« On n’a pas l’habitude de faire grève quand on gagne un SMIC, parce que tu vois aujourd’hui, je perds 80 euros. Et la direction, elle compte sur notre misère pour gagner la bataille. » Explique une préparatrice de commande. Mère célibataire, elle se lève chaque matin, à 4H30 pour se rendre au travail, de 6 heures à 13H30, dans des conditions indignes. Pas de chauffage, pas de ventilation, une pause de 30 minutes. Tout ceci dans une pression indescriptible. « Notre travail consiste à mettre des colis sur des palettes, pour les camions. » Sauf que, la direction a décidé que chaque jour, chaque salarié devait mettre en palette plus de 800 colis. « Si on y arrive, au bout de 3 mois, on obtiendra une prime nette de 800 euros. »
Parfois, il s’agit de mettre en palette des bouteilles, des cartons de bidons de lessive. « Dans l’entreprise, le turn-over est énorme. Moi je forme des nouveaux salariés, et rien que dans ma cellule, ce sont 2 personnes par mois. »
Il faut dire que si le travail est difficile, le salaire est loin d’être alléchant. Le Smic. 1300 euros. 3 fois moins que les cadres qui regardent le piquet de grève en fumant des cigarettes des terrasses de leurs bureaux flambants neuf.
« Nous, nous travaillons dans des entrepôts sans fenêtre ni chauffage. Eux, regardez, c’est le luxe. Et ils ont le droit de fumer des cigarettes quand ils veulent. Moi, j’ai reçu un courrier car j’avais fait une pause de 5 minutes. Je suis allée me prendre un café un jour où j’avais trop froid. »
Lutte des classes
On ressent ici le gouffre entre les ouvriers et la direction. D’ailleurs certains « détails » ne trahissent pas. La hiérarchie a organisé un séminaire avec traiteurs, célébrités invitées, en plein centre du dépôt dans lequel les ouvriers travaillaient. « Nous avions ordre de nous taire, de ne pas faire de bruit, les camions ne devaient pas klaxonner. Nous étions là à travailler pendant qu’ils buvaient le champagne sous nos yeux. »
Alors, les ouvriers semblent en droit de demander une augmentation. « Nous voulons 15% d’augmentation pour pallier l’inflation. Avec 1300 euros, tu ne vis pas, et nous contrairement à nos chefs, nous n’avons pas de voiture de fonction, nous payons notre essence et l’assurance de nos voitures pour venir travailler. »
Une entreprise qui va bien
De plus, l’entreprise va bien. Très bien même. B&M a repris Babou en 2018. Ce célèbre discounter britannique n’a de cesse de s’agrandir et ouvre en France un magasin tous les 2 mois depuis son implantation sur le territoire. Son dernier chiffre d’affaires connu date de 2019/2020 et fait état de 3 030 millions d’euros de Chiffres d’Affaires.
« Nous aimerions aussi avoir un 13eme mois, ça nous aiderait en période de Noël. » Explique un père de famille. « Une cadre m’a dit un jour que les gens qui touchent la prime d’activité sont des cas sociaux qui profitent du système. Sauf, qu’ici on la touche tous, avec le petit salaire que l’on a. Alors, ceux qui profitent du système, c’est plutôt eux. Eux, ils sont rien sans notre travail physique et ingrat. » Explique François Bany, représentant CGT. « Ce sont eux qui touchent des primes par rapport au travail que nous faisons, c’est quand même incroyable. »
88 accidents du travail ont été répertoriés sur l’année. « Nous souffrons surtout du dos. » Raconte une salariée. « Mais, ils voudraient qu’on bosse encore plus, ils nous proposent 70 euros bruts si on accepte de bosser le samedi. »
Une délégation a été reçue ce matin. Après 2 heures de discussion qui n’ont pas mené à grand chose, les représentants du personnel sont ressortis plus motivés. « Ils se foutent de nous, ils tentent même de nous manipuler et de jouer sur le fait que nous avons des petits salaires. Vous imaginez qu’ils ont quand même dit que si on reprenait le travail demain, ils nous payaient cette journée de grève ! »
Grève reconduite à l’unanimité
La direction a proposé de réfléchir sur une proposition d’ici jeudi. Les grévistes ont décidé à l’unanimité de continuer le mouvement. « Nous ne lâcherons pas, finalement, nous n’avons rien à perdre. Vous savez qu’ils éteignent même nos frigos le vendredi soir et ne les rallument que le lundi matin, sous couvert de crise énergétique. Mais, eux profitent de la clim’ 24/24. Nous sommes dans la lutte des classes. Et quand, comme nous, il n’y a plus rien à perdre, on ne peut que gagner. »
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