‌Mobilisation des acteurs du monde culturel

Les lieux de cultures sont fermés depuis le 30 octobre dernier. Alors que Jean Castex avait envisagé une réouverture des lieux de culture le 7 janvier, le gouvernement a finalement de nouveau reculé cette date. Les intermittents du spectacle ont décidé de s’organiser lors d’une assemblée générale, aujourd’hui à 15h, à la Maison du peuple de Clermont-Ferrand. 

Les acteurs du monde de la culture ont compris qu’ils ne reprendraient pas de sitôt leur activité. Pour eux, il est temps que le gouvernement comprenne que leur activité professionnelle n’est pas « non essentielle », qu’ils ont besoin de financements afin de continuer à travailler sur de futurs spectacles et renflouer leurs caisses professionnelles.
En entrant dans la pièce de réunion, une table était installée, mettant à disposition gel hydroalcoolique, masques « Culture en Danger ! », des drapeaux et des autocollants revendicatifs de la CGT spectacle et la SNAM (musiciens et musiciennes CGT). Les portes vers l’extérieur doivent rester ouvertes pour suivre le protocole sanitaire : « A défaut de choper la Covid, on chopera la crève ! » plaisante un des 30 militants présents. Peu sont syndicalisés, les statuts, fonctions et engagements varient de l’un à l’autre. Le but aujourd’hui est de faire le récapitulatif des actions possibles, de quand et où se mobiliser, quel message faire passer. « On veut être visibles. On pense s’orienter vers un rassemblement comme le 15 décembre et le faire le 20 janvier. On veut des dates précises de reprise d’activité, prolonger l’année blanche ainsi qu’une mise en place d’un fonds pour la préparation des spectacles et irriguer à la fois les salles de spectacles mais aussi les artistes. Car sans cachets, pas de statut d’intermittent ni de sécurité sociale. » explique Clément, fonctionnaire territorial en tant que régisseur. L’important est aussi d’être visible au niveau local car les artistes clermontois ont peur d’être oubliés face au centre culturel de la région qui est Lyon.

 Pour rassembler les idées de chacun, un tour de table commence. Chacun expose sa situation et ses envies. Certains sont là surtout par solidarité, comme les salariés du cinéma associatif du Rio, qui appartiennent à une fédération dédiée aux cinémas français : « On ne fait pas partie du monde du spectacle vivant mais on a les mêmes inquiétudes concernant les réouvertures et on veut être solidaires pour tous. » explique Rémy. Aurélie, qui travaille aussi au Rio, enchaîne : « On a encore des aides compensatoires pour le moment, mais on en a marre de servir de variable d’ajustement du virus. On n’est pas des lieux plus dangereux que ceux qui sont ouverts aujourd’hui. On a une baisse de 70% des entrées en 2020. On tenait sur les économies mais 2021 va être dur. » 
Beaucoup se posent des questions sur leur avenir, mais surtout celui de la culture : « Pourquoi ils veulent tuer la culture ? La pandémie est la meilleure façon de faire peur aux gens et quand les gens ont peur, ils acceptent tout ! La culture c’est vivre, échanger, cogiter et ils essaient tous de nous faire crever pour nous soumettre. Si on n’est pas solidaires, on paiera tous les frais. »
s’énerve Yann, musicien. Beaucoup d’émotions sont transmises dans les voix de chacun, de la peur, de l’insurrection, de la tristesse, du désespoir aussi. Un sentiment d’injustice est prononcé lorsqu’ils voient que la quasi-totalité des produits, au-delà de la nourriture, sont accessibles quand leur art est considéré comme non essentiel. Mais tous savent que la culture ne mourra pas. Beaucoup font un constat général : la société va mal, et sans culture, elle ne risque pas de s’épanouir. « J’aimerais qu’on retrouve notre liberté tout simplement, sans même parler de nous. Plein de lois liberticides passent et personne ne s’en plaint. » lance Philippe, musicien. Pour les acteurs du monde de la culture, il est évident qu’ils sont l’échappatoire à la télé, à la société de consommation et capitaliste actuelle. Ils expriment chacun leurs doutes et leurs peurs qui concernent les positions sociales, économiques et culturelles du gouvernement. Thierry, qui travaille dans le théâtre, explique : « La culture c’est un rituel commun pour se rassembler, échanger. On a une culture qui s’est industrialisée, c’est du divertissement, les politiques veulent nous rendre esclaves, et les esclaves n’ont pas de culture. Derrière on a les églises ouvertes, Cyril Hanouna et Miss France qui rassemble 1500 personnes… »

Les artistes, pourtant si créatifs et joyeux, se sentent pessimistes. Mais n’abandonnent pas. Les idées fusent. Loïc propose de se produire dans un lieu autorisé comme les supermarchés : « Entre le PQ et la Javel ! Je trouve que ça a du sens car c’est un lieu autorisé et ça, ça fera chier le gouvernement. Parce qu’il s’en fout qu’on occupe nos salles illégalement, ils nous mettront juste dehors. » D’autres sont contre, comme Thierry : « Je ne veux pas donner mon art aux supermarchés, je préfère les marchés. Je préfère aussi ouvrir les salles et faire payer. Faut arrêter de penser légal ou pas légal, c’est le nombre qui rend quelque chose de légal, c’est ça la démocratie non ? » s’énerve-t-il, exaspéré d’obéir aux logiques gouvernementales. Lucie, musicienne, marionnettiste et créatrice de spectacles propose alors de tourner encore plus au ridicule les normes imposées : « On peut faire un stand au marché où tu vends une carotte et tu offres une chanson gratuite. Si on t’accoste, tu réponds « non non je vends pas une chanson, je vends une carotte » ». François, comédien, poursuit l’idée en proposant d’ouvrir une épicerie dans une salle de spectacle.
Les artistes veulent en tout cas rendre ce qui est négatif en quelque chose de joyeux. Tourner au ridicule et montrer l’incohérence des normes sanitaires leur rend un peu le sourire, les fait même rire. Mais il ne faut pas oublier de faire comprendre la gravité de la situation et de pointer leurs concurrents déloyaux : « Il faut viser aussi les acteurs qui vendent la culture, comme Amazon, la Fnac, et qui se gavent alors que ce n’est pas ce modèle culturel qu’on défend. On peut tenter de les toucher économiquement pour se donner une visibilité. » propose Lucie. Vincent, musicien, exprime aussi son inquiétude par rapport à la diffusion de la culture sur internet : « C’est pas ce qui va nous nourrir ni rassembler les gens autour de la culture. On devrait montrer aux gens ce qu’est un monde sans culture. Un black out partout, même sur internet, le temps d’une journée. »
Enfin, pour les acteurs du monde de la culture, il est surtout important de sensibiliser la population sur leur statut et la situation qu’ils vivent, mais aussi de se rassembler : « On doit coordonner les luttes. Je pense que le problème est général et politique, plus que sanitaire. On aura un réel impact quand on s’associera avec d’autres secteurs notamment les bars, les restaurants qui ont des liens avec le monde du spectacle ainsi qu’avec les indépendants. Les producteurs locaux aussi. On doit mobiliser tout le monde pour montrer qu’on est une force. Montrer notre impact en terme économique et social. » explique Olivier, musicien dans une troupe.

Après plus de deux heures de débats, la date du 20 janvier reste fixée pour une manifestation. Celle-ci sera sûrement organisée avec plusieurs groupes qui interviendront par diverses actions comme des micros-spectacles dans des supermarchés ou devant les salles fermées. Puis tous se rassembleront pour distribuer des tracts, faire du bruit et être visibles. « On pourrait même faire un spectacle place de Jaude en faisant tourner le chapeau et peut-être même déclarer les artistes pour aller plus loin. » termine Clément. Pour organiser la manifestation du 20 janvier, ainsi que d’autres actions coup de poing, rendez-vous le 14 janvier à 15h. Le lieu n’est pas encore défini mais les informations circuleront sur les réseaux des « intermittents d’Auvergne »

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