Il ne faudrait pas que les fiches Bristol soient roses. Ca la foutrait mal, alors que l’assistance est convaincue de l’éducation genrée de la société.
Elles seront jaunes et s’empileront sur le bureau. Parce qu’il y a du boulot.
Karine Plassard m’a demandé d’animer 3 tables rondes, et 3 émissions de radio, sur deux jours.
« Un truc un peu intimiste » m’annonce-t-elle, il y a deux mois.
Mais samedi, à 11 heures, heure officielle de l’inauguration, c’est une centaine de personnes qui écoutent, émus, la magnifique prestation de Maelig Leguern, comédienne. Elle devient sous nos yeux, Gisèle Halimi. Le texte poignant, les yeux pétillants, Maé captive son auditoire, du haut de son balcon au 25 rue Lucie et Raymond Aubrac. (Adresse officielle du 25 Gisèle Halimi)
Puis, sous les regards encore embués, l’oreille attendrie par l’hymne des femmes, le grand rideau noir tombe. La fresque sublime du graffeur Keymi représente le visage de Gisèle Halimi, cette célèbre avocate qui s’est battue dès son plus jeune âge pour l’égalité hommes/femmes.
Le maire, Olivier Bianchi, la députée Marianne Maximi, la Sénatrice Marion Canalès, le préfet Joël Mathurin, et bien sûr, l’adjointe chargée du droit des femmes Magali Gallais se tiennent sur l’estrade de la grande salle du nouveau bâtiment.
Les discours s’enchaînent. Katy d’Osez le Féminisme rend hommage à Karine Plassard, à l’initiative du projet avec ses consoeurs de la mission Egalité de la municipalité.
On boit un verre, on grignote un truc.
Et moi, je révise mes fiches. Laurence Rossignol, ancienne ministre de la famille et du droit des femmes, me dit de raccourcir sa présentation. « On est là pour parler. Si les gens veulent savoir ce qu’on a fait, ils iront sur Wikipédia. » Me dit-elle en barrant la moitié d’une fiche Bristol.
Najat Vallaud Belkacem, ancienne Ministre du droit des femmes, sourit à côté, alors que Laurence Cohen s’installe sur l’estrade.
Car la première table ronde regroupe des femmes politiques. Toutes ont joué un rôle dans le combat pour l’égalité. Michèle André, ministre sous Rocard, s’auto-définit comme la vieille du groupe. « Je me rends compte du chemin parcouru et de celui qu’il reste à faire. »
Magali Gallais reconnaît que le droit des femmes n’est qu’un petit budget que des hommes s’accordent à allouer et que c’est loin d’être suffisant.
Elles ponctuent toutes leurs discours par des anecdotes qui démontrent encore le sexisme dans tous les milieux.
Le combat avance malgré tout, et parfois recule. Notamment à cause des réseaux sociaux, qui parfois permettent de dénoncer des actes violents, mais aussi d’harceler, injurier et diffamer.
Laurence Cohen et Laurence Rossignol, quant à elles, travaillent sur la question de la pornographie. « Une façon de réduire la femme en objet et de faire penser aux jeunes hommes que c’est ça la sexualité. » Explique Laurence Cohen.
Une heure, c’est bien trop court. J’en veux pour preuve les sms de Karine que je reçois en pleine conférence. « Il faut arrêter, Najat et Laurence ont un train dans une demie-heure. »
Les personnes, toujours une centaine, venues assister au débat, prennent la parole, pendant que l’autre table ronde s’installe.
Après avoir parlé du pouvoir politique, on s’interroge avec la présidente du tribunal, une gendarme de la maison de la protection des familles et une avocate sur ce qui est mis en place à Clermont-Ferrand.
Car la capitale auvergnate regorge de ressources. Des audiences au tribunal sont dédiées aux violences faites aux femmes. Catherine Grosjean est là pour en témoigner. Présidente du tribunal, elle raconte ces audiences avec des magistrats formés, des délais d’attente plus courts (6 mois maximum) et une prise en charge complète dès le dépôt de plainte.
D’ailleurs, à ses côtés, une femme en uniforme parle de son rôle dans une unité spécifique de la gendarmerie. « La maison de protection des familles. »
C’est elle, qui recueille, en premier, la parole de la victime. Spécialisée dans la prise en charge des violences intrafamiliales, elle est aussi en lien avec le proches, les enfants. Car, la violence est souvent globale et provoque des dommages collatéraux.
Maître Vian, ancienne bâtonnière, et avocate, raconte combien la mise en confiance est longue. « Il n’est pas simple pour la victime d’aller jusqu’au bout. Surtout qu’il ne faut pas laisser de faux espoirs. On n’obtient pas toujours une condamnation au bout… »
Toutes sont des femmes. D’ailleurs, Karine, gendarme s’en amuse. « Quand j’ai eu le concours, on m’a demandé si comme mes homologues masculins, j’allais avoir droit à une arme. »
Le public a besoin de réponses. De nombreuses questions fusent. De nombreuses victimes, dans la salle.
La troisième table ronde présente les différentes associations qiu seront présentes au 25 Gisèle Halimi.
AVEC 63, association d’aide aux victimes.
Le planning familial avec son pôle santé et particulièrement ses rendez-vous gynécologiques.
Le CIDFF 63 qui conseille juridiquement et propose de nombreux ateliers.
Et bien sûr, la mission Egalité de la mairie de Clermont-Ferrand.
Toutes racontent la nécessité d’un lieu commun, pour rendre plus accessible le parcours de la combattante, pour mieux travailler ensemble, pour qu’aucune victime ne reparte sans réponse.
Le lendemain, pendant que Titiou Lecoq tient sa conférence dans la grande salle, Antoine et moi mettons en place notre studio radio.
Car, en ce dimanche de novembre, d’autres femmes ont la parole. 3 émissions radio vont s’enchaîner de 15 heures à 18 heures.
D’abord, on va parler du combat féministe avec Osez le féminisme et Femmes solidaires.
Voici ici l’émission :
Ensuite, nous retrouverons des militantes qui se battent dans l’accompagnement des femmes dans les quartiers de la ville.
Et enfin, la troisième émission questionne le féminisme dans l’action militante, et la position des femmes dans les syndicats ou associations.
Après ces 3 heures d’émission, et un concert « Girl, girl, girl », les portes du 25 Gisèle Halimi se sont refermées. Elles rouvriront le 18 décembre, après l’installation définitive des associations. Ici, la sororité sera de mise, la protection, la bienveillance, la bonne humeur. Ainsi, résonneront les mots de Gisèle Halimi. Ceux qui dirent à peu près ceci: « J’avais en moi, une rage, une force sauvage, je voulais me sauver. » Nous souhaitons la même pugnacité à ce lieu et à ces femmes qui lui ouvriront la porte.