Les faits. Juste les faits. Sur la vidéo, sans montage, on entend et on voit des policiers.
Une voiture jaune est arrêtée. Un policier tient en joug le conducteur. L’arme pointe directement sur lui. Un autre policier à ses côtés. On entend « Je vais te mettre une balle en pleine tête. » A ce moment-là, la voiture redémarre. « Shoote-le ». On entend le tir. Une autre vidéo filme la scène des quelques secondes suivantes : La voiture encastrée, et fumante.
Voici les faits. Peu importe le prix de la voiture, l’âge ou le sexe du conducteur, les raisons de l’arrestation, le casier judiciaire de la victime, la vie privée des policiers, leur âge, leurs idées politiques.
Sur la vidéo, il ne reste que les faits : Un policier a tiré à bout portant sur un conducteur qui ne lui fonçait pas dessus, qui n’avait pas l’intention de le tuer.
Mais depuis, tout a été dit. Et c’est ça qui a fini d’écœurer les quartiers endeuillés. Malgré les faits filmés, on cherche à détourner le regard et à atténuer la responsabilité de la police.
La victime finalement n’était pas si bien que ça. Un gosse de 17 ans à bord d’une Mercedes louée. Nahel n’est plus la victime, il devient le coupable. il représente « la racaille ». On lit même sur les réseaux « Bien fait », « je n’irai pas le pleurer celui-là ».
Mais la loi n’est-elle pas la même pour tout le monde ? La police peut-elle donc tuer, puisque certaines vies ne valent pas grand-chose ?
Sur les plateaux télé, ça s’agite donc. Le policier n’a pas fait exprès. Enfin si, mais quand même le gosse en était à plusieurs infractions ? Et ? Il est donc permis de tuer ?
La victime avait 17 ans ce qui donne au meurtre une dimension affective encore plus importante. Ce n’était qu’un gosse. Il vivait seul avec sa mère. Des conneries, il allait en faire d’autres. Se mettre en danger, c’est le propre de l’adolescence. Dans les faits, oui restons dans les faits, il était en infraction, mais a-t-on remis la peine de mort ? Est-ce aux policiers de décider si les infractions méritent une balle en plein coeur ?
On ne tue pas quand on est un être humain. Même quand on fait un métier avec une arme. On ne tue pas.
Etre policier, cela pourrait être un métier noble, pour défendre la population. Pour la protéger. « Attention, mon petit gars, là, tu roules trop vite, tu risques l’accident, tu risques de te faire mal ou blesser quelqu’un. » Voilà ce que devrait dire un policier. « je suis là pour toi, pour que tu n’ailles pas te foutre dans le décor, pour que tu ne tues personne. »
Il n’est pas là pour tirer, le policier. Il n’est pas là pour faire peur. Il n’est pas là pour faire la loi, mais pour la faire respecter.
Est-ce un acte raciste ? Est-ce un acte guidé par la peur ?
Restons dans les faits.
Nahel est mort, après un refus d’obtempérer.
Et tout a été filmé.
C’est ce qu’il a manqué dans les histoires de violences policières où la justice a toujours pris en compte la parole de la police et remis en cause la parole de la famille des victimes voire même des témoins.
Mais, là, ce ne sera pas possible. Le policier n’était pas en danger. Nael n’était pas armé. Nahël ne lui fonçait pas dessus.
Le policier a peut-être paniqué. Mais, n’est-ce pas son métier que de se maîtriser et d’effectuer une interpellation sans tuer ? Restons-en aux faits : Il a tiré. Une balle en plein coeur. Pas dans les roues du véhicule pour l’immobiliser. Non dans un être humain. De 17 ans, non armé, et tenu en joug. Sûrement un peu paniqué, lui pour le coup. Le canon du flingue est face à lui durant toute l’interpellation. Difficile dans ces conditions de rester zen. Car, lui c’était pas son métier d’être arrêté, et d’entendre » je vais te mettre une balle en pleine tête. »
D’ailleurs, c’est à ce moment-là qu’il a redémarré. Comme s’il savait le flic capable de tirer. Comme s’il se savait en danger. Mais, la police n’est-elle pas là pour protéger ?
Nahel est mort, c’est un fait.
Le policier lui a tiré dessus, c’est un fait.
Tout a été filmé, personne ne pourra inventer. Le cirque médiatique peut bien continuer. Un policier a tué un jeune homme. Un policier l’a tenu en joug et a tiré à bout portant. Son confrère a dit « shoote-le ». Le policier avant ça l’a menacé: » Je vais te mettre une balle en pleine tête. »
Il ne devrait pas y avoir de débat.
Mais il y en a.
Alors, depuis deux nuits, les quartiers mettent le feu. Parce que malgré les preuves, malgré les images, le son, malgré les vidéos, on trouve des circonstances atténuantes à la police.
On imagine que plus tard, il faudra questionner ce métier malade. Des agents à bout, pas assez formés, trop armés. un métier dangereux pour tout le monde. Ceux qui le font, ceux qui le subissent.
Il faudra vraiment, que cela questionne.
Mais, pour l’instant, la colère des quartiers semble si légitime. Car, il faut être clair et rester dans les faits, les victimes de la police ne viennent guère des beaux quartiers. Non pas que là-bas, il n’existe pas de crimes ni de délits.
A Clermont-Ferrand, cette nuit, les quartiers ont un peu brûlé. Beaucoup de containers, quelques voitures ont été incendiées du côté de Croix-de-Neyrat. aux Vergnes, on a même tenté de brûler l’arrière du chateau.
A Saint-Jacques, les jeunes sont sortis affronter les forces de l’ordre.
Et tous de crier au scandale et à la violence.
Mais où est la violence ?
N’est-elle pas dans ces enfants assassinés à bout portant ?
N’est-elle pas devant les vidéos du meurtre mais de la remise en question des images sur les plateaux télé ?
N’est-elle pas dans le tribunal populaire que sont les réseaux sociaux et qui se permettent d’écrire « un de moins » sans que le commentaire ne soit effacé ?
N’est-elle pas dans le nombre croissant de victimes de violences policières ? Majoritairement des quartiers populaires ?
N’est-elle pas dans les circonstances atténuantes que l’on finit toujours par trouver aux forces de l’ordre ?
Nahel est mort. C’est un fait. Tué à bout portant par un policier qui n’était pas en danger. C’est un fait.
Il aurait pu être un sale garnement, un adorable gosse, un gamin des quartiers ou un fils de bourgeois. Peu importe. Nael est mort, c’est un fait.
Le reste n’est rien d’autre que du cirque médiatique.
Ce soir, un rassemblement a lieu à 20 heures place de Jaude contre le racisme et les violences policières.
2 réflexions sur “Nahel et le monde médiatique”
Bien qu’on ne puisse que regretter la mort d’un jeune. On regrette encore plus la perte de beaucoup de valeurs sociales. qui font perdre aux jeunes les repères essentiels…
Ce sont des articles comme celui-ci qui font que je ne suis plus actionnaire et qui font monter le front national.
Le soulèvement de Nanterre et plus.
Je pense que les jeunes peuvent s’embraser aussi vite qu’un incendie dans les forêts des Canada.
La mort tragique d’un jeune dans des circonstances telles que le drame, comme l’incendie ne pouvait pas ne pas se produire : mais ces circonstances, seules la justice pourra en faire un récit, dans quelques mois. Faut il attendre ce moment ou se passer de cette institution ?
Or je vois que l’on pourrait se passer du dispositif judiciaire comme si la colère allait le faire à sa place et rendre son verdict ; » il ne devrait pas y avoir de débat ».
Prompt à ne pas attiser plus la colère montante, le gouvernement a choisi de faire porter la charge du drame sur le seul policier et son collègue.
C’est habile car le doute ou le flou aurait été une raison de plus à l’embrasement des jeunes en colère.
De toute façon, la réaction sociale violente et limitée à la jeunesse des quartiers comme on dit, était attendue mais combien de temps va t’elle devoir se montrer : jusqu’aux obsèques du jeune. Il manque un maillon entre cette colère et l’état. Le dialogue est il aussi impossible et inavouable du coté du gouvernement qui a déjà qualifier de sauvages cette citoyenneté en devenir!
On aurait pu éviter, par contre l’instrumentalisation du drame aussi bien par les réseaux sociaux que par les médias qui se relaient pour dénoncer la violence policière, la colère des jeunes et plus grave, qui veulent dire la vérité sur ce qui s’est passé.
Aucun journaliste ne possède ce pouvoir en si peu de temps, sauf les sensationnaliste ,d’aider à comprendre ce qui s’est passé ce matin.
« On patauge en permanence dans une bouillie de réactions et d’indignations qui nous tire vers des émotions de plus en plus incontrôlables, primitives et bestiales » …Riss Charlie hebdo juin 2023.
Donc un peu plus de distance ne serait pas inutile quitte à continuer l’enquête journalistique par des moyens reconnus comme des témoignages ; des expertises et des reportages à l’exemple de ceux dans les centres éducatifs renforcés.
La vidéo et le son seront des éléments de ce travail visant à savoir mais n’oublions pas le rôle du juge d’instruction en charge de cette effroyable affaire. Ce temps long est il inutile ? La justice est faite comme disait Michel Foucault pour mettre un terme à un évènement et en dire quelque chose qui n’est pas la vérité.
Que des élus politiques de gauche se saisissent de l’occasion pour demander une abrogation de certaines dispositions en rapport avec le maintien de l’ordre , d’accord mais attiser les feux de poubelles (un député du Nord) , de voitures et de biens publics est politiquement irresponsables et dangereux. C’est même complétement ridicule de croire que la justice devrait s’exercer dans le chaos.
Seul le RN en tirera les marrons du feu dans quelques années. Il se servira de ce drame et de ses conséquences.