C’était la seconde réunion publique organisée par l’Union locale de la CGT Livreurs. Christophe Bouchieux, secrétaire général de cette union locale, commence : « Il y a beaucoup de choses à dénoncer dans le métier de livreur : le statut de travailleurs indépendants, qui ne garantit ni sécurité sociale, ni cotisations pour la retraite ; une rémunération qui ne cesse de baisser, des heures pas possibles … »
Une rémunération en baisse et des frais à la charge des livreurs.
L’objectif premier des porteurs de repas est donc l’augmentation de leur rémunération : « il y a encore deux ans, on était payés minimum 4.50 euros la course ! Aujourd’hui, on tourne autour des deux euros » explique Mohamed, qui ne trouve plus d’avantages dans son métier. « On a plus de prime lorsqu’il pleut. Idem, j’ai touché la prime de risque pendant le premier confinement, mais pas au second. » Sans parler des masques, gels hydroalcooliques qui leur avaient été promis et qu’on ne leur a jamais donnés. « Tout est à notre charge, même le matériel de base comme les sacs qu’on achète. Avant, on avait un local où les récupérer gratuitement, maintenant on les paye » poursuit-il.
Bilel, un autre livreur, témoigne aussi sur la rémunération et ce que cela engendre : « La plateforme prélève 3% de la commande sur une course. On travaille de 10h à minuit tous les jours, avec un bonus d’un à deux euros pour les courses le week-end. Si je bosse entre 4 et 5h, je gagne environ 50 euros. On ne veut plus de primes, on veut une augmentation de notre salaire sur la durée. On vit comme des chiens, on ne profite pas de nos familles. Comme on mange dehors, c’est plus cher que lorsqu’on cuisine. Je dépense environ 25 euros par jour pour manger. Sans parler des frais d’essence, d’entretien du véhicule… » termine Bilel.
Un statut d’auto-entrepreneur désavantageux et précaire qui leur fait prendre des risques.
Bilel explique aussi que les livreurs prennent évidemment plus de risques au fur et à mesure que le prix de la course baisse. « Le week-end surtout, tout le monde est fou, ça grille des feux rouges etc. pour aller plus vite et faire le plus de commandes possible. Le soir et le week-end j’angoisse parce que je me suis déjà fait renverser par une voiture il y a un an. Pendant 3 mois, je n’ai pas été payé car j’ai dû rester à la maison. »
Car les livreurs ont un statut de travailleurs indépendants, ce qui implique qu’ils n’ont pas de couverture ni de cotisations sociales prélevées automatiquement sur leurs fiches de paie. C’est à eux d’aller cotiser en tant qu’auto-entrepreneurs pour obtenir une sécurité sociale ou une retraite dans le futur. « C’est beaucoup de charges en plus, je dois par exemple de moi-même cotiser à l’Urssaf. Si je ne l’avais pas fait, mes frais de santé après mon accident n’auraient pas été remboursés par la plateforme » explique Bilel.
Pour beaucoup, devenir livreur n’a pas été un choix mais une solution de repli face à un marché du travail fermé. Pour d’autres, un moyen de travailler sans papiers. Mais quelques-uns avaient choisi ce métier, qui présentait au départ des avantages : « Avant je me disais que je gagnais assez, que j’avais l’avantage de ne pas avoir d’horaires ou de patron. Aujourd’hui, ça m’apporte plus de charges qu’autre chose » expose Mohamed.

Revendications
Les livreurs demandent donc évidemment une revalorisation de leur salaire mais aussi « la présence d’un représentant sur Clermont-Ferrand, qui prendrait notre parole pour la reléguer à la plateforme » propose Bilel. « Oui parce que pour l’instant, on a un représentant qui est présent sur 5 villes en Auvergne-Rhône-Alpes. Si un client se plaint pour une commande détériorée, ou non délivrée, auprès de la plateforme, c’est vers ce représentant qu’on se tourne pour débloquer notre compte » explique Mohamed. En effet, suite à une plainte de client, le compte des livreurs peut être bloqué et les empêcher de travailler. « Le représentant, lui, va voir le détail de toutes nos courses, nos trajets etc. Il saura donc si on a véritablement livré la commande ou pas. Car parfois les clients abusent et disent qu’on est pas venu, pour se faire rembourser » poursuit-il.
Les livreurs demandent donc l’arrêt du blocage des comptes, une rémunération correcte, mais aussi plus de droits en matière d’équipement ou de protection sociale. « La municipalité entretient par exemple les C.vélos qui sont à disposition des citadins. On pourrait imaginer un partenariat avec elle afin qu’elle s’occupe aussi de l’entretien des véhicules de livreurs » explique Christophe. « On veut en tout cas des garanties collectives pour les livreurs. Il faut donc qu’on s’organise et qu’on se coordonne entre les villes pour avoir plus de résonance auprès de la plateforme » termine le cégétiste.
C’est pourquoi les travailleurs indépendants ont décidé de faire grève et de se rassembler samedi 13 mars, à 11h, place de Jaude. « C’est le week-end que la plateforme fait le plus de bénéfices. Mais surtout entre 19h et 23h, sauf qu’avec le couvre-feu, on ne pourra pas manifester à ces heures là. Ce sera pour une prochaine fois. »