Portraits de retraité.e.s – Épisode 2, Pascal

Suite aux annonces du gouvernement d’une nouvelle réforme des retraites, la mobilisation dans la rue a démarré sur les chapeaux de roues. Nous, plus que des retraites, on a décidé de vous parler des retrait.é.e.s de leur vie et de leur rapport au travail.

Il y a ceux qui ne travaillent plus depuis 10 ans et ceux qui s’habituent à peine à leur nouvelle vie. Nous poursuivons notre série avec Pascal, tout juste retraité. C’est lui qui nous a contacté. Il suit le journal depuis quelques années. « Si je peux aider… », nous écrit-il. Il a 62 ans. Il est retraité de la poste. Depuis début décembre dans le cadre de son invalidité. Il le sera en avril selon le régime général. Pascal nous confie que la fin de sa carrière a été compliquée. Pas facile de lier un poste de cadre et engagements syndicaux. « J’ai terminé ma vie active en burn-out. ».  Pas très joyeux tout ça. Faisons plutôt un petit retour en arrière.

Grandir dans une cité Michelin

Si Pascal vit à Vichy depuis un an et demi, c’est à Clermont qu’il voit le jour et qu’il grandit. « Je suis fils d’ouvrier Michelin et d’une mère au foyer. 9 personnes sur 10 dont vous faites le portrait et qui sont nées dans ma décennies doivent vous dire la même chose. Il y avait 30 000 employés à l’époque chez Michelin. », s’amuse ce dernier. Avec son frère, ils vivent à La Plaine, dans une cité Michelin, justement. Une enfance plutôt normale. Un bac S et une inscription à la fac. Mais très vite, la réalité du quotidien le rattrape. « Heureusement ou malheureusement, je devais travailler en même temps. J’ai été pion à temps complet. 3 jours dans la semaine, je ne pouvais pas suivre les cours. Ça a vite fait péricliter ma scolarité. ».  

Clermont-Paris

Le jeune homme veut travailler. Il cherche dans des domaines variés. En passant à l’ANPE par hasard, il voit une proposition de concours pour devenir conducteur de travaux à la poste. À cette époque, pour y entrer, il faut passer des concours nationaux. Ensuite, on disperse selon les besoins. Pascal atterrit à Paris. Nous sommes en 1987. Au départ, c’est le choc pour ce provincial. Il restera 4 ans et reviendra dans son Auvergne natale avec sa femme et les deux enfants de cette dernière. Le couple en aura un troisième. C’est le début d’une nouvelle vie.

L’amour des plaisirs simples

Depuis toujours, Pascal aime les grands espaces. « Quand j’avais 17 ans, on partait en mobylette et on allait se balader dans le parc des volcans, avec le sac sur le dos. J’adore le ski de fond aussi, la randonnée… J’ai toujours marché et je marche encore. ». En moyenne, le jeune retraité gambade deux heures par jour. Il a déjà écumé presque tout Vichy. « Quand je suis devenu papa, ça a été un temps de ma vie où je me suis occupé de mes trois enfants. Ils ont tous eu des activités sportives et culturelles et j’ai adoré les suivre et les voir s’éclater là-dedans. ». Aujourd’hui, Pascal se rend souvent à Paris pour aller voir son fils, comédien professionnel, sur les planches. Le retraité est passionné de lecture et de théâtre. Il a lui-même foulé la scène quelques années au Petit théâtre de Vallières avant d’intégrer une chorale.

L’amour des autres

Si pascal aime le sport et la culture, la politique occupe aussi une grande place dans sa vie.  « J’ai été assez tôt intéressé par les domaines politiques et sociaux. J’ai été assez vite militant quand j’étais au lycée. ». À la poste, il s’engage à CGT. Un acte qui lui vaudra d’être privé d’évolutions professionnelles, selon lui. « Pourtant, on me disait toujours que c’était à cause de l’expérience. Bizarre après plus de trente ans de service… ».

Pour ça, il subit des pressions, du harcèlement. « Mon médecin m’a dit qu’il fallait que j’arrête parce que ça allait mal finir ». Mais pas de quoi atteindre son goût pour la solidarité. Le 19, il était dans la rue, comme beaucoup d’autres retraités. « Ça me semble évident que des retraités aient été présents jeudi. Cette réforme, évidemment que je suis totalement contre. Je participerai à des actions. On ne va pas laisser faire ça. À la poste, à l’époque, on avait 6 mois de formation. Aujourd’hui, on embauche en contractuel et les gens sont directement sur le terrain… Les nouveaux, on leur mène une vie infernale ! Ces dernières années, dans le domaine de la logistique et du colis, c’est du Zola quoi…»

Une retraite à point nommé

Pascal à 3 petits-enfants. Un théâtre à 100 mètres de chez lui, aussi. Il regrette les personnes avec qui il travaillait mais pas le travail. Sa retraite, il n’a aucun mal à l’occuper. Lecture, pièces, Paris, militantisme, randonnée… Autant de choses qui lui sont permises grâce à son temps libre. Du temps pour penser aussi. Surtout aux autres. « Je suis empatique. Un peu trop. On me l’a souvent dit. Mais on ne se refait pas… L’être humain ne peut s’éclater qu’en groupe. Ne s’épanouir qu’en groupe. Il faut aspirer à ce que celui qui est en bas de l’échelle puisse pouvoir augmenter son échelon. C’est la condition du bonheur. Je ne peux pas concevoir d’être heureux quand on dit à des gens de se taire, que d’autres crèvent de faim, que d’autres subissent leur travail. ».

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1 réflexion sur “Portraits de retraité.e.s – Épisode 2, Pascal”

  1. pour moi, le travail ou une activité organisée, régulière, qui donne à réfléchir n’est pas tout ce que rapportent les 2 articles précédents.
    La santé au travail est un droit et il faut le défendre car il y a des moyens pour que le corps et l’esprit ne souffrent pas.
    le lieu ou l’on travaille n’est pas une zone de non droits bien au contraire mais il faut s’en servir car à quoi auraient servi les luttes sociales de l’après guerre.
    On devrait enseigner à l’école ce qu’est notre système de protection en France.
    Si les salariés étaient massivement syndiqués, s’ils investissaient comme Pascal, le champ du rapport de force : la vie au travail serait plus facile. On entend parler de mesures spéciales pour les salariés exposés à des travaux pénibles : la solution qui est de partir à la retraite plut tôt à cause des facteurs de pénibilité subis pendant 40 années est largement insuffisante, au sens du droit à la santé. Que le gouvernement actuel se suffise de ce dispositif de départ anticipé, est la preuve qu’il ne prend pas en compte la santé et le Code du Travail.  » tous les jours tu t’es usé en passant la porte de ton entreprise, mais dans 40 ans tu sortiras plus vite que les autres « ! Bien, mais cassé quand même !
    Certes il faut lire, sans cesse pour comprendre et pour se faire respecter. Beaucoup de salariés savent le faire mais ce n’est pas enseigné alors que les patrons ont construits les outils pour dresser les corps. Ce n’est pas enseigné quoiqu’il y a de plus en plus de formations syndicales offertes par les organisations. Être syndiqué c’est bien mais avoir un rôle dans la défense de la santé et des intérêts des travailleurs, c’est faire du travail un objet de connaissance et se poser la question : qu’est ce qui se passe au travail ? Que deviennent les humains dans cette situation, qu’en attendent ils? Le travail appartient à ceux qui le pratiquent et cette expérience qui par ailleurs nous permet de vivre, ne devrait pas se terminer sur des burnout ou des dépressions.
    Il y a forcément un moment où on finit par le détester ce travail : quand la poste décide par exemple de supprimer le courrier postal pour le remplacer par sa version numérique.
    comme disait Yves Clot (psychologue du travail, et enseigne au CNAM) :  » il n’y a pas de bien être sans bien faire » et le bien faire dans la chambre du patient, c’est le salarié qui l’incarne.
    Je répondais à une aide soignante qui n’arrivait pas à tout faire et qui se plaignait du manque de personnel , qu’elle n’avait pas toute seule la solution et la situation doit être connue par d’autres qui ont affaire dans cette entreprise de soin. c’est à dire les chefs, la cuisine, la direction, les élus du personnel. Et il faut collectivement aller le dire tous les jours.
    Cette personne est en situation de pré burnout, sa pression artérielle ne cesse de monter, elle ne tire aucune satisfaction de ce qu’elle fait.. Cette situation de travail est donc toxique et porte atteinte à sa santé. Elle pourrait dire alors, afin d’éviter des complications et une maladie coronarienne : voilà, je ne peux pas sans risque, m’occuper de 15 patients mais seulement de 10. Le dire au cadre, au responsable syndical, au médecin. C’est tout. Le pouvoir d’agir c’est de reprendre la parole sur son activité.
    La direction : « on va la changer de service ». Sans avis médical et demande de l’intéressé, c’est du harcèlement car elle sait qu’ailleurs c’est pareil. Faire une grève qui va se dissiper vite dans la désorganisation du service oui mais il faut continuer de creuser et de parler du travail au directeur, au RH. Ça marche.
    Dans le monde de l’entreprise, à l’hôpital, il y a plusieurs points de vue sur les choses, il faut en parler. https://www.qwant.com/?client=brz-moz&t=videos&q=yves+clot+le+sens+du+travail&o=1%3AFq8oURNuVIk

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