Fin des conventions avec les restaurateurs : Grève des salariés de la SEMERAP

Publié le 06/01/2021, mis à jour le 12/01/2021.

Toute la journée du 06 janvier 2021, une centaine de grévistes se sont rassemblés devant le centre d’exploitation situé à Joze de SEMERAP. Cette société publique locale est responsable des services de distribution d’eau potable et d’assainissement des eaux usées sur la zone de Basse-Limagne et la plaine de Riom. Ses salariés sont aujourd’hui en grève car le directeur général, Olivier Jautzy, souhaite supprimer les conventions signées avec les restaurants, qui servent des repas gratuits aux travailleurs en service.

La SEMERAP (Société d’Economie Mixte pour l’Exploitation des Réseaux d’eau et d’Assainissement et la Protection de l’environnement) est une société publique locale, née en 1975 de la volonté des élus locaux de participer pleinement à la gestion de leurs services publics. Aujourd’hui, elle souhaite priver ses salariés des repas gratuits dont ils bénéficiaient pendant leurs services. Ils seront remplacés par le système des tickets restaurants. Stéphane Tontini, délégué syndical de la CGT Semerap, explique : « Cela fait 40 ans que l’entreprise paye les restaurateurs pour les salariés. Je travaille pour Semerap depuis 22 ans, j’ai jamais payé un repas, pourquoi je paierai 4 euros le ticket restaurant, les charges sociales et les impôts qui vont avec ? » Le délégué syndical précise aussi que, en plus de perdre cet avantage social indéniable, l’entreprise interdit aux salariés de manger dans leurs fourgons ou sur les chantiers. « On va manger où du coup ? Il fait froid en hiver, avant on était contents de pouvoir manger au chaud dans un restaurant. Avec les tickets restaurants, tu te payes un sandwich ou des courses. Nous, on a pas les moyens de se payer un restaurant tous les jours, contrairement au directeur. » Car contrairement aux conventions signées entre la société et les établissements de restauration, le ticket restaurant est acheté avec une partie du salaire de l’employé.
Pour les syndicalistes, le problème de fond est que Olivier Jautzy est seul décisionnaire de ce genre de changements au sein de l’entreprise. Les cégétistes aimeraient donc que trois directeurs soient nommés, au lieu d’un seul, qui se trouve loin des réalités du terrain. « Si la Semerap était en difficulté, on comprendrait qu’on fasse un effort. Mais l’entreprise va bien, il n’y a aucune raison de changer un usage datant de plus de 40 ans. » Les salariés travaillant dans les bureaux de la Semerap fonctionnent, eux, avec les tickets restaurants. Le système de convention avec les restaurateurs est dédié aux salariés travaillant sur le terrain. « C’est normal, parce que nous on se déplace de ville en ville. On ne peut pas rentrer chez nous entre midi et deux. On mange là où on intervient, d’où ces conventions qui marchaient très bien » explique Stéphane.

Les salariés de Semerap travaillent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. « Quand on travaille à trois heures du matin, il y a toujours un aubergiste qui se lève et nous prépare un repas. Les restaurateurs nous ont toujours accueillis et soutenus, à nous de faire de même. » Les grévistes refusent aussi ce projet car ils souhaitent continuer à soutenir les patrons des restaurants pendant la pandémie. « Ils n’ont que nous en ce moment. Il est hors de question de les priver de leurs seuls clients. » Ajoute Stéphane. Une forte solidarité entre les grévistes et les restaurateurs existe, dû à un lien de proximité qui se construit depuis les débuts de l’entreprise. Ces derniers sont d’ailleurs venus soutenir les grévistes devant le portail où ils ont décidé de planter leur piquet de grève. « Ils nous alimentent en boissons, en nourriture, ils nous ont même ramené de la truffade ! » se réjouit le délégué syndical. Les cégétistes sont donc bien équipés en alimentation, chapiteaux et même en chauffage pour tenir le plus longtemps possible, en attendant que la société prenne contact avec eux.
Pour ses salariés, Semerap a toujours été une entreprise familiale et de proximité : « Je suis payé pour amener l’eau aux gens, mais on leur rend des petits services. Ils savent où on mange donc ils viennent nous poser des questions sur leurs factures, on leur donne des numéros, on raccompagne les dames âgées chez elles etc. » Pour Stéphane, c’est le contact avec les usagers qui l’a toujours attiré, qui fait toute la qualité de l’entreprise. Les conventions avec les restaurants font donc partie de cette proximité avec le client. « On a peut-être des problèmes internes mais on ne touche pas à ce qu’on a de plus joli. » conclut-il.

Sans réponse de la direction, les salariés ont décidé d’entamer une grève illimité à la fin de la journée de mobilisation. Sur un effectif total de 180 salariés, la Semerap voit la quasi-totalité de ses employés refuser de travailler pour une durée indéterminée.
Deux jours plus tard, le directeur général de la Semerap a souhaité répondre à cet article. Il confirme effectivement la modification des règles de prises en charge des repas de ses salariés. Toutefois, il explique vouloir mettre en place le système des tickets restaurants pour « rétablir l’équité entre tous les salariés de l’entreprise » mais aussi « être en conformité avec les règles de l’URSSAF et du fisc. » Olivier Jautzy expose son incompréhension face à ce mouvement grève car « pour les salariés qui bénéficiaient de l’usage actuel, il est prévu de leur verser une indemnité compensatrice afin qu’aucun d’entre eux ne perde d’argent du fait du nouveau système. » Il précise aussi que les travailleurs de l’entreprise ont bénéficié d’une augmentation salariale de 3.6% cette année, avec le maintien des salaires à 100% durant la période de confinement, y compris pour ceux qui étaient activité partielle. « Nous avons réalisé au cours de l’année plus de 40 réunions d’échange entre direction et représentants du personnel, où l’on a signé un accord permettant le télétravail pour près de 45 salariés. » Enfin, le directeur général explique que « Depuis le mois de décembre, puis dans le cadre des discussions engagées depuis le début de la grève,  plusieurs adaptations ont été proposées à la demande des représentants du personnel, notamment le remplacement de l’indemnité forfaitaire initialement prévue par une indemnité calculée en fonction du nombre et montant réel de chaque repas pris au restaurant (en plus des tickets restaurants) ».
Sauf que pour les salariés de la Semerap, ces arguments ne sont pas valables. Selon Stéphane Tontini, les inspections de l’URSAFF et du fisc reprochaient à la Semerap de prendre en charge les repas mais « sans déclaration et donc sans charge sociale et imposition. Suite aux contrôles, il a été mis en place la déclaration des avantages en natures des repas pris par les salariés des services techniques. Nous l’avons bien évidemment accepté sans aucune compensation, il s’agit de respecter la loi. Nous sommes donc en totale conformité. » Pour le secrétaire général CGT de la Semerap, il s’agit simplement d’une volonté de la direction d’homogénéiser les pratiques de l’entreprise, de simplifier le traitement administratif du suivi pour « économiser un équivalent temps plein », mais aussi de faire des économies sur le coût de ces repas. Concernant l’indemnité avancée par le directeur, elle est jugée « insuffisante » par les salariés de la Semerap, « il y a toujours des pertes pour les salariés, et précaire, puisque prise dans le cadre d’une décision unilatérale, elle peut être supprimée à tout moment. Les nouveaux salariés ne bénéficieront pas de cette indemnité créant ainsi une distorsion d’égalité au sein d’une même équipe. » explique Stéphane. Quant aux réunions, ce dernier dénonce l’hypocrisie de son directeur général, expliquant qu’elles ne servent qu’à exposer et imposer les mesures de la direction, sans dialogue. Il expose aussi le fait que le directeur ne peut pas être surpris d’un tel mouvement : « Il y a presque un an une telle proposition avait été faite et soumise aux votes des salariés qui à l’époque l’avait très largement rejeté. De plus, les représentants du CSE ont plusieurs fois informé la direction générale de la situation. » Enfin, Stéphane s’insurge face à la soit disant générosité présentée par le directeur durant le confinement : « Au moins 80% des salaires ont été pris en charge par la solidarité nationale, pas par la Semerap ! Un certain nombre de postes de charges ont baissé : les repas, le carburant puisque les salariés étaient en partie au chômage partiel… tout en continuant à faire tourner les compteurs d’eau, et donc à faire des bénéfices. L’entreprise a donc même fait des économies, permettant l’achat de voitures de fonction pour les cadres ! »
Le dialogue semble donc bien rompu entre les salariés de la Semerap et leur direction. Les salariés sont toujours en grève, pour une durée illimitée.


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