« La route n’appartient pas qu’aux voitures ! »

Alors qu'Inspire, grand projet pour les mobilités douces, est en train d'être mis en place et sera effectif dans 2 ans, les cyclistes continuent de se voir les grands oubliés pendant cette période de travaux.

10 ans de retard. La ville de Clermont-Ferrand n’a jamais pris soin de ses cyclistes. Classée 26eme ville par la Fédération des Utilisateurs de la Bicyclette, classée E dans le baromètres des villes et villages marchables, la capitale auvergnate a toujours priorisé les voitures. D’ailleurs, on dénombre peu de bouchons en temps normal sur la ville.

10 ans de retard

En temps normal, car depuis quelques mois, les travaux de rénovation de réseaux de chaleur et du projet Inspire commettent de nombreux ralentissements, notamment sur le boulevard Jean Jaurès et la Côte Blatin. Ici, devrait apparaître le schéma cyclable. Comme la piste cyclable dans les quartiers nord vers la rue sous les Vignes. Une transformation de la ville pour un plus grand confort des vélos.

Malheureusement, les travaux en cours ne suffiront pas. En effet, les clermontois ont pris l’habitude de la voiture, tant son usage est facilité dans la ville. Aussi, on voit des automobilistes râler après les deux-roues. « Pourtant la route n’appartient pas aux voitures » Explique Didier de Vélocités 63. « Le vélo en soi n’est pas dangereux, mais parfois on a peur. »

Conduite à risque des automobilistes

Un cycliste a d’ailleurs installé une Go-pro sur son vélo pour dénoncer les conduites à risque des automobilistes. Certaines vidéos font froid dans le dos. Les automobilistes coupent les pistes cyclables pour stationner sur le trottoir. « Le problème c’est que quand ils ont refait la voirie, ils ont installé une piste cyclable certes, mais ont bétonné entre les arbres, laissant penser qu’il s’agit de places de stationnement. »

L’association Vélocités63, par l’intermédiaire de Didier, un de ses membres actifs trouve aussi que la ville est dangereuse pour les vélos. « Il faut prendre en compte le contexte historique, nous avons un retard de 10 ans par rapport aux autres villes. Nous avons donné trop de place à la voiture. 90% de l’espace public est destiné aux voitures. Nous avons rencontré des personnes âgées, des personnes à mobilité réduite qui n’osent plus sortir. »

Cohabitation routière

Pour l’association, les travaux étaient donc une nécessité. « Mais, la période est assez dangereuse pour les cyclistes. Nous sommes dans la période critique où les automobilistes n’ont pas encore l’habitude de cohabiter avec les vélos. On appelle cela la masse critique. Plus il y aura de vélos, plus les automobilistes apprendront à faire attention. »

Pauline vient de Lyon. Elle s’est installée en Auvergne pendant le printemps. « C’est fou, Lyon est une ville plus grande, mais je n’ai jamais vu autant de voitures qu’ici. » Elle part travailler en vélo électrique. « Les pistes cyclables sont défoncées. Parfois, elles s’arrêtent d’un coup. Il faut vraiment faire quelque chose. »

La polémique du 30 km/H

Ainsi, le projet Inspire devrait améliorer le sort des cyclistes. Pas suffisant explique JB. « Ils ont fait une piste cyclable boulevard Lafayette. Soit. Mais, elle n’est que dans un sens. Dans le sens descendant, il faut rouler sur la route avec les voitures. Sauf que c’est rester à 50. C’est super dangereux. Du coup, les cyclistes prennent la piste cyclable à l’envers pour être sécurisés. Sauf que c’est interdit. »

Autre problématique désignée par Vélocité 63 : « On se rend compte que l’arrivée des pistes cyclables, ça prend du temps à être accepté. Par exemple, devant les Volcans, boulevard François Mitterrand, La piste cyclable était envahie de piétons. Avec les travaux, mais aussi le prix de l’essence, la prise de conscience climatique, nous avons beaucoup plus de cyclistes, et du coup, les piétons ont compris qu’un espace leur était réservé. En fait, la sécurité se fait par le nombre. »

Des pistes trop abîmées

Vélocités 63 a été associé au projet Inspire. « Nous sommes une association et nous donnons notre avis. Le projet n’est pas parfait, même si l’intention est plutôt bonne. Nous, nous sommes une association qui bénéficie d’une expertise d’usage. En effet, nous faisons du vélo, nous allons au travail à vélo, nous faisons nos courses à vélo, ou nous emmenons nos enfants à l’école à vélo. »

Alors, ils débriefent sur ce qui ne va pas : Certaines pistes qui incitent à aller sur la chaussée, des pistes cyclables qui montent ou bifurquent pour ne pas gêner la circulation des voitures. « La ville n’a jamais eu la logique vélo. Depuis peu, une équipe de 4 personnes a été mise en place, et ça va mieux. »

Les pistes cyclables pourront être utilisées pour les trottinettes, mais aussi les poussettes ou les fauteuils roulants.

Prise de conscience

« Chaque mois, nous avons une réunion avec le pôle mobilité. » Déclare Didier de Vélocités 63. « Mais ça a changé, avant il n’y avait qu’une personne à temps partiel pour gérer ça. Je pense que les élus ont pris conscience de l’importance des mobilités douces. »

L’association milite aussi pour que les écoles, les collèges forment les jeunes à l’usage du vélo. « Faire du vélo en ville ça fait peur, surtout si tu n’as pas les codes. On propose des formations Savoir Rouler A Vélo, notre vélo-école. »

Pédagogie

En effet, si des infrastructures sont nécessaires, le respect du code de la route est lui aussi indispensable. Or, l’association d’usagers questionne. « Combien d’automobilistes respectent les espaces de sécurité ? »

Antoine, lui, prend le C-vélo dès qu’il le peut. il vit en ville, et estime que ça va plus vite pour ses déplacements. Plus rapide que la voiture ou que la marche. Mais parfois, il a l’impression de faire du VTT. « Descendre Trudaine et Sablon à vélo, c’est se taper des trous tout le long. Il faudra vraiment une réfection du schéma cyclable. »

Un vélo va plus vite qu’une voiture en ville

L’association Vélocités confirme que les déplacements en ville sont plus rapides à vélo. « 30KM/H sur un vélo, c’est largement jouable en descente ou sur plat. Souvent, ce sont les voitures qui ralentissent les vélos en ville. En plus, on n’a pas de problème de stationnement. On gagne un temps fou. »

Des communes à l’arrêt

Malheureusement, des villes ne jouent pas le jeu du schéma cyclable voté par l’ensemble des communes de la métropole. Et certaines refusent même toutes les mobilités liées à Inspire, dont le bus en site propre. En exemple, Chamalières. On sent l’agacement de Didier. « Le projet Inspire est depuis des années en gestation. Cela fait des années qu’on fait des réunions, le schéma cyclable date de 2018. Par rapport à d’autres villes, on est encore en retard. »

D’ailleurs, les villes n’ont plus vraiment de choix. La loi LOM impose qu’à chaque aménagement de voirie, une piste cyclable soit installée. « Chamalières, qui a refusé le projet avenue de Royat, sera de toutes façons obligés de s’y mettre. »

2 voitures pour 1 vélo

L’association a déjà noté l’augmentation du nombre de vélos dans la ville. « On part tellement de très loin. » En 2022, pourtant, devant la maison de la culture, un comptage avait été fait. Pour deux voitures qui passent, il y a un vélo. « Ce qui n’est pas mal, mais les voitures provoquaient les bouchons, le bruit, la pollution. Le vélo reste discret, silencieux. Et on n’a l’impression que la piste cyclable est vide en plus ! »

Pour JB, le problème reste le manque de sécurité pour les cyclistes. « Quand on construit une piste cyclable, on devrait se dire : Est-ce que je laissera mon enfant de 12 ans aller à l’école dessus, en novembre, à 17H ? Pour la majorité des pistes en cours, c’est non. C’est trop dangereux. Certes, les automobilistes ont leurs responsabilités là-dedans, mais pas que. Il faut aller plus loin pour la sécurité des vélos. »

Accident évité

JB fait donc la chasse à tout ce qui ne va pas, en se baladant partout dans la ville. « Il faut enlever ses 50 km/heure en ville, c’est une aberration. A cette allure, 0% de chance de survie pour un piéton. A 30 KM/H, 80 % de chance de survie. Ca ne se discute même pas ! Or, tous les grands axes sont encore à 50 KM/H, Dolet, Libération, Mermoz… »

Il dénombre les accidents, les morts. « En 2021, un cycliste est mort avenue Jean Mermoz, la chaussée y a été refaite sans aucun aménagement… »

JB l’assume, c’est un ancien motard, il n’avait jamais pris conscience de la vulnérabilité des cyclistes. « Je fais 100 kilos et pourtant, sur mon vélo je suis en danger. » Il regrette que les infractions ne soient pas plus sanctionnées.

GCUM

Un nouveau mot est venu ternir l’image des automobilistes. « GCUM » Garé Comme Une Merde. JB en fait la chasse. « Des gens posent leur voiture n’importe où, sauf qu’ils mettent les autres en danger. Parfois, ils sont sur une piste cyclable, parfois sur le trottoir. »

JB a des enfants. Pour lui, les trajets pour se rendre à l’école devraient être prioritaires. « Il existe le Plan de Déplacement d’Etablissement Scolaire. Il faudrait l’appliquer à Clermont, analyser les chemins pris par les piétons et les vélos afin de sécuriser les trajets, faire ralentir les voitures. »

Cependant, JB s’accorde à dire lui aussi, que Clermont est encore dans une logique de « Tout Bagnole ». « Quand ils ramassent les feuilles mortes, les agents les mettent sur la piste cyclable….Ca veut tout dire du manque d’approche qu’on a par rapport au vélo dans cette ville… »

Loi et bon sens

Antoine s’est fait quelques frayeurs à vélo. Pauline attend beaucoup des travaux. JB trouve qu’il faudrait faire encore plus. L’association Vélocités63 continue de travailler au côté de la mairie pour tenter d’éduquer les élus et les décideurs à une ville plus accès au vélo. Tous s’accordent à dire qu’il n’y a plus le choix. La loi mais aussi le bon sens font en sorte que les mobilités douces ne sont pas un choix mais une nécessité pour le monde de demain.

A Clermont, il reste beaucoup à faire. Rattraper le retard de 10 ans. Habituer les voitures à la cohabitation. Faire de la pédagogie et de l’apprentissage envers les usagers de vélo. Responsabiliser les élus des communes. Changer les habitudes et comportements. « Il ne faut pas que nos déplacements soient chaque jour un risque à prendre. »

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