En Haute-Loire, entre Le Pertuis et Saint-Hostien, c’est une bataille pour le Vivant qui se joue depuis 3 ans. En effet, un projet de déviation vieux de 30 ans a été remis au goût du jour par Laurent Wauquiez, sur ses terres électorales. Il s’agit de construire une déviation 2×2 voies sur la RN88. Si le chantier a été validé fin 2020, sa concrétisation est une véritable catastrophe pour le paysage, l’écosystème et les habitants tout autour. Au menu, la destruction de 140 hectares d’espaces naturels, forestiers et agricoles, un impact négatif sur 29 fermes et 20ha de zones humides, des cours d’eau déplacés et des sources d’eau potable détruites. Sans oublier 100 espèces animales et végétales protégées qui se trouvent sur le tracé, le tout pour un coût exorbitant et un gain de temps ridicule.
Stop RN88
Sur place, habitants, citoyens, militants et agriculteurs s’unissent pour dénoncer le projet et proposer des alternatives. Une initiative d’autant plus importante qu’une nouvelle Déclaration d’Utilité Publique est en cours d’instruction. La manœuvre pourrait, si elle fonctionne, légitimer l’expropriation de ceux qui ne veulent pas vendre leurs terres. Mais l’enquête se fait en catimini, pendant l’été, sans communication et avec un seul accès via le numérique.
L’objectif pour toute arme
Grégoire Delanos est photographe-plasticien. Il entend parler de cette lutte et se rend sur place pour prendre des photos, apporter son soutien et faire connaissance avec les militants et sympathisants. « Je les connais bien maintenant. Au début, tu y vas pour te documenter mais ça a remué des choses en moi. », explique ce dernier.
Francis et Nathalie vivent à 50 mètres de la future route. Un jour, Francis emmène Grégoire se balader. Il lui montre un endroit où lui et sa petite-fille ont l’habitude de s’arrêter pour profiter de l’hospitalité d’un arbre. Mais l’arbre n’y est déjà plus. Pour leur potager, ça sera aussi de l’histoire ancienne. L’eau de source qui coulait pas loin et dont ils se servaient, va être déviée. Grégoire se rend plusieurs fois par an sur place. « Ça me permet de voir ce qui change dans le paysage et de me concentrer aussi sur les détails. ».
Solastalgie
Ce mot sert à décrire la douleur morale causée par la perte irréparable des écosystèmes d’un territoire. C’est le nom qu’a donné Grégoire à son projet. À travers ses photos, il questionne le rapport entre humain et nature. Le photographe travaille avec des techniques alternatives et écologiques. Des techniques qui font intervenir le végétal. Ses photos sont plongées dans un bain composé de terre et de végétaux récupérés sur place. On appelle ça le « Film Soup ». Comme les photos sont en argentique, les microorganismes présents dans les végétaux mangent petit à petit les composants, procédant à la disparition progressive de l’image. « Les images capturent des paysages et utilisent la matière de ces paysages pour disparaître en même temps qu’eux. », résume l’artiste.
Sa série Le Cri est exposé au labo-salle d’expo l’Imaginarium à Clermont-Ferrand jusqu’au 2 septembre.


