Sur la commune de Besson, à quelques kilomètres de Moulins-Sur-Allier, se trouve un des quatre châteaux du prince Charles-Henri de Bourbon-Parme-Lobkowicz. Ami de Stéphane Bern, il a prêté sa demeure, le château de Fourchaud, pour l’organisation du camp d’été d’Action Française.
Université d’été
Le camp d’été Maxime Réal Del Sarte (nom d’un sculpteur et militant de l’Action Française) est destiné aux royalistes de 15 à 35 ans et propose de nombreuses conférences et différents ateliers.
Parmi les invités, on retrouve Jean-Paul Gourevitch, professeur, célèbre dans sa dénonciation du coût de l’immigration et très prisé par l’extrême-droite. Mais aussi, Benoît Dakin, avocat, Yannick Jaffré anthropologue qui a analysé le phénomène des Gilets jaunes, ou encore Hilaire de Cremiers, grande figure de l’ Action Française.
Les débuts contre Dreyfus
Une semaine donc de rencontres mais aussi de formations pour un mouvement politique nationaliste et royaliste d’Extrême-droite, né en 1899.
C’est en pleine affaire Dreyfus que Maurice Pujo et Henri Vaugeois, anti-dreyfusards, créent le mouvement, ainsi qu’une revue qui accompagne et décrit les pensées de l’Action Française.
Mais c’est Charles Maurras qui sera une figure emblématique du mouvement. Un mouvement qui se veut antisémite, hostile à la démocratie et surtout, qui estime que Dreyfus est un juif traitre.
L’Action Française est d’ailleurs condamnée à plusieurs reprises à cette époque pour diffamation sur l’affaire Dreyfus qu’elle aime à réviser.
Maurras, figure emblématique de l’Action Française
Pour Maurras, chacun est le descendant du roi et il veut rétablir les fondements de l’Etat, de l’armée, de la magistrature et de l’Eglise. Il entend lutter contre les étrangers, les nomades, les juifs, les protestants, les francs-maçons, et les « métèques. »
Maurras insuffle ainsi une nouvelle idéologie : Le nationalisme intégral en prônant la monarchie.
D’ailleurs, il estime que pour pouvoir voter, il faut recevoir une formation. Il s’oppose ainsi au suffrage universel. Il soutient cependant le droit de vote des femmes dès 1919, car selon lui, elles sont plus sensibles aux arguments traditionalistes et catholiques.
Antisémitisme
En 1905, lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la ligue de l’Action Française propose des lois et des textes contre les juifs. Elle estime que « cette population » doit être dénaturalisée ou restreinte dans le milieu professionnel. Idée qui inspirera le régime de Vichy, quelques années plus tard.
Dans les années 20, la revue Action Française subit des pertes incroyables. Près de 5 millions de francs par an. François Coty, alors milliardaires, renflouera les caisses. Pourtant, le mouvement attire de plus en plus l’élite catholique et la jeunesse de droite.
Les camelots du Roi
Une branche dure se crée à peu près à cette même époque : Les Camelots du Roi. Ce groupuscule n’hésite pas à violenter les juifs, à agresser des professeurs qui remettent en question leurs théories sur la monarchie ou l’affaire Dreyfus. Ils saccagent aussi des pièces de théâtre.
A l’inverse, des attentats sont commis contre l’Action Française qui déplore plusieurs victimes.
Agression contre Léon Blum
Lors de l’enterrement de l’un des leurs, Jacques Bainville, mort d’un ulcère, des adhérents prennent à parti Léon Blum, qui se trouve à quelques encablures, et qui sera sauvé in extrémis par des ouvriers, alors qu’il a le visage en sang. Son chapeau sera retrouvé dans le local de l’Action Française.
Maurras, en parlant de la figure du socialisme et du Front populaire, déclarera « Blum, ce détritus humains, à fusiller, mais dans le dos. »
Soutien à Franco
Dans les années 30, Maurras se fascine pour le fascisme italien mais s’en éloigne un peu à cause d’un trop grand rôle de l’Etat que veut imposer Mussolini. Il salue aussi la victoire de Franco, gage de sécurité contre le communisme et les persécutions contre les catholiques.
Concernant le nazisme, Maurras est plus réticent. Il est contre l’idolâtrie de son Etat, et contre la primauté de la race aryenne, mettant en défaut la race latine. Cependant, il reste totalement indifférent face à la persécution juive. Il soutiendra d’ailleurs Pétain et son gouvernement et restera un anti-Gaulliste jusqu’à sa mort.
A la fin de la seconde Guerre Mondiale, L’Action Française meurt de sa belle mort. Maurras, lui, est condamné à perpétuité. Durant son emprisonnement, il reconnaîtra ses erreurs de jugement sur la résistance, mais continuera à crier sa haine des juifs. Il meurt le 16 novembre 1952.
Restauration nationale
En 1955, naît la Restauration Nationale (RN), par Pierre Juhel et Louis Olivier de Roux, issus des Camelots du Roi. Elle prend position pour l’Algérie Française et est en faveur de l’Organisation de l’Armées Secrète. (OAS).
Pendant les mouvements de 68, la RN essaie de récupérer la colère des manifestants. En vain.
Dans les années 70, une nouvelle scission fait naître la nouvelle Action Française.
Divergences et retrouvailles
De nouvelles divergences voient le jour et dans les années 90, la RN se scinde en deux parties. D’un côté, le centre royaliste d’Action française de Pierre Pujo, et de l’autre la Restauration nationale reprise par Hilaire de Crémiers.
Il faudra attendre 2010, après la mort de Pierre Pujo en 2007, un défilé en mémoire de Jeanne d’Arc et un camp Maxime Real Del Sarte (comme celui organisé dans le bourbonnais la semaine dernière), pour que les deux mouvements se rapprochent.
Entre 2014 et 2022, François Bel-Ker, né à saint Eloy-Les mines, en Auvergne, sera secrétaire général de l’Action Française. Il boostera le mouvement qui atteindra plus de 3000 adhérents. Pour lui, l’Action Française est un laboratoire d’idées et non un parti.
Ancré sur l’échiquier politique à l’extrême-droite
En 2023, l’AF recense un milliers d’adhérents ainsi que des sympathisants. Depuis le 2 septembre, Olivier Perceval en est le nouveau secrétaire général.
Le mouvement se définit encore comme antiparlementaire. Pourtant, en 2022, de nombreux militants ont rejoins la campagne de Zemmour. En 2016, Marion Maréchal était invitée et présente au colloque de l’Action Français. En 2017, les militants ont appelé à voter FN.
Manif pour tous, Gilets Jaunes
L’Action Française a aussi été médiatisée lors des manifs pour tous, se positionnant contre le mariage homosexuel, la GMA et la PMA.
Elle a aussi étoffé les manifestations pour la fermeture des frontières.
GUD et Bastion Social
En 2015-2016, l’Action Française collabore avec le GUD (Groupe Union Défense), organisation étudiante violente d’ultra-droite. Elle rejoindra les marches des Gilets Jaunes puis le Bastion Social, notamment à Marseille en 2018, mais aussi à Clermont-Ferrand où à différentes reprises, nous avons vu les figures locales de l’Action Française auprès des militants violents du Bastion Social.
Violences et racisme
De nombreuses manifestations violentes sont également signées par l’Action Française. En exemple, le 8 octobre 2022, une quinzaine de personnes ont envahi le jardin de la mairie de Stains et menacé des agents municipaux, clamant des propos racistes. « Vous salissez la France. » En cause, les rues des villes renommées par des noms de femmes, dont certaines étrangères.
Ainsi, l’Action Française, même si elle se décrit comme un laboratoire d’idées est aussi un mouvement d’actions directes et parfois violentes. Prônant la monarchie, et toujours nationaliste, le mouvement est bien ancré dans la politique d’Extrême-droite et semble alimenter par son discours les groupuscules violents qui l’entourent.
Ainsi, nous déplorons que l’Action Française, mouvement anti-républicain et antisémite puisse encore programmer ses universités d’été. Qui plus est, en Auvergne…