Et si le train des Volcans reprenait de la voie ?

C'était il y a déjà trop longtemps, le train reliait Clermont-Ferrand au Mont-dore ou Tulle. Mais depuis 2016, la ligne est en attente de travaux. Une association puis une fédération se sont constituées. Recit.

Le rendez-vous est place de la gare au Vauriat, sur la commune de Saint Ours, dans le Puy-de-dôme.

La petite place dort au soleil laissant sa gare habitée et la voie ferrée désertée. Il y a 10 ans encore, les trains y passaient 5 à 6 fois par jour. En 2015, la voie est même refaite. Mais, en 2016, moins d’un an après, les horaires sont décalés et plus personne ne peut utiliser le train.

Cette ligne dessert jusqu’à Laqueuille. Là, 2 solutions s’ouvrent alors : On poursuit sur le Mont-Dore ou sur Tulle.

Cette séparation doit être restaurée, notamment entre Laqueuille et Merlines, environ 25 kilomètres de voies.

Mais, c’est là que le problème survient. Les découpages régionaux de la SNCF ne correspondant pas totalement aux découpages administratifs des régions. Merlines est en Corrèze et appartient donc à la Nouvelle Aquitaine, mais à la SNCF, la commune est sur la région AURA.

Ainsi, la Nouvelle-Aquitaine a pu faire ses travaux jusqu’au kilomètre 514. La région AURA, elle, a refusé de poursuivre, condamnant la voie.

En effet, les investissements sur les réseaux reviennent à la région.

Un homme s’en est alors préoccupé. Christian vit sur la place de la gare du Vauriat. Dans un souci écologique mais aussi de justice sociale pour les personnes vivant dans le monde rural, il conteste l’arrêt de la ligne.

Devant une grande table en lave émaillée, et un thé aux groseilles, l’homme s’agace un tantinet, en caressant son chien de 17 ans d’âge.  » M. Wauquiez n’est pas partisan du train. Il lui préfère l’avion et la voiture. Mais, ici, dans nos campagnes, le chemin de fer est indispensable. » Commence-t-il.

« La région a arrêté la ligne avec de mauvais horaires. Elle pouvait ainsi prétendre que personne ne prenait plus le train. » Fustige l’homme à la chevelure grisonnante.

En fait, ce qui l’énerve Christian, c’est l’investissement pour un contournement de 10 kilomètres au Puy sur la RN 88, qui a coûté 230 millions. « Alors que la région n’a normalement pas les compétences sur les routes. »

Les travaux pour les 25 kilomètres abîmés reviendraient à un investissement de 50 à 60 millions d’euros. « L’équivalent de 3 kilomètres d’autoroute. Donc tout est une question de volonté et de choix. »

Alors, Christian se retourne les manches. D’abord, avec quelques copains convaincus, il crée l’association Retour du Train des Volcans, en 2023. « On a participé aux événements liés au train. Puis on a créé un collectif réunissant 18 associations qui luttent comme nous sur le retour des voies ferrées rurales. »

En exemple, on y trouve l’association Train 63-42-69. Mais Christian assume : « On a l’impression de prêcher dans le désert. »

Une fédération pour être plus forts et nombreux

Alors, il passe à la vitesse supérieure en créant avec de nombreuses structures La Fédération Agir pour la Ligne Clermont-Le Mont-Dore-Ussel-Tulle. (NDLR : Celle que la journaliste en train d’écrire ce papier, prenait chaque week-end pour aller à l’université de sa Corrèze natale !)

Dans cette fédération, on retrouve de nombreuses communautés de communes : Chavanon Combrailles Volcans, Dôme Sancy Artence, Ventadour Egletons Monédières, Haute-Corrèze Communauté, ainsi que le département de la Corrèze ou le Valtom 63.

Actuellement, la fédération entame des discussions avec la métropole de Clermont, l’agglomération de Tulle et Riom Limagne et Volcans.

« On attend aussi les retours du Parc naturel des Volcans, du département du Puy-de-Dôme, et le parc des Millevaches. » Enumère Christian.

Forte de ses nombreux contributeurs, la fédération souhaite obtenir une réunion avec la région AURA, la région Nouvelle-Aquitaine, les préfectures de région et la SNCF.

Ainsi, Christian reprend espoir. « Les grandes régions, ça ne nous a pas arrangés. Mais, dans cette fédération, les élus représentent les habitants. »

Des salariés et étudiants en souffrance

Et le monde rural crie à la nécessite d’avoir des lignes de trains. En effet, de nombreuses entreprises corréziennes ont fait remonter leurs besoins pour les salariés qui vivent souvent dans le Puy-de-Dôme. « Un gars nous a raconté qu’une de ses salariées mettait la moitié de sa paie dans la voiture. Elle veut continuer à travailler mais elle se pose des questions. »

D’autres arguments sont étayés par la fédération. « Les routes touristiques sont saturées, l’été, ici en Auvergne, par exemple. On pourrait augmenter le tourisme si on pouvait accueillir plus de gens sans voiture, car on manque de places pour créer de parkings, etc. Les voyageurs pourraient arriver en train, descendre dans nos villages, et le tourisme ne s’en porterait que mieux. »

Christian n’oublie pas non plus de parler écologie et rentabilité. « Je crois que le train c’est la colonne vertébrale des transports, ensuite les communautés de communes (en charge de l’organisation de la mobilité sur leurs communes) pourront travailler autour des gares de mettre à disposition des transports en commun, des covoiturages, des stations de vélo ».

De plus, les travaux seraient rapides, moins d’un an. « Et on est sur un bassin de 500 mille personnes quand même. » Christian rappelle qu’à Meymac ou Egletons, des écoles reconnues sont empêchées par le manque de transports.

Alors, il faut voir grand, pour Christian, 3 trains par heure pendant les pointes.

Eloignement et vote RN

Car, un autre enjeu est créé avec le train. L’institut Teram qui étudie les mobilités en milieu rural, a montré dans une de ses dernière études, que plus on s’éloigne d’une gare, plus le vote RN est fort.

Effectivement, en milieu rural, 40 % des jeunes de 18/25 ans vivant a la campagne ont voté pour le parti de Marine Lepen.

« C’est logique » reprend Christian. « Quand on a 20 ans, ici, on ne peut pas avoir accès à la culture, à la diversité, à l’autre. La voiture, c’est devenu trop cher. Nous sommes les oubliés de la république. Nous vivons une véritable discrimination, un sentiment d’injustice. C’est une rupture d’égalité entre les citoyens. J’ai même saisi le Défenseur des droits. » Expose Christian.

Ecologique, rentable et juste

Autre argument que Christian et la fédération aimeraient avancer devant la région AURA : une route doit être refaite tous les 10 ans. On estime que les voies doivent être revues tous les 60 ans. « En 2015, quand ils ont refait la ligne, certains morceaux dataient du 19eme… »

Aujourd’hui, 2 fois par semaine, les sources du mont-Dore utilisent la ligne pour le FRET, et le transport de ses bouteilles d’eau. Ce sont les seuls trains que Christian voit passer par sa fenêtre. « Ca évite 2500 camions, c’est énorme, non ? »

Ainsi, les chiffres parlent. La France est le dernier pays d’Europe à mettre de l’argent dans le train par habitant. Mais, Elle est championne du monde de la ponctualité. Si, si. Bon seules deux lignes font défaut, dont la Clermont-Paris, avec son point noir à Montargis.

Question politique

Christian caresse le vieux chien, débarrasse sa tasse Mickey, comme le vieil enfant qu’il est resté. Il veut montrer sa dernière invention. Sa propre voiture électrique réalisée quasi tout en récup, en collaboration avec l’ADEME. Un an et demi qu’il bosse dessus. « Elle peut monter à 80! »

Parce que c’est important l’écologie pour l’auvergnat. D’ailleurs le Train des Volcans pourrait être un TELLI, un train léger innovant, sur batterie, rechargé en gare.

Reste cette réunion avec la région. « Elle est la seule décisionnaire, même si nous sommes nombreux et que nous avons les bons arguments. » Car, Christian y croit à une meilleure justice sociale et écologique, et pour lui, cela passe aussi par le train.

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4 réflexions sur “Et si le train des Volcans reprenait de la voie ?”

  1. Même problématique sur Billom et le territoire de la communauté de Communes.
    Voici l’extrait du communiqué de presse.
    Urgence pour les transports en commun à Billom.
    Création d’une association citoyenne pour le développement des transports en commun.

    Des citoyens de Billom et des villages voisins ont créé une association pour le développement des transports collectifs pour Billom et les villages voisins.

    L’association citoyenne pour le développement de transports en commun entre Billom, les villages voisins et Clermont Ferrand a vu le jour le 28 mai dernier à l’initiative d’une cinquante d’habitants.

    Ce que voulons :
    Clermont-Ferrand via Cournon : développement des lignes de bus et création d’une nouvelle ligne Billom/Cournon. Création d’un parking-relais à l’entrée de Pérignat-sur-Allier.

    Billom-Clermont-Ferrand, grâce à la réouverture au trafic usagers de la voie de train entre Billom et Chignat qui permettra de rejoindre la gare de Clermont-Ferrand en moins de 30 min.

    Le déficit de transports en commun est le premier problème des habitants de notre territoire. Sans voiture, les déplacements professionnels, médicaux voire scolaire (le service laissant à désirer) sont très aléatoires voire impossibles pour 9% des personnes interrogées soit 2055 personnes (ce chiffre est sans doute minoré puisque le nombre de personnes âgées interrogées est inférieur à ce qu’il devrait être).

    Quelques chiffres* :
    57 % des habitants du territoire de Billom communauté sont contraints de disposer d’au moins deux voitures.

    31% des déplacements concernent le travail. 69% de ces trajets sont réalisés en voiture.
    22% des déplacements concernent des activités sportives, des loisirs, des démarches, des promenades)
    19% des trajets concernent les achats
    15% des déplacements d’accompagnement (jeunes mineurs, personnes âgées, malades, etc.)
    12% des déplacements vers une école, une université (en principe organisés par la Région)

    Le temps consacré aux déplacements augmente : 59 min. aujourd’hui contre 51 min. en 2012. Les déplacements domicile-travail sont les plus longs (10 min. de plus que la moyenne).

    Malgré la faiblesse des transports en commun : 7% des déplacements s’effectuent en transports collectifs.

    *Grande enquête mobilité 2023/2023 (dite enquête ménage), pilotée par le SMTC (syndicat mixte de transports en commun)

    Par ailleurs, une enquête de l’institut Terram/ Chemin d’avenir vient de révéler l’ampleur pour les jeunes ruraux du déficit de transports collectifs.

    Quelques chiffres

    Les jeunes ruraux de 18 ans et plus issus de communes très peu denses passent en moyenne 2 h 37 dans les transports chaque jour. C’est 42 minutes de plus que pour les jeunes urbains majeurs. Ce qui les privent de près de trois quarts d’heure en moins par jour pour les loisirs culturels, la pratique sportive ou encore le temps en famille.

    53 % des jeunes ruraux déclarent être mal desservis par le réseau de bus, contre seulement 14 % chez les jeunes urbains, soit 39 points d’écart. Même estimation pour le train, avec 62 % des jeunes ruraux qui s’estiment mal desservis versus 24 % des jeunes urbains. Cette insuffisance des transports en commun provoque mécaniquement une dépendance à la voiture. Les jeunes ruraux sont 69 % à dépendre de la voiture quotidiennement, contre 31 % des urbains, et ce pour tous les domaines de leur vie : travailler, se rendre en cours, en stage, recevoir des soins, etc.

    CONTACT
    transcoBillom@gmail.com

    Ce serait intéressant de pouvoir se rencontrer avec Christian.

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