Scandale de l’amiante à Aubière

Depuis plus d'un an, associations, habitants, syndicat et opposition se battent pour suspendre le projet de rénovation du stade de rugby à Aubière sur un terrain miné par l'amiante. Le maire, pourtant, ne semble pas prendre la mesure de la problématique en faisant travailler ses agents, malgré les diagnostics et alertes.

Il faut dire qu’Aubière a connu des remous politiques ces derniers temps. Le maire est passé avec 5 voix de plus que l’opposition qui avait fait appel au Conseil d’Etat pour tenter d’obtenir un troisième tour. Mais, celui-ci a statué en faveur de Sylvain Casildas, maire divers-droite. L’ambiance est donc plutôt tendue du côté d’Aubière. Il n’empêche. Le maire actuel décide de rénover la plaine de Bourzac, de faire un nouveau stade de rugby et d’aménager le quartier.

Des cabanons aux toitures en fibrociment

Pour cela, il faut détruire les cabanons de jardin qui ont été construits par les anciens propriétaires de terrain, rachetés par la ville. De plus, d’autres parcelles ont été louées aux habitants afin qu’ils réalisent leur potager. Les cabanons ont des toitures en fibro-ciment, rongées par l’amiante. Pourtant, ce genre de chantier nécessite donc l’intervention d’entreprises de désamiantage, formées pour manipuler l’amiante, et l’enlever avec le moins de risque possible et rendre le site propre.

Des agents municipaux qui retirent les déchets d’amiante !

Le maire préfère demander à ses agents municipaux de détruire les cabanons. Le 14 avril 2021, un agent municipal alerte rapidement ses collègues. « Je leur ai dit que nous n’étions pas habilités à faire ça, que c’était dangereux pour notre santé. » Une élu de l’opposition interpelle le maire. Aucune réaction de sa part. Les agents arrêtent le chantier. « L’amiante se voyait à l’oeil nu. Les collègues n’avaient que des masques anti-Covid pour se protéger des poussières d’amiante. »

D’ailleurs, les élus de l’opposition le confirment : « Le maire a réalisé un devis de désamiantage quelques mois avant, sur un jardin proche, il était donc au courant de la présence d’amiante. Mais, c’est sûr que ça a un coût. » Le maire, que nous avons rencontré, quant à lui, s’en défend : « Quand j’ai su que les agents n’étaient pas formés au désamiantage, nous leur avons payé une formation. C’est à cause de l’ancienne équipe municipale qui n’a jamais formé ses agents. »

Pourtant, le 30 avril de la même année , les agents sont sommés de poursuivre le chantier. Différentes alertes sont alors données lors des CHSCT, mais les cabanes sont totalement détruites. Et les agents travailleront durant plus de 4 mois, sans formation ni protection adéquate.

Une formation qui ne permet pas de déplacer ni détruire l’amiante

Le maire assure qu’il n’y a aucun danger, que ses agents sont formés. Pourtant, après vérification, nous avons pu constater que les agents sont seulement formés à travailler à proximité d’amiante, en aucun cas, ils ne peuvent gérer des opérations de destruction ou de retrait de l’amiante, voire même travailler sur un site amianté.. Malgré tout, c’est ce qu’ils continuent à faire. Dernièrement, l’un d’entre eux débroussaillait ou tondait la pelouse, travaillant dans la poussière. Ce qui est totalement illégal.

Des diagnostics qui prouvent la présence d’amiante

Différents diagnostics prouvent la présence d’amiante. La CGT et l’opposition font réaliser tour à tour des diagnostics par deux entreprises différentes. La municipalité n’en a pas tenu compte et nous a parlé d’un diagnostic prouvant l’absence d’amiante. Nous n’avons pas eu accès à ce diagnostic.

En juillet 2021, des courriers sont adressés au préfet. Aucune réponse.

extrait du dernier diagnostic réalisé
Course d’orientation des collégiens sur le site pollué

Pendant ce temps, les élèves du collège, accolé au terrain, font des courses d’orientation sur la zone amiantée. Certains habitants, dont le voisinage se posent des questions. La mairie leur répond qu’il n’y a rien de dangereux. Des parents d’élèves s’inquiètent. Le maire les rassure lors du CA de l’établissement scolaire, prétendant que tout avait été réalisé dans les règles.

L’association « Le Caper », association des victimes de l’amiante, distribue un tract sur la commune. Sa présidente, Josette Roudaire est reçue par le maire. Elle tente de lui faire prendre conscience des risques. Selon elle, « il est resté de marbre« . Selon le maire « elle avait décidé qu’elle avait raison et était proche de l’ancien maire. »

Un dernier diagnostic sans équivoque

Le temps passe, le terrain de rugby prend forme. Les agents continuent de tondre la parcelle, dans la poussière. Ces derniers jours, un nouveau diagnostic a donc été réalisé par la même entreprise que celle embauchée par le maire, selon lui. Indéniablement, il prouve une forte présence d’amiante sur le terrain de rugby et les parcelles alentours. Lorsqu’on lui a demandé, le maire n’avait pas encore vu le diagnostic et semblait mal à l’aise avec cette nouvelle qui lui avait été annoncée au CHSCT, la veille. « Je vais demander des comptes à l’entreprise qui a fait les prélèvements. »

Des dépôts sauvages

« Ce projet de réaménagement du territoire me tient à cœur. Mais si l’amiante est bien présente, je ferai en sorte qu’elle disparaisse. Il faut savoir aussi que de nombreux habitants font des dépôts sauvages et que nous faisons intervenir des entreprises à chaque fois. » L’opposition confirme. « C’est vrai que certains habitants déposent leur fibrociment sur les parcelles, ce qui n’est pas malin, mais l’amiante est visible à l’œil nu partout, donc on peut imaginer qu’ils se disent que si la municipalité laisse ses déchets, pourquoi pas eux. »

Plusieurs plaintes déposées

Le CAPER a décidé de porter plainte contre la municipalité, pour mise en danger d’autrui. « On parle d’un scandale sanitaire, là. La population, les collégiens, les rugbymen, les promeneurs peuvent développer des maladies dues à l’amiante. Il faut prendre ses responsabilités. » Maître Lafforgue, celui-là même qui a fait condamner Monsanto pour les glyphosates, portera le dossier.

Extrait dernier diagnostic datant du 9 juin 2022
Trois mille morts par an à cause de l’amiante

« On a encore 3000 morts par an à cause de l’amiante. Elle est interdite depuis 1997 pourtant. Le désamiantage est réglementé. Le maire ne peut pas dire qu’il ne savait pas, il a reçu assez d’alertes. Certes, il peut penser au départ que c’est un coup de l’opposition, mais les diagnostics font foi. «  se questionne Josette Roudaire, présidente du CAPER. Des parents d’élèves ont aussi décidé de ne pas rester sans rien faire. La CGT déposera plainte elle aussi dans le cadre de la protection des agents municipaux.

Le maire d’Aubière : « Je ne suis pas un assassin »

Quant au maire, lors de notre entretien, il semblait ne plus trop savoir comment se positionner. « Je me demande comment l’amiante fait pour arriver ici » déclare-t-il, suspicieux, puis parle de manipulation politique. Mais quand on lui rétorque, que peu importe, il s’agit de la santé de ses concitoyens, sa réponse est sans appel: « Je ne suis pas un assassin. Si danger, il y a, je ferai tout pour protéger la population. Nous avons mis en place des protocoles avec le centre de gestion et des fiches d’exposition avec les médecins du travail. Dans l’équipe précédente, les mêmes agents ont été exposés lors d’interventions sur l’église, et là, on ne disait rien. »

Des centaines de kilos de déchets d’amiante

Exact, les agents en 2014/2015 ont réalisé des travaux sur la cure à côté de l’église, sans formation. Même si les agents avaient bénéficié de masques à cartouche et de protection respiratoire. De plus, il s’agissait de quelques plaques d’amiante. Sur la plaine de Bourzac, 750 kilos de déchets d’amiante ont déjà été retirés et on estime à 500 kg le poids des déchets restés sur le terrain. L’opposition ne décolère pas : « Maintenant que l’on sait, que l’on connaît les risques, que des alertes ont eu lieu, on ne comprend pas pourquoi il continue de nier, on veut juste que nos gamins puissent aller jouer au rugby, aller au collège, sans avoir peur qu’ils finissent avec une fibre d’amiante dans le corps et un risque de cancer de la plèvre. Est-ce si compliqué à comprendre ? »

Un collectif devrait donc voir le jour pour empêcher l’accès au terrain. En attendant, il y a quelques jours encore un agent était, sans protection, en train de tondre une zone amiantée. Les entreprises privées continuent de travailler, sans avoir été mises au courant de la présence d’amiante. En ce début de semaine, le chantier a été encerclé de balisage « Interdit au public ». Sans plus d’explications.

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2 réflexions sur “Scandale de l’amiante à Aubière”

  1. le travail des journalistes est toujours important dans ce genre d affaires le pouvoir la notoriete ne dispensent pas de respecter la loi .au contraire meme.

  2. Ping : Le diagnostic de la mairie d'Aubière confirme la présence d'Amiante sur les terrains près du collège. - MEDIACOOP

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