doume, puis on paye le prestataire en lui faisant un virement directement sur l’application, « sans commission pour les prestataires et sans aucun contact en cette période sanitaire difficile » nous rappelle l’association. Les prestataires ont ainsi économisé en un an 22 000 euros de commission avec la doume.
Les 173 000 euros qui ont été changés en doume représentent le fond de garantie. Aujourd’hui, l’ADML est capable de rembourser 90% de cette somme car 10% a été réinvestie dans des parts d’entreprises vertes locales ainsi que la Nef, une banque dite éthique car celle-ci investit aussi l’argent de ses clients dans des projets verts et ne possède aucune filiale dans des paradis fiscaux. C’est cette banque qui assurera le remboursement du fond de garantie en cas de problème. Le fond de garantie permet aussi des prêts à taux zéro pour les prestataires en difficulté. Ce prêt est possible sur une durée de maximum un an et peut s’élever jusqu’à quelques milliers d’euros.
Des efforts ont aussi été faits pour les utilisateurs de la Doume : les personnes les plus précaires payent une adhésion moins chère mais l’association a surtout dégagé un bonus social. Au lieu de changer un euro contre une doume, le consommateur peut échanger par exemple dix euros contre quinze doumes, jusqu’à deux cent euros contre trois cent doumes. « Ce qui n’est encore jamais arrivé », précise Élisée, « quatre euros contre six doumes oui, mais jamais deux cent euros d’un coup! ». Ce bonus social est permis par des subventions. Tout est fait pour que toutes et tous puissent donc accéder à cette monnaie et à l’économie locale et solidaire, dans le respect de l’environnement.

L’ADML63 proposera de nouvelles rencontres d’information et sera présente au marché de Noël de la doume qui aura lieu le dimanche 13 décembre à la Maison du Peuple à Clermont-Ferrand. Retrouvez toutes leurs actus sur leurs sites : adml63.org ou doume.org

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