Voilà. C’est fait. Le combat des ex-Luxfer récolte enfin une bonne nouvelle : Les Forges de Gerzat devraient voir le jour. Un repreneur sérieux, des collectivités qui se sont engagées et des ex-Luxfer déterminés. Après plus de trois ans de lutte, les dossiers de fonds sont validés et le terrain prêt à accueillir début 2023 la première pierre de l’usine qui tend à reprendre la majorité des ex-salariés Luxfer. « On espère le lancement de la production dès 2024 avec l’embauche de 70 personnes. Si l’implantation sur le marché marche bien, ce sont 200 emplois qui seront créés. » Explique Axel.
3 années de lutte
Il respire un peu. Un peu mieux. « C’est la première bonne nouvelle depuis 3 ans, je vais pas te mentir, j’ai eu plus de bas que de haut durant toutes ces années. » L’annonce du repreneur a fait du bien, mais rien n’était réellement concret jusqu’à vendredi et l’annonce officielle de l’implantation de la nouvelle usine. « J’ai prévenu les ex-Luxfer avant les médias. C’était un beau moment, avec la crise sanitaire on n’a pas encore fêté ça tous ensemble, mais il me tarde de les revoir. »

Pour lui, rien n’aurait marché « sans la pugnacité des ex-salariés. Et puis, on fait quand même de l’oxygène médical, c’est quand même d’actualité. J’espère qu’on va faire du bien au monde ouvrier qui lutte. Leur faire dire qu’on peut gagner. Il ne faut rien lâcher. Mais, pour notre part, on a aussi eu de la chance. Finalement, le Covid nous a servis, on a eu des repreneurs au bon moment. »
Axel en est convaincu : La voix des salariés ne suffit pas. « Des ouvriers tout seuls, personne ne les écoute. On a tendu l’oreille vers nous uniquement quand on a eu notre repreneur à nos côtés. Et puis notre usine a fermé entre les municipales régionales et présidentielles. Ca a bien dû jouer un peu ! »
Des salariés soudés
Syndiqué à la CGT, Axel a pu compter sur son pote Fred de la CFDT. « Moi, j’avais moins d’expérience dans l’entreprise. Et puis, notre lutte a marché car on a tous été soudés. Plusieurs fois, j’ai eu envie de lâcher, mais l’avantage quand la lutte est collective c’est qu’il y en a toujours un pour te rattraper ou te remplacer le temps que tu te remotives. »
De ces trois années de lutte, Axel s’est construit, nourri. « Je me sentais vivant quand on occupait l’usine, on était ensemble, on a ri, beaucoup. On avait juste besoin de se voir, de ne pas se sentir seul. Ca a vraiment été les pires et les meilleures années de ma vie, la lutte Luxfer. »

Et Axel de raconter ce 53eme jour d’occupation que le confinement vient ternir. « On n’était plus que deux dans l’usine, Fred et moi. On voulait pas partir. Les copains nous appelait en nous disant qu’il fallait qu’on aille se confiner chez soi. On était le 17 mars 2020. On a picolé un peu avant de se dire au revoir. Lâcher notre usine, ça a été terrible. »
Convergence des luttes
La lutte lui a aussi permis de rencontrer d’autres usines, d’autres combats, d’autres ouvriers laissés sur le carreau. « On est partis en manif à Paris avec les ACC, les Constellium, j’ai pris conscience qu’on n’était pas tout seuls, que la lutte était globale, que les ouvriers à terre, on était un paquet. »

Axel, déjà « grande gueule » comme il se définit, prend conscience du système. « J’étais déjà politisé. Mais, là j’ai compris. Je subissais le capitalisme, l’humiliation de n’être rien. D’un côté ça m’a embêté cette prise de conscience, elle est rude, et en même temps nécessaire pour le combat. Aujourd’hui, je suis incollable sur la délocalisation et ses enjeux. »
de la haine envers Luxfer à la reconnaissance
Et puis le gamin a grandi. De la haine pour Luxfer « qui le bouffait », il a avalé, digéré, sans pardonner. « Ce qui se passe aujourd’hui nous répare. Nous avons droit à notre reconnaissance. On n’était pas que des pions, des merdes. Parfois on nous disait à Fred et moi qu’on entraînait tout le monde dans notre chute, car les ex-salariés s’accrochaient à nos rêves. Aujourd’hui, on peut les regarder fièrement, on s’est battus pour eux, pour leur boulot. Des investisseurs, des collectivités ont cru en nous. Je crois que ça, ça m’a fait du bien. »

Parce qu’Axel y tient à ses ex-collègues, à cet esprit Pechiney, devenu Luxfer (après un rachat). « J’avais déjà bossé en usine avant d’arriver à Luxfer, mais j’ai tout de suite aimé l’amour de la transmission du savoir-faire. Moi, j’étais dépanneur, donc je bossais seul, un petit mécano. Mais les gars de la production m’apprenait tout. Et puis, on avait des produits difficiles à faire. D’un bloc de métal, tu sors un produit fini bobiné et peint. Tu n’es pas que le maillon d’une chaîne, tu fabriques ton produit en entier. C’était un travail valorisant. »
Le mécano devient l’image d’une lutte
Et puis, l’usine a fermé, et sans trop s’en rendre compte, Axel devient l’image du combat Luxfer. Le voilà à répondre aux questions des journalistes. Lui l’ouvrier de 25 ans. « La lutte n’a pas été que médiatique et politique. Derrière, on avait les copains qui bossaient sur le dossier technique. Finalement, c’était presque plus facile de passer à la télé pour moi. C’était peut-être un peu moi l’image du combat, mais j’avais plein de gens derrière qui bossaient comme des fous. » Silence. Axel pense. Puis rajoute « Mais c’est vrai qu’à la base, j’étais juste un petit mécano. »

2 réflexions sur “Luxfer : « J’ai vécu les pires et les plus beaux moments de ma vie durant cette lutte »”
Merci mediacoop de relayer les combats tous …toujours là pour porter notre parole.
Florence (aide soignante au chu)
Ping : « Tout augmente sauf les salaires », 2000 personnes pour la manifestation interprofessionnelle à Clermont - MEDIACOOP